Yaoundé : l’éponge est un gagne-pain pour les Maliens
Dans la capitale camerounaise, les jeunes ressortissants du pays de Modibo Keita sillonnent les quartiers en vendant des éponges issues de matelas découpés en petits morceaux. La clientèle se recrute auprès des salons de coiffure, des ménages et des boutiques.
La mine grave, les yeux rouges comme un buffle, la peau noire dégoulinant de sueurs, les lèvres blanches et sèches, sans oublier les guenilles sur le corps et les «Batoula» (chaussures en caoutchouc) rafistolées. Son dos porte un gros plastique d’invendus de la journée. Ali est son nom! Ce jeune malien de 25 ans, à pied, parcourt plus de 30 km chaque jour en vendant des morceaux d’éponge dans la capitale camerounaise. «Ce trajet, Ali le fait quotidiennement du lundi à samedi. Il n’est pas le seul malien à effectuer cette vente ambulante de morceaux d’éponge», renseigne Bachirou, grossiste camerounais du «ministère des matelas» situé en face de la pharmacie Élobi, au quartier Tsinga dans le 2e arrondissement de Yaoundé. Malgré la fatigue, le jeune malien présente son fonctionnement, compris celui de ses compatriotes. Selon lui, tout commence à 5 heures du matin. «Tu dois être ici à Élobi très tôt pour acheter ton produit (matelas) et le découper. Parfois, cette découpe se passe la veille, parce que la marche commence au plus tard à 7 heures». Ali achète un matelas ordinaire de deux places, d’une épaisseur de 6 cm. Il coûte 11000 FCFA. Après le découpage, on obtient 140 morceaux d’éponges, dont l’unité coûte 100 FCFA. Le prix de revient est de 14000 FCFA. Soit un bénéfice de 3000 FCFA par matelas de deux places.
Parcours
Dans son périple de ce mercredi 6 septembre, Ali ratisse les quartiers Essos, Nkolmesseng, Fougerol (5e arrondissement). Ensuite, il se rend à Mimboman (4e arrondissement), où les femmes constituent l’unique clientèle. «Les femmes achètent les éponges pour la vaisselle. Elles prennent au plus deux éponges», précise-t-il. À Nkoabang (arrondissement de Nkolafamba), il se dirige prioritairement dans les endroits en constructions, «j’ai pu ventres 7 éponges dans les trois chantiers. Les maçons les utilisent pour le crépissage». Après une pause de 30 minutes, il longe le long de la route Nkoabang-Nkomo. En remontant vers Ekounou, il reçoit un coup de fil, un quincailler passe la commande de 12 éponges qu’il s’empresse de livrer. Ali gagne le jackpot lorsqu’il passe à Kondengui, où il trouve plusieurs salons de coiffure. Kappo, propriétaire d’un salon de coiffeur VIP pour hommes, lui fait une commande qualifiée par le jeune homme de «recette de la mort». Ce dernier achète 35 pièces augmentant le gain du commerçant piéton.
Son frère Omar fait une précision. Pour lui, les coiffeurs pour hommes sont les seuls à avoir des réductions lors des achats, «généralement nous leurs vendons un morceau à 50 FCFA, alors que les ménagères et les maçons prennent au prix normal, c’est-à-dire 100 FCFA la pièce». Cela se vérifie chez Bébé Martin, coiffeur à Nkoldongo, il présente son lot d’éponges acheté la veille.
André Gromyko Balla