Relance de la filière café : OIC et Cameroun main dans la main
Yaoundé, la capitale politique camerounaise a accueilli les pontes de la production de café. Pendant deux jours, ils ont parlé et reparlé de ce produit très prisé dans le monde, à la faveur de la toute première édition de l’OIC coffee meet Cameroon. Un évènement qui, au-delà de sa réussite à saluer, a permis de faire le point sur la situation de production de ce précieux sésame. Le cadre d’échanges a permis aux uns et aux autres participants de trouver leur compte, avec le renforcement de la coopération et de nouveaux partenariats et des découvertes… Dans ce dernier, registre, l’on apprend justement que, depuis ses tout premiers débuts dans la culture de ce produit, le Cameroun a fait du chemin, même si, il faut le dire beaucoup reste encore à faire pour atteindre sa vitesse de croisière aux larges du monde.
Les deux parties renforcent leur collaboration dans l’optique de l’augmentation des échanges intra-OIC.
Le commerce de café entre les États membres de l’OIC est en perte de vitesse. Les marges y relatives passent de 25,7% en 2017 à 18,15% en 2022. Soit une baisse de 490 à 425 millions de dollars en six ans, selon des données actualisées du CIDC. À l’opposé, les transactions avec le reste du monde suivent une courbe positive de 2 307 millions de dollars. L’organisme veut remédier à cette situation et se tourne vers le Cameroun pour y parvenir. Et pour cause, la part de commerce de ce pays dans l’espace OIC est en baisse. Elle a chuté à 7,89% en 2022, après avoir atteint un pic de 22,24% en 2020. C’est tout l’intérêt du 1er OIC coffee meet Cameroon tenu à Yaoundé du 28 au 29 novembre 2023.
Avec des importations de café de l’ordre de 2 millions de dollars, la Turquie, l’Arabie Saoudite, la Malaisie les Émirats Arabes Unis, l’Égypte, le Maroc, l’Algérie, la Jordanie, l’Indonésie, le Liban, la Lybie, le Koweït, la Syrie, le Qatar, le Soudan, la Tunisie, le Kazakhstan, l’Iran, le Bahreïn et les Maldives constituent un marché sous exploité par les exportateurs camerounais. Ces derniers sont principalement tournés vers l’Algérie, le Sénégal, le Gabon, le Maroc, l’Albanie, les Émirats arabes unis, la Guinée, le Tchad, la Côte d’Ivoire et le Liban. Le tout pour un montant cumulé d’échanges de 6,94 millions de dollars.
Amélioration
«Nous encourageons les exportateurs de café camerounais à se tourner vers les pays du Maghreb qui sont de grands consommateurs. Mais le Cameroun doit au préalable relever quelques défis», déclare Jacqueline Salguero Huaman, chargée du programme Intelligence commerciale et du marché du Centre du commerce international. Elle cite l’amélioration du transport et des systèmes de payement; ainsi que la conformité aux normes internationales. Mais plus encore: «Il faut connaitre les besoins des différents pays pour y répondre au mieux. Le problème c’est que le Cameroun ne commercialise qu’un seul type de café et à côté de cela le café est vendu brut parce que le pays ne transforme que 5% de sa production. Donc, il faut améliorer cela si on veut conquérir le marché», déclare-t-elle de concert avec les acteurs clés de ces rencontres. Ces derniers énoncent à leurs tours des difficultés liées à la croissance rapide de l’urbanisation, l’accès difficile aux intrants agricoles de qualité et aux équipements de production, entre autres.
Une opportunité pour la SND30
Cette pensée autour de l’augmentation des marges de production et d’exportation nationales de café représente une opportunité pour le gouvernement. Celui-ci en fait un des maillons essentiels de sa Stratégie nationale de développement à l’horizon 2030 (SND30). Dans cette démarche, le gouvernement cherche à faire émerger des «champions nationaux autour desquels la production, la transformation et la commercialisation de ces filières vont s’organiser et se structurer (SND30 P44, Ndlr)». Cette vision est mise en œuvre par le CICC au travers du «Programme New generation». Celui-ci vise le recrutement, la formation et l’installation de jeunes dans le domaine concerné. À côté d’eux, l’attention a été portée à Yaoundé sur les besoins en investissement des entreprises évoluant dans le secteur. «Nous avons besoin des crédits des campagnes. Ce sont des espèces de fonds de roulement. Parce que lorsque les producteurs donnent leur café aux Gic (Groupe d’initiatives communes), ces derniers n’ont pas forcément d’argent pour payer directement. Le crédit de campagne va constituer une avance sur solde en attendant que le torréfacteur vende tout son stock. Or la plupart des banques refusent de nous délivrer ce service», déclare Jean Kamdem, promoteur de la société Tobitor.
Culture du café au Cameroun: «Trop beau pour être vrai»
L’idylle entre le Cameroun et le café remonte à 1884. Mais c’est en 1927 que les premiers caféiers Arabica seront mis en terre avec succès dans les plantations de l’Ouest avant de s’étendre dans la région du Sud, puis à l’Est. En 1928, 200 000; 97 000 et 17000 graines de café seront semées respectivement à Dschang, Koutaba, Lomié. Puis 110 000 à Ebolowa et 28 000 à Sangmelima. C’est au sein de la «Coopérative des planteurs de café d’Arabie du pays Bamoun» que les tout premiers tonnages de café Arabica seront décortiqués et un premier lot de six tonnes vendu comme échantillon à un marchand de café de l’époque «La maison P. Jobin». Le lot sera ensuite expédié au Havre, en France, mais l’origine camerounaise de ce café véhémentement contestée par les douanes françaises sous prétexte que cette qualité exceptionnelle de café ne pouvait pas venir d’un territoire comme le Cameroun. Une enquête s’ensuivra. Celle-ci établit que, ce désormais célèbre café de grande qualité porte l’estampille «Cameroun». Et la presse locale ne manquera pas de titrer à sa une «Trop beau pour être vrai…» Ce sera le départ d’une fantastique aventure qui conduira le Cameroun à occuper, à l’issue de la campagne 1991/1992, le troisième rang des pays producteurs de café en Afrique et le 12e rang à l’échelle mondiale, avec une qualité unique en son genre.
Exportateurs de café
Le Cameroun est aujourd’hui 5e producteur africain de ce précieux sésame. Il est classé 21e du genre à l’échelle mondiale. Grâce à des ventes de l’ordre de 42 millions de dollars (25 291 milliards FCFA), il trône à la 8e place des exportateurs de café dans le continent. C’est dire que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis ces lointains événements que narrait ce 28 novembre 2023, le ministre du Commerce Luc Magloire Mbarga Atangana. C’était à l’occasion de la 1ère édition de l’«OIC coffee meet Cameroun»; un évènement co-organisé par son département ministériel; le centre islamique pour le développement du commerce (CIDC) et la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea). Il vise à rassembler les opérateurs locaux de la filière autour des opportunités d’investissement et de commerce dans la zone de l’Organisation de la coopération islamique (OIC). Il vise aussi la promotion de la filière café du Cameroun au travers de la présentation de sa chaine de valeur et ses besoins d’investissement et de financement.
C’est à ce titre que «24 projets ont été élaborés selon un canevas convenus et soumis au CIDC, qui les a transférés à ses partenaires. 1400 échanges B2B sont annoncés, dont certaines en visioconférence et jusqu’ici le plus petit besoin de financement exprimé se chiffre à 64 millions FCFA», précise Omer Gatien Maledy, secrétaire exécutif du Conseil interprofessionnel du cacao et café (CICC).
Louise Nsana