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Étiquette : Integration
Education inclusive: Boniface Tatou plaide pour le renforcement des ressources humaines
Le professeur spécialisé dans l’éducation des déficients visuels plaide en faveur d’une formation spécialisée des enseignants et d’un accompagnement financier et matériel des établissements accueillant des enfants particuliers.
Depuis combien de temps le collège Adventiste pratique-t-il l’éducation inclusive?
C’est depuis près de trois décennies que le collège s’est lancé dans l’éducation inclusive. Les premiers handicapés que nous avions reçu étaient des enfants malvoyants. Par la suite, nous avons enregistré d’autres cas comme les déficients auditifs, les enfants autistes et ceux qui ont des handicaps psychomoteurs. Mais il faut dire que c’est depuis une quinzaine d’années que cela s’est vraiment intensifié en terme d’enfants qui sollicitent notre encadrement et même en terme de stratégies que nous mettons en œuvre.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans le cadre de l’éducation inclusive au collège Adventiste?
L’inclusion générale est même d’abord problématique dans notre pays. Au collège Adventiste, nous n’échappons pas à cette panoplie de difficultés. La première concerne les ressources humaines. Quand les pouvoirs publics parlent de l’inclusion, ils ne définissent pas toujours les moyens d’accompagnement, notamment les moyens humains. Donc lorsque vous recevez des élèves handicapés comme ceux ayant des problèmes d’audition, même si on les admet dans les mêmes salles de classe que les autres, il faut dire que leur mode d’apprentissage est différent. C’est un mode qui doit être appris. Or les enseignants que nous avons n’ont pas appris à encadrer de tels enfants. Pour que l’intégration se fasse réellement, il faut des enseignants spécialement formés. Maintenant pour les handicapés moteurs, le problème d’infrastructures se pose. Parfois on nous sommes obligés de déloger des salles de classe pour les mettre au rez-de-chaussée pour leur permettre d’accéder aux salles de classe. On n’a pas toujours l’équipement nécessaire parce que dans le cas des malvoyants, nous continuons à travailler de façon manuelle pour la transcription des documents. Nous avons des transcripteurs qui traduisent les signes du braille au texte imprimé et vice-versa. Il est pourtant possible de d’avoir des équipements permettant de faire le travail avec beaucoup de célérité. On voit donc que le problème financier lui-même se pose pour arriver à l’intégration générale.
Le collège reçoit-il l’accompagnement des autorités compétentes pour l’implémentation de l’éducation inclusive?
Jusqu’à présent, de façon officielle, on n’a pas reçu de subvention financière ou une formation. En interne cependant, le collège prend quand même des dispositions pour donner de petites formations à ses enseignants, avec ses moyens de bord. Nous pratiquons aussi une politique financière qui aide les enfants à continuer leurs études au collège.
S’agissant de l’encadrement des enfants réduits sur le plan auditif, comment se déroule la dispense des leçons en classe?
L’effort que nous faisons dans les salles de classe est de les mettre devant au milieu pour qu’ils restent dans le champ de l’enseignant, afin d’aider ceux qui peuvent lire sur les lèvres. Pour ceux qui ne peuvent pas prendre les cours seuls, surtout pour les classes du second cycle, ils recopient chez leurs camarades. Pour le premier cycle, l’effort est fait pour que tous les cours soient écrits au tableau. Généralement le mercredi et le vendredi après-midi, il y a une reprise des cours dans le cadre d’un soutien pédagogique dans le langage des signes avec des professeurs spécialisés.
Quid des activités scolaires avec les enfants autistes?
Les cas que nous avons sont assez prononcés et donc nous travailleurs avec des éducateurs spécialisés que le parent recrute et qui les accompagnent au quotidien. L’enfant est en classe au quotidien avec son accompagnateur. Le collège réserve une place en classe pour celui-ci et il est avec l’enfant toute la journée. Le soir c’est le même qui tient l’enfant à la maison. Pour les parents qui n’ont pas les moyens d’en recruter, le collège ne dégage pas toujours les moyens de le faire et là ça devient difficile.
Tout cela représente une charge financière, que fait le collège fait pour pallier à cela?
Forcément cela a un coût. Souvent, on est obligé de demander aux parents de supporter une partie de ces charges. Le collège en retour leur fait une réduction sur la pension pour permettre aux familles de pourvoir aux besoins exprimés.
Sur la base des résultats obtenus par ces élèves particuliers peut-on dire qu’il y a une progression sur le plan de l’apprentissage?
Tout à fait. Le bilan est le plus souvent positif. Les enfants passent normalement leurs classes. Même si le pourcentage n’est pas toujours 100%, il se situe au dessus de la moyenne. L’année dernière par exemple, nous avons reçu huit en Terminale et cinq ont réussi. Pour le Probatoire, ils étaient huit on a eu quatre réussites. Au BEPC on avait trois et ils ont tous réussi. Ceux des classes intermédiaires sont tous allés au niveau supérieur.
Quel est la contribution des parents à l’effort d’encadrement de ces jeunes à l’école?
Les relations avec les parents sont plutôt bonnes. Ils font de gros efforts pour suivre les recommandations données. Généralement au début de la rentrée, on a une réunion avec tous les parents pour fixer les bases de l’encadrement des enfants. Il y a aussi des correspondances qu’on échange régulièrement sur les difficultés que les enfants rencontrent au niveau pédagogique et d’autres choses. Leur apprentissage est un travail collégial et donc si l’enfant n’est pas suffisamment à la maison, cela va se ressentir sur leurs résultats scolaires.
Sur la question précise de l’intégration, comment sont les relations entre les enfants déficients et leurs camarades?
Les relations sont le plus souvent bonnes. Elles sont conviviales déjà parce qu’à l’entame, nous faisons une sorte de sensibilisation et de conditionnement de la classe. Très souvent, les élèves sont compréhensifs et ce sont eux qui les aident en les accompagnant par exemple dans la prise de notes. Et ça, ça les aide à socialiser. Ils sont dans la cour, ils bavardent ensembles, ils mangent ensembles et ça a quelques fois conduit à des amitiés poussés avec les valides. Il faut cependant dire qu’il est déjà arrivé que le ciel vire au gris. Cela s’est passé une fois dans une classe de Première où certains valides trouvaient qu’on faisait trop de faveurs à leurs camarades. Qu’on ralentissait le rythme des cours à cause des handicapés parce qu’on doit s’assurer qu’ils ont tout copié avant d’avancer et que certains enseignants donnent des supports de cours à certains en particulier… Alors il y a des gens qui se sont révoltés. Même parmi les enseignants, certains ont estimés que le collège n’est pas une école pour handicapés, Qu’il existe des écoles spécialisées pour ces cas et que eux, ils ne sont pas formés pour ça, ce n’est pas à eux de s’en occuper. Donc de tels cas existent toujours. Ce que nous faisons, c’est que nous menons des plaidoiries auprès d’eux pour réclamer leur indulgence et leur patience.
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Propos recueillis par Louise Nsana
Pref-Cemac: démarrage en vue pour deux projets intégrateurs
Les projets intégrateurs prioritaires de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) étaient au cœur d’une réunion le 20 juin dernier à Brazzaville (Congo). Occasion pour les experts des six États membres et à leurs partenaires financiers de faire le point, d’une part, de l’exécution physique de ceux déjà entamés et de ceux en voie de démarrage, d’autre part. À date, le bilan fait état de ce que «quatre projets ont déjà effectivement démarré et qu’un cinquième est en voie de démarrage». Le secrétaire permanent du Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (Pref-Cemac) présent aux travaux s’est toutefois également montré optimiste au sujet de deux autres projets. À en croire le Pr Michel-Cyr Djiena Wembou, les quatre conditions nécessaires à leur passage de la phase de démarrage à celle du lancement effectif sont progressivement en train d’être remplies.
Cette perspective réjouissante pour le processus d’intégration dans la sous-région Afrique centrale concerne pour l’essentiel des projets routiers. C’est le cas du «projet de construction d’un pont sur le fleuve Ntem, y compris les raccordements routiers, et la facilitation des transports et de la sécurité routière sur la route transnationale qui va de Kribi (au Cameroun) à Bata (en Guinée Équatoriale) en passant par Campo également dans la région du Sud au Cameroun».
Le Pr Michel-Cyr Djiena Wembou a aussi évoqué «la construction de la voie expresse Lolabé-Campo, toujours entre le Cameroun et la Guinée Équatoriale». Non sans revenir sur l’option stratégique de partenariat public-privé (PPP) désormais prise pour le financement des projets intégrateurs restants. La décision avait été prise lors d’une réunion du Comité de pilotage du Pref-Cemac. Elle-même se tenait au lendemain de la table ronde des investisseurs de Paris. Laquelle avait permis à la délégation de la Cemac dans laquelle se trouvait le président de la Commission de la Cemac, le Pr Daniel Ona Ondo, de faire une belle moisson. 2 492,6 milliards FCFA de promesses de financement avaient été enregistrées sur les 2 205 milliards FCFA sollicités.
Théodore Ayissi Ayissi
Passeport biométrique Cemac: enfin le visa du Gabon
La cérémonie d’homologation s’est déroulée le 15 mai dernier à Libreville. Cette étape constitue pour les autorités gabonaises et pour le président de la Commission de la Cemac, la preuve de l’attachement au processus d’intégration dans la sous-région.
Le Gabon vient de polir son image et son profil en matière d’intégration en Afrique centrale. Le pays qualifié à tort ou à raison de réfractaire à libre circulation en zone Cemac, a enfin procédé à l’homologation de son passeport biométrique Cemac. La cérémonie y relative s’est déroulée à Libreville le 15 mai dernier sous la présidence du ministre de la Défense, Felicité Ongouori Ngoubili.
Le Gabon était certes le seul pays de la zone Cemac à n’avoir pas enclencher jusque-là cette procédure. Mais l’homologation ainsi actée se veut le reflet, selon le président de la Commission de la Cemac présent sur les lieux, «de l’importance que les plus hautes autorités gabonaises, au premier rang desquelles, Son Excellence Ali Bongo Ondimba, président de la République, chef de l’État, accordent à l’intégration sous-régionale et à la libre circulation des personnes et des biens dans notre espace».
Libreville, 15 mai 2022. Le Pr Daniel Ona Ondo à la cérémonie d’homologation du passeport biométrique gabonais
À en croire le Pr Daniel Ona Ondo, l’aboutissement du processus d’homologation n’est pas le fruit du hasard. Mais bien celui «d’un travail de longue haleine au sein de la direction générale de la Documentation et de l’Immigration (DGDI), et d’une bonne collaboration avec les experts de la Cemac qui a commencé depuis le mois de mars 2019», relève le dirigeant communautaire.
Caractéristiques
Le Passeport type ordinaire du Gabon est selon les experts et le président de la Commission «très sécurisé. Il a plusieurs éléments qui innovent, marquent la différence et fondent la spécificité de son authenticité». Le document de voyage peut ainsi se reconnaître à «la fenêtre transparente asymétrique; à l’image fantôme du portrait; le filigrane; la charnière souple sécurisée et personnalisable; le DOVID transparent protégeant la zone du portrait», décrit le Pr Daniel Ona Ondo dans son discours de circonstance.
Le passeport biométrique Cemac du Gabon est par ailleurs conforme à tous les instruments juridiques communautaires dont le but est «de lever les obstacles à la libre circulation afin de favoriser les échanges entre les États membres de la Cemac». La conséquence immédiate est que tout citoyen gabonais détenteur de ce document «peut désormais se déplacer et séjourner sans visa dans tout autre État de la Communauté pour une durée de 90 jours au plus», indique-t-on à la Commission de la Cemac.
Théodore Ayissi Ayissi
Processus d’intégration: besoin de remodelage pour la Commission de la Cemac
La conférence internationale sur les enjeux et instruments de l’intégration régionale en Afrique centrale était pour le président de la Commission de la Cemac, l’occasion d’un nouveau départ et de l’impulsion d’une nouvelle dynamique.
« Il est crucial pour l’ensemble des pays de la Cemac, de mettre en place de véritables politiques de transformation structurelle basées sur des modèles économiques plus louables, qui doivent permettre à nos économies d’être plus résilientes aux crises externes ». Cette déclaration résume à elle seule l’essentiel de la position défendue les 28 et 29 avril dernier à Libreville par le président de la Commission de la Cemac. Le Pr Daniel Ona Ondo y a participé à la Conférence internationale sur « Les enjeux et instruments de l’intégration régionale en Afrique centrale ». L’événement organisé par la Commission de la Cemac et la Fondation sur les études et recherches sur le développement international (Ferdi) se déroule dans un contexte particulier. Il est notamment marqué par «la pandémie de la Covid-19 et la crise entre la Russie et l’Ukraine dont les effets ont bouleversé toutes nos certitudes, ébranlé nos assurances et lancé à notre sous-région un immense défi : celui de nous réinventer, et de nous inscrire dans une nouvelle dynamique de solidarité, de résilience et de développement », un énoncé le haut responsable communautaire.
Rationalisation des CERs
Trois dimensions de l’intégration régionale étaient mises en avant au cours de la conférence internationale de Libraville. À savoir l’intégration commerciale, la macroéconomie de l’intégration régionale et l’intégration régionale comme instrument de résilience. Et lorsqu’il parle de ces différentes dimensions et du besoin de se réinventer, le président de la Commission de la Cemac fait allusion au processus de rationalisation des CER d’Afrique centrale. « Les autorités communautaires ambitionnent d’élargir l’intégration régionale en fusionnant la Cemac et la CEEAC, tout en participant à la Zlecaf ». À l’en croire, c’est l’un des moyens les plus efficaces pour changer le visage pas toujours à son avantage de la sous-région. «L’Afrique centrale est en effet l’une des zones les moins intégrées du continent à en juger par le volume de commerce intra Cemac, en moyenne 9 % des échanges depuis quelques années », déplore le dirigeant communautaire.Autres mécanismes
Les propositions de changement de paradigme ne se limitent pas à cela. Le Pr Daniel Ona Ondo a également mis à contribution les piliers du Plan stratégique régional de la Vision 2030 de la CEEAC. Surtout pour appeler à « l’approfondissement de l’intégration économique et monétaire et à la consolidation des mécanismes d’intégration au marché continental et mondial », souligne-t-il. Le président de la Commission de la Cemac relève qu’«en dépit des nombreuses opportunités qu’offre le grand marché que constitue la CEEAC et des progrès institutionnels réalisés en matière d’intégration régionale au sein de la zone de libre-échange (adoption d’un Tarif Extérieur Commun qui est en cours et perspectives d ‘une monnaie unique), des contraintes persistantes limitant fortement les avantages que les pays membres peuvent tirer de l’intégration régionale pour doper leur compétitivité ».Le Pr Daniel Ona Ondo se veut par ailleurs le chantre du « développement des infrastructures communautaires (infrastructures énergétiques, de transport, de télécommunication,) et du développement des chaînes de valeur au niveau sous-régional avec l’augmentation de la transformation et la valorisation des produits de la sous-région ».
On l’a également entendu défendre, pendant la conférence de Libreville, l’objectif de « la promotion des échanges intracommunautaires des principaux produits du cru, comme la viande bovine et d’autres produits afin de réduire la pression sur nos réserves de change, et surtout de la promotion du capital humain en accentuant la mise en place des pôles d’excellence en zone Cemac». Cette option devrait se concrétiser via « la formation et l’employabilité des jeunes dans tous les domaines de compétence nécessaires à la transformation de notre sous-région », at-il laissé entendre.
Bamenda : La vie reprend après le « Lockdown »
Depuis vendredi 15 février dans la cité capitale du Nord-ouest, les populations ont pu sortir après 10 jours d’une opération « verrouillage » imposée par les séparatistes.
Une rue de Bamenda. Depuis le 4 février 2019, les populations se sont terrées à la maison, respectant malgré elles, les villes mortes d’une dizaine de jours à elles imposées par les séparatistes de la république virtuelle « d’ambazonie ». « J’ai passé le temps à me tourner les pouces pendant onze jours à domicile » se plaint John Ngwa, habitant de Ngomgham, l’un des quartiers de Bamenda.
Muma Elivinus quant à lui affirme avoir passé près de deux semaines de calvaire » faute de provisions, j’étais fatigué de prendre à temps et à contretemps du café. J’allais mourir de faim ». Pour sa part Papa Alhaji maudit ceux qui ont institué ces villes mortes.
Et pour cause » mon épouse a rendu l’âme parce que je suis dans un quartier sur la route qui mène dans l’un des camps des ambazoniens. Ma femme était malade, j’ai fait appel à l’ambulance pour l’évacuer à l’hôpital. L’ambulance n’est pas venue à cause de l’insécurité.
Elle a rendu l’âme « . Nombreux sont les patients qui ne se sont pas rendu à l’hôpital ces onze jours de villes mortes qui se sont écoulés. Voilà le prix payé par la population du Nord-ouest.
Et ce n’est pas tout. Elle encore subir ce lundi 18 février et ce jusqu’à mercredi 20 février 2019, jour du procès des leaders Sisiku Ayuk Table et Co au tribunal militaire de Yaoundé.
Rémy Binoui
Centrafrique : le huitième accord de paix laisse dubitatif
De nombreuses dispositions du document signé le 06 février dernier laissent planer le doute sur les chances de réussite de ce nouvel accord.
Signature solennelle de l’accord à Bangui. Le document négocié à Khartoum (Soudan), n’était pas encore paraphé par les parties prenantes que des voix s’élevaient déjà pour dénoncer le texte. Le mot « amnistie » ne figure pas dans l’accord obtenu sous l’égide de l’Union africaine, relèvent des spécialistes. » Mais les signataires, peut-on lire dans le document, rejettent « toute idée d’impunité ». Le risque de poursuites judiciaires n’est donc pas exclu, même si la probabilité semble limitée », commente Radio France internationale.
Pour de nombreux observateurs, les 14 groupes rebelles ayant pris part aux négociations sont néanmoins les gagnants de cet accord, au détriment de la population.
« Pour ramener les groupes armés à la capitale et pour mettre fin à leur déprédation, à l’intérieur du pays, il faudrait leur offrir quelque chose. Mais le problème est là : pas mal de ces acteurs sont responsables d’exactions contre les populations. Ce sont de vrais criminels de guerre », analyse Jeffreys Hawking.
Cet ancien ambassadeur des États-Unis en Centrafrique, aujourd’hui chercheur à l’IFRI à Paris, estime qu’ « on peut douter de la fiabilité de l’accord de paix » de Khartoum. « Partager le pouvoir avec les bandits et les coupeurs de rues, pour une bonne partie de la population centrafricaine, ça va mal passer. Donc comment d’une part convaincre les groupes armés de faire la paix, et d’autre part de rendre la justice aux Centrafricains et garder la légitimité de l’État ? C’est très difficile. Je pense que le rapport de force favorise malheureusement toujours les groupes armés ».
Cependant, d’autres préfèrent un mauvais accord, que pas d’accord du tout. C’est le cas de la Fédération internationale des droits de l’Homme, pour qui « c‘est un peu un soulagement parce qu’il y avait une inquiétude grandissante ces derniers jours, notamment à Bangui », si un accord n’était pas trouvé avec les mouvements rebelles.
Au sein du gouvernement centrafricain, on veut dédramatiser et l’on souligne les « raisons objectives de croire à cet accord ». « Nous n’avons, nous gouvernement centrafricain et les Centrafricains même, pas d’autres alternatives pour croire en cet accord et en sa réussite. D’une manière plus objective, il faut noter que cet accord a été, contrairement aux autres, préparé de manière beaucoup plus systématique et minutieuse, dans le sens où les experts de l’Union africaine ont pris le temps de rencontrer à plusieurs reprises les groupes armés de manière à ce que, arrivés à Khartoum, nous puissions être en phase », a expliqué le ministre de la Communication.
Rappelons que les groupes rebelles contrôlent près de 80 % du territoire Centrafricain. L’accord de Khartoum prévoit « la dissolution intégrale des groupes armés sur toute l’étendue du territoire national ». De même, ces 14 mouvements armés s’engagent à « participer pleinement » au processus DDR de désarmement et à « bannir toute velléité d’accession ou de conservation du pouvoir par la force ».
Zéphyrin Fotso Kamga
Agent secret: le métier… au féminin
Visionnaires, brillantes et armées d’un courage sans faille, elles sont aussi étonnamment discrètes. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Intégration est allé à la rencontre de quelques potiches du renseignement au Cameroun.
Comme des béguines, électriques et félines, C.A. et Y. T n’ont pas peur de s’avachir à nos côtés, nous embrassant de paroles, paroles et paroles. Dans ce hall d’un hôtel yaoundéen, l’image qu’elles offrent est bien vaporeuse. Elle ne permet pas tellement de savoir qui l’on a rencontré. Ce qu’on retient de ces belles créatures, ce sont des « yeux revolver » qui, le temps d’un salut, distillent à la fois une allure sévère et cool. Au-delà, ce sont des femmes capables d’adapter leur voix, capables d’imiter mille accents, de rouler les «r» et de roucouler. Des femmes qui prennent garde cependant à rester sensibles à l’enjeu d’être clean : carrure dessinées dans des robes pincées à la taille, avec, pour l’une, une guipure qui ajoute une touche de décontraction urbaine. Cerise sur le gâteau, des fentes qui, dévoilant une partie des membres inférieurs, donnent lieu à une magnifique image. C’est peu de dire que le reporter est traversé par cette image, et qu’il devient de plus en plus difficile de s’arrêter sur quelque chose: le métier d’agent secret, tel qu’exercé au Cameroun par les femmes.
Premiers traits
Seulement, on vient à bout de cette hébétude quand arrive un ancien Lion indomptable. Une ambiance bon enfant se crée. Si les blagues débitées par ce footballeur émérite emportent tout le monde, elles permettent de distinguer au moins une chose : ce sont des femmes qui s’autorégulent dans le sens d’une ormeta bien tempérée, ne laissant pas au journaliste le soin de fouiller le panier de leur profession. Ni C.A., ni Y. T., personne ne dévie cette ligne, même si, au passage, elles avouent être des «catholiques pratiquantes qui vont chaque dimanche à la messe, font un peu de gymnastique, n’ont pas un train de vie énorme et qui prennent leur métier comme un challenge». Et puis, elles coupent court à la discussion fébrile et décousue, reformulant leur refus de s’épancher plus.
En jouant sur les contrastes obtenus à partir de leur attitude, on comprend que ce n’est pas personnel : les deux « gazelles » sont encore en fonction. Qui plus est, elles ont l’impression de ressasser «des banalités». Un ancien haut cadre d’Interpol avait donc bien averti que l’interview ne serait pas facile à conduire, que les femmes agents secret, ont leur tempérament et qu’elles veulent garder «une part de mystère». Autrement dit, qu’elles ne se laissent pas malmener et se protègent derrière une définition extensive de la notion de vie privée et une parfaite connaissance des enjeux stratégiques du temps. «C’est un schème mental venu du fonds des âges du renseignement », renseigne une policière à la retraite.
A ce jour, elle fait figure de «vétéran». J.O. comptabilise plusieurs années de service. «Un parcours durant lequel j’ai côtoyé plusieurs dossiers qui ont fait l’actualité politique, économique et sociale au Cameroun», brandit-elle fièrement. Reconvertie en administratrice déléguée d’une société de gardiennage, elle donne à son ancien métier la teneur d’une riche et belle activité cachée. Elle dit avoir été, en compagnie de cinq autres femmes, recrutée au troquet du coin, juste après son succès à la première partie du baccalauréat (actuel probatoire) et se jette à corps perdu dans les cours par correspondance. «Cette époque est révolue ; avant, c’était un marché un petit peu marginal et un peu traité à la légère», ajuste-t-elle. C’est que depuis, le statut de la femme dans le renseignement a été valorisé. Autrefois mal aimées et considérées (parfois à juste titre, selon notre interlocutrice) comme de dangereuses bourrines, les femmes agents secret au Cameroun bénéficient désormais d’une image positive auprès des structures qui les emploient. «On a beaucoup évolué dans la bonne direction, puisque les autorités ont, il y a 20 ans, accéléré l’insertion des femmes dans ce corps de métier. Elles sont maintenant des dizaines éparpillées sur l’étendue du territoire, avec des salaires juteux », assure la sexagénaire. Elle ajoute: «Maintenant, il faut avoir fait de bonnes études renforcées d’au moins trois modules sur la collecte et le traitement de l’information stratégique ; surtout avec la technologie qui est désormais pointue. Cela est valable même pour les femmes qui sont employées au noir», confie J.O. qui reconnaît que malgré cela, quelques esprits continuent d’instruire, contre les femmes, des procès en incompétence par le truchement de portraits à charge et autres rapports vénéneux.
«Sauveuses et briseuses de vie»
Voilà qui nous met sur la piste de celles qui ne sont plus en activité. Là encore, il faut trouver des leviers pour les faire parler, bien qu’on ait été recommandé. A J. O., 74 ans, on réussit à obtenir quelques anecdotes pittoresques mais bien réelles illustrant les relations tendues entre les hommes et les femmes du renseignement au Cameroun. «En avril 1983, un collègue mâle, souvent très grincheux sur le terrain, avait adressé à nos patrons un rapport dans lequel il racontait comment je lui avais sauvé la vie en Centrafrique». Dans ce pays-là, J.O. était l’unique femme du groupe chargé de débusquer Jean-Pierre Oumboute et Ambang Mbadje, les co-assassins de Dikoum Minyem (époux de Marinette Dikoum, NDLR». «Ça n’a pas été facile ! Alors que nous étions sur la bonne piste, Oumboute et quelques brigands avaient planifié secrètement de liquider ce collègue. Intuition féminine, je lui ai dit de changer de route tout simplement. Dieu merci, on a fait le boulot et on les a arrêtés…», raconte-t-elle.
Selon cette «has been», de fringantes demoiselles font des piges dans la profession. Celles-là n’ont pas de statut officiel puisque ne disposant pas d’une carte professionnelle. «On les utilise pour leur cerveau». Dans un éclat de rire mal contenu, J.O. assure que celles-là écument les lieux de plaisir, capables de vouer à un suspect un amour chevaleresque pendant des jours, voire des mois, «juste le temps de la collecte». Avec du recul elle confesse être fascinée par leur capacité à «savoir jouer double jeu pendant tout ce temps, à savoir garder le secret, et à être restées fidèle à une cause, alors qu’elles risquent la mort si jamais leur couverture était découverte».
Sur le sujet, J.O. relate l’histoire d’une «pigiste» et d’un ancien journaliste de la radio publique camerounaise en fin août 1979 à Yaoundé. L’homme de média était, apprend-on, entré en possession de documents top secret de la gendarmerie. «On a, grâce à une jeune demoiselle, réussi à détecter l’origine de cette fuite, avant d’emprisonner quelques éléments de la sécurité militaire et le journaliste en question… Si cet homme avait imaginé que ça se passerait ainsi…», soupire J.O.
Déconvenues
L’agréable n’est pas toujours au rendez-vous, hélas ! Parfois, quelques lutins sabotent les initiatives des espionnes. «Le monde des renseignements est un biotope autarcique et limite aristo, rétif à faire preuve de transparence sur ses rouages les moins honorables; c’est ce que dévoilent très souvent quelques serpents visqueux présents dans les rangs», déballe un ancien fonctionnaire d’Interpol. Et pour les femmes du métier, insinue-t-il, cela fausse souvent des enquêtes. Cet avis est partagé par G.E, 73 ans, actuellement à la tête d’une association caritative. Elle a travaillé comme espionne à l’ancienne gare routière de Mbalmayo, à quelques encablures du lieu-dit «Poste centrale» à Yaoundé dans les années 80. Elle raconte comment en tant que femme, elle a été contrariée dans la filature d’un percepteur aujourd’hui décédé. «Un collègue m’a dit que ma féminité ne pouvait pas permettre de solder cette enquête sur le transfert illicites de fonds publics via les cars de transport en commun. Or, il avait flairé le magot et était allé mettre le concerné au courant, moyennant beaucoup d’argent», se souvient-elle, tentant de comparer les profils moraux des mâles et ceux des femmes. «Dans ce métier au Cameroun, je crois que nous avons les nerfs d’acier pour ne pas tomber en tentation, à la seule vue de l’argent», souffle-t-elle.
Femme tout court
A écouter une femme agent secret, on l’imagine contrainte et contrite. On est presque mal pour elle. «Ce boulot n’est pas du tout ennuyeux. Ce sont toujours les médias qui gâchent un peu les choses ici au Cameroun», croit savoir J.O. La presse, de son point de vue, se préoccupe plus des «coups bas» portés contre les hommes. Fille de famille au revenu très modeste, bien-pensante, elle dit avoir su, au cours de sa carrière, combiner ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Ce qui se dit et ne se dit pas. Néanmoins, sous ses airs sages, la dame a eu parfois des élans d’indépendance. De rébellion, peut-être aussi, qui sait ? «Comme toutes les femmes !», sourit-elle. A Yaoundé, elle se la coule douce avec son époux et quelques petits-enfants dans un quatre pièce au standing respectable. «Mon mari avait un métier plutôt précaire mais on pouvait s’en sortir à deux en se serrant les coudes, nous n’avions pas de gros besoins», confie-elle. Féministe durant ses années de service, elle avoue avoir mené d’utiles combat pour que ses filles accèdent à la même instruction que les garçons, pour que les femmes puissent exercer un métier, pour qu’elles aient les carrières qu’elles méritent. «Pas dans le renseignement en tout cas ; j’ai peur pour elles !», rigole-t-elle. Dans la foulée, elle n’oublie jamais l’ignominie des attaques, la bassesse de ces quelques belles-sœurs qui, pour dénoncer son métier, ont choisi, délibérément contre elle, un vocabulaire de haine, de mort.
«Ce qui se passe dévoile que l’argent va davantage se faire rare dans cette zone, eu égard à un probable tassement des indices. Puisque le climat des affaires s’annonce plus défavorable que ces jours-ci»
«En avril 1983, un collègue mâle, souvent très grincheux sur le terrain, avait adressé à nos patrons un rapport dans lequel il racontait comment je lui avais sauvé la vie en Centrafrique»
Jean-René Meva’a Amougou