Situation au Niger: la naissance des combinaisons majuscules
Ces derniers jours, au Niger, la crise sociopolitique est profonde. Action, réaction. Après le putsch du général Tiani et ses hommes, l’aide internationale continue à tarir.
Pour essayer de rétablir au plus vite l’ordre constitutionnel au Niger, la France tente de pressurer le pays en coupant le robinet des subventions. Une décision annoncée par le Quai d’Orsay: «la France suspend, avec effet immédiat, toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire au Niger». La Banque mondiale a annoncé la fin de ses déboursements au Niger «pour toutes ses opérations et jusqu’à nouvel ordre». En ligne avec les sanctions, le Nigeria a coupé son approvisionnement en électricité au Niger, qui dépend énergétiquement à 70% de son voisin. La diffusion des programmes de RFI et France 24 a été interrompue dans le pays. Il y a la pression des pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui menacent Niamey d’une intervention militaire pour y restaurer le pouvoir légal. Sur France info le 3 août dernier, le général Christophe Gomart a estimé que «la France joue son destin géostratégique». Aux yeux de l’ex-directeur du renseignement militaire français (2013 à 2017), «Le Niger est un pays sur lequel la France s’appuie au Sahel. On n’a peut-être pas pris la mesure de ce qui pouvait se passer au Niger, à la fois au niveau politique comme au niveau du renseignement. Je pense que pour la France, c’est un vrai point de bascule. La France joue son destin géostratégique. Soit la France montre une certaine force, soit elle montre une certaine faiblesse. Pour le président Macron et les décideurs français, c’est un moment difficile au moment où on doit prendre la décision de savoir ce que l’on va faire», a déclaré le général Christophe Gomart.
Ce qui se dit en filigrane, c’est que, ce qui se passe au Niger pourrait faire naître des combinaisons majuscules. Car, depuis plus de cinquante ans, la France importe de l’uranium naturel nigérien. Mais le récent putsch et le sentiment antifrançais sur place laissent craindre pour certains une rupture d’approvisionnement en matériaux nucléaires. Et quand le Niger, deuxième fournisseur d’uranium naturel de l’UE, (25,38% des importations européennes d’uranium naturel), tombe aux mains de généraux putschistes, certains se sont inquiétés de la faculté d’EDF à alimenter les 56 réacteurs français sans le précieux uranium nigérien, remettant donc en question l’indépendance énergétique française. Entre temps, un renversement du regard fait constater que les aides au développement, prêts et autres subventions extérieures représentent une manne essentielle pour le Niger où «le niveau d’extrême pauvreté, s’élevant à 41,8% en 2021, touche plus de 10 millions de personnes», comme le précise la Banque mondiale. Au finish, le putsch du général Tiani prend une autre dimension dans un pays conscient de ses contradictions et des vents dominants venus de l’extérieur.
À ce point de notre réflexion, nous nous trouvons projetés entre les dominations puissantes et des subjectivités qui, sans échapper aux Nigériens eux-mêmes, jouent à cache-cache, cherchent à s’affirmer. Quoi qu’il en soit, la lourdeur et la complexité des protocoles géopolitiques et géostratégiques conduisent à changer de grille de lecture. Puisque la variance des forces en présence montre bien que la situation actuelle au Niger ne subit aucune transformation mais accuse seulement quelques évolutions.
Jean-René Meva’a Amougou