Souvenirs de la CAN : La playlist made in Cameroon
Revue des archives sonores qui résonnent toujours comme l’expression d’une conscience populaire pour de nombreux citoyens camerounais, à la veille et pendant chaque édition de la compétition continentale.

Bienvenue dans un univers artistique extrêmement riche, caractérisé par une infinité de variations possibles. Ils sont nombreux, les artistes-musiciens camerounais qui, par la portée artistique et émotionnelle de leurs œuvres, ont marqué l’épopée de la CAN. Depuis Yaoundé 1972, le bouillonnement de créations musicales a créé à la fois, un lien d’énergie et un moyen de communication extrêmement puissant et immédiat entre le public camerounais et leur équipe, les Lions indomptables. Autour de ce label, certaines chansons s’écoutent moins comme une revendication, mais plutôt comme une façon de mettre en valeur la reconnaissance aux prouesses des Milla, Thomas Nkono, Joseph-Antoine Bell et autres. Revisitées depuis le poste d’observation de notre époque actuelle, ces archives sonores cristallisent toujours des émotions. «Oui, ces archives résonnent toujours comme l’expression d’une conscience populaire dans laquelle de nombreux citoyens Camerounais se reconnaissent à la veille et pendant chaque édition de la coupe d’Afrique des nations. Elles gardent trace de leurs origines. Elles demeurent toujours créatrices d’archétypes et de mythes populaires. D’une certaine façon, elles sont désormais des repères affectifs des vies de supporters des Lions indomptables ; elles rappellent les chagrins comme les exaltations de vivre la CAN. Elles sont celles avec lesquelles on pleure encore en secret, longtemps, longtemps, longtemps…Incrustées dans la mémoire collective, ces chansons raniment à jamais les minuscules effarements, les blessures, les ensauvagements et surtout les joies des Camerounais», s’épanche l’artiste-musicien Ottou Marcellin.
Bien sûr, retracer le cheminement qui mène de Yaoundé 72 à ce jour, permet de prononcer certains noms. Manu Dibango, Kembe Pesauf, Willy Mendo, Ngoye Jeca. Ces noms et bien d’autres ont marqué des époques. Ils ont parqué la CAN et continuent de servir de référence pour les fans des Lions indomptables. Chacun y porte son propre regard, chacun peut faire sien, ces cadeaux que nous ont laissés ces artistes-musiciens. Entre le passé et le futur, tout est cousu ensemble comme par magie au cours de ce programme de 90 mn. La question n’est donc pas d’ignorer telle ou telle chanson. Il s’agit de ressusciter les enjeux inhérents à un corpus de chansons dédiées aux Lions indomptables lors des CAN DE 1972, 1986, 1990 et 2000.
Yaoundé 1972
Manu Dibango, artiste reconnu dans son pays natal, sollicite le ministre des Sports du Cameroun afin d’enregistrer un hymne pour soutenir l’équipe nationale lors de la 8e édition de la coupe d’Afrique des Nations, qui a lieu en début d’année au Cameroun. Manu Dibango se voit accorder la somme d’un million de francs CFA, afin d’enregistrer l’hymne, qui paraît en 45 tours. Toutefois, il manque un titre pour la face B des 45 tours. Manu Dibango enregistre un morceau s’inspirant d’un rythme du mouvement makossa en lui donnant un arrangement soul ce qui devient Soul Makossa. Le single est distribué gratuitement aux supporters, mais après la défaite du Cameroun lors du match contre le Congo, ils cassent le vinyle en guise de protestation.

Abidjan 1984
Victoire des Lions indomptable ! La première à la CAN. Pour l’artiste-musicien Willy Mendo, l’épopée est loin de finir. Dans une chanson, il met en évidence la spécificité de l’exploit de l’équipe camerounaise. On y entend un profond mystère et des évidences sensibles. C’est précisément ce qui, après la CAN 1984 en Côte d’Ivoire, a inscrit Willy Mendo dans le registre des ténors chanteurs de charme. Et puis, il y a surtout ces extraits de reportages (Milla, Abega, Abega-Milla) qui ne manquent pas de tisser une toile de fond sonore qui rappelle bien deux vedettes de la CAN 1984.
Le Caire 1986
En 1986, lors de la CAN en Égypte, quelqu’un de discret suscite de l’émotion au Cameroun et partout en Afrique. C’est que, grâce aux nouveaux paradigmes technologiques, Kembe Pesauk compose un hymne de la compétition. Depuis son studio de Yaoundé, l’artiste fait naître de nouvelles esthétiques et de nouvelles hybridations musicales. Autrement dit, l’inspiration imposée délirante n’exclut nullement l’art, elle dévoile au contraire le travail de virtuose. Pendant que Roger Milla et ses coéquipiers jouent au pied des pyramides, les sonorités inventées par Kembe Pesauk s’installent dans les têtes des supporters comme une ritournelle.
Jean René Mevaa Amougou