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Souvenir du 11 septembre 2001 : Comment j’ai échappé à une mort programmée

Stigmates et impacts sur l’Afrique centrale

Il y a vingt ans, les États-Unis étaient l’objet de la pire attaque terroriste de l’Histoire. Quatre avions (un Boeing 767 et un Boeing 757 d’American Airlines, un Boeing 767 et un Boeing 757 de United Airlines) détournés par 19 terroristes d’Al-Qaïda avaient frappé, à quelques minutes d’intervalle, les tours jumelles du World Trade Center (New York) et le Pentagone (le ministère de la Défense) situé non loin de Washington. Les attentats firent 2.979 morts, dont 2.750 à New York. Le Boeing 767 d’American Airlines avait 92 personnes à bord, celui de United Airlines 65 personnes et le Boeing 757 d’American Airlines 64 personnes. 5 terroristes avaient pris place dans chacun de ces trois avions. Le Boeing 757 de United Airlines, qui transportait 44 personnes dont 4 terroristes, s’écrasa dans un champ de l’État de Pennsylvanie, parce que les passagers se rebellèrent contre les terroristes qui voulaient prendre les commandes de l’avion et foncer sur la Maison-Blanche.

Depuis cette date fatidique, le monde est ensorcelé par le terrorisme. Selon les données de l’Université du Maryland, 10431 attaques terroristes auraient été perpétrées en Afrique entre 2010 et 2015. Si l’on en croit Mohamed Ibn Chambas, représentant de l’ONU au Sahel, le terrorisme aurait fait plus de 4000 morts et provoqué le déplacement d’un demi-million de personnes en 2019 dans la région. Qu’en est –il de l’Afrique centrale ? Quels sont les stigmates et les impacts des attaques terroristes dans cette partie du continent depuis le 11 septembre 2001 ? Le présent supplément spécial fournit des éléments de réponses à travers les regards croisés d’experts aux profils pluridisciplinaires : politologue, sociologue, diplomate, chercheur, journaliste, homme d’affaires…

L’ancien Secrétaire Permanent de la Table Ronde des Industriels Africains (ABR), une organisation du secteur privé fondée par la Banque Africaine de Développement (BAD) dont le siège avait été transféré de la Côte d’Ivoire en Afrique du Sud, évoque sa participation à une conférence en août 2001 au Jacob Javits Convention Center à Manhattan (New York).

Le Camerounais Leon Amala-Brooks

Le Jacob Javits Center se trouvait à quelques mètres des « Twin Towers », les Tours Jumelles, symboles de la puissance américaine. Parmi les Camerounais venus visiter Dr. ONOBIONO, j’avais à cette occasion fait la connaissance d’un jeune compatriote, Bruno Goura Dang (présentement au FEICOM), alors expert à Price Waterhouse Coopers.

Je devais représenter l’ABR à un sommet de la Banque Mondiale le 15 septembre à Washington; nous nous étions entendus, Goura Dang et moi que j’arriverai à New-York le 11 septembre, pour passer quelques jours chez lui et aller à Washington le 14. Les vols de la South African Airways (SAA) à destination de USA durent 18 heures avec escale d’une heure à Dakar pour arriver à New-York vers 8:00 et le voyage de l’aéroport JFK met prêt d’une heure pour atteindre Manhattan. Je serai donc arrivé au bureau de Goura Dang à 9:00 au moment où…

Sauf que le voyage n’a pas eu lieu ce jour-là
Bien que prévenue des semaines à l’avance, Maïté, ma secrétaire originaire de la République Démocratique du Congo, m’avait pourtant obtenu le billet pour le 10 septembre, mais avait réussi l’exploit d’oublier de confirmer le voyage alors qu’elle et moi travaillions justement sur les préparatifs de ce voyage, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Pendant qu’elle essayait d’obtenir ladite confirmation, ce qui est généralement facile, moi je me rendais chez moi faire mon sac pour l’aéroport.

Maïté n’avait pas pu obtenir ma confirmation pour un départ le 10 avec arrivée le 11, et avait plutôt eu le courage, sans me prévenir, de me mettre en liste d’attente dans le vol du 11 qui arrivait le 12…en passant par Atlanta…
Pris de colère, j’avais demandé au Comptable, Massuko Narcisse, toujours de la RDC, de procéder au calcul de tous ses droits pour qu’elle soit renvoyée immédiatement.

J’étais arrivé tout fâché au bureau le matin du 11 et avais annoncé à Maïté que je ne comptais plus l’avoir comme collaboratrice à mon retour des États-Unis, ce qu’elle avait accepté difficilement en me rendant mon nouveau billet d’avion et le numéro de confirmation. «C’est la volonté de Dieu Patron», m’avait-elle dit.

J’avais quitté le bureau vers 15h pour aller faire mon sac et me rendre à l’aéroport. Arrivé chez moi, c’est plutôt mon épouse qui m’annonce que mon voyage n’allait pas avoir lieu en pointant du doigt l’écran de télévision. La scène sur CNN était macabre. «Ce n’est pas un film, me dit-elle, les terroristes ont attaqué New York, et tous les vols à destination des États-Unis sont suspendus jusqu’à nouvel ordre». En regardant ma montre, il était 16h en Afrique du Sud et environs 09:00 à New-York. Si j’avais voyagé le 10, je serais arrivé New York le 11 au matin.

Ma première réaction, sans demander pardon, avait été d’annuler la mesure de renvoi de la secrétaire déjà en cour, la deuxième, appeler Goura Dang dont les bureaux se trouvent dans les environs du lieu des explosions.

Toutes les communications étaient suspendues
Pendant plus de six mois, j’avais essayé presque tous les jours de joindre Goura Dang par téléphone et par mail, sans succès. J’avais conclu que mon jeune frère figurait parmi les victimes du 11 septembre 2001, jusqu’au jour où en 2012 notre groupe sud-africain soit venu présenter les compteurs prépayés au Hilton Hôtel de Yaoundé, un événement abondamment couvert par la presse.

Je n’en revenais pas lorsque quelqu’un ayant lu des articles me concernant et ayant obtenu mon numéro auprès d’un des journalistes me demandait au téléphone si c’était bien moi, et si je me rappelais d’un certain Goura Dang de New York… qui vivait désormais au Cameroun…

Leon Amala-Brooks

Afrique centrale : les blessures béantes du 11 septembre 2001

Autant Adolf Hitler peut être considéré comme principal acteur de l’histoire de la deuxième moitié du XXème siècle avec la deuxième Guerre Mondiale et toutes les conséquences qui s’en sont suivies après la défaite de l’Allemagne, la création de l’ONU et les indépendances Africaines, autant les évènements du 11 septembre 2001 peuvent être considérés comme étant les plus marquants dans les relations internationales après la chute de l’Union Soviétique, chute qui consacrait les États-Unis comme seule superpuissance militaire mondiale.

Ébranlés et touchés dans leur orgueil après les attaques terroristes du 11 septembre, les États-Unis, alors invulnérables, avaient tenté de redorer leur image de super puissance militaire en attaquant l’Irak sur la base d’un mensonge, et déployant des forces en Afghanistan pour combattre le «terrorisme religieux» ou «djihadiste», au moment où émergeaient d’autres puissances économiques et militaires aux dents longues comme la Chine, la Russie, la Turquie et le Brésil qui ne comptent plus se laisser faire, et osaient même, parfois défier la puissante Amérique tout en reléguant au second rang des anciennes puissances coloniales que sont la France et la Grande Bretagne qui ne rêvent que de leur glorieux passé.

Défis en zone CEEAC
Dans cette lancée, l’Afrique, notamment les pays de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) ayant cultivé la dépendance vers l’extérieur et souhaitant maintenir des relations privilégiées avec l’Europe, ne semble pas avoir sérieusement pris la mesure des grands bouleversements qui se produisent de par le monde depuis 2001, en l’occurrence le retrait des anciennes puissances coloniales repliées sur elles-mêmes.

Les pays membres de la CEEAC semblent se contenter plutôt des théories économiques et politiques individuelles et individualistes. Ainsi en est-il par exemple des Accords de Partenariat Économique (APE), en lieu et place de l’intégration régionale caractérisée par la libre circulation des hommes et des biens, qui aurait permis la création de grands blocs économiques capables de développer des infrastructures régionales, éventuellement une monnaie unique, booster les exportations, et de rivaliser avec d’autres puissances économiques en Asie.

Jusqu’ici, la CEEAC n’a pas su tirer profit des bouleversements mondiaux des dernières années. Au contraire, on assiste à une nette domination économique chinoise, une pénétration militaire Russe, un net recul de l’industrialisation locale, l’augmentation dans l’importation de produits de premières nécessité, et une inflation non contrôlée. Les pays membres de la CEEAC sont de plus en plus dépendants pendant que les populations sont de moins en moins disciplinées.

Depuis 2011, on assiste à la montée de la violence militaire avec le renversement du « Guide » Libyen Mouammar Kadhafi, dont l’arsenal militaire obtenu à coup de milliards de Dollars US auprès des grandes puissances a inondé l’Afrique de l’Ouest et du Centre, notamment le Niger, le Nigeria, le Tchad, le Mali et le Burkina Faso. Ces armes ont donné à certains groupes des ambitions politiques démesurées et alimenté ou réveillé de vieilles velléités indépendantistes des groupements religieux selon un découpage bien conçu. On en trouve qui déclarent faire allégeance à « Al Kaida du Maghreb Islamique (Mali, Burkina Faso et Cote d’Ivoire) Boko Haram (Niger, Tchad, Nigeria et Cameroun).

La facilité avec laquelle ces mouvements djihadistes se déploient et recrutent leurs membres correspond aux difficultés économiques et financières des pays. Avec une population désœuvrée, obligée de faire n’importe quoi pour survivre, il est presque difficile pour un jeune garçon de résister à la tentation de détruire ou de joindre un groupe qui lui promet de tuer au nom de Dieu et d’aller au ciel en son nom.
LAB

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