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Radio Dana : la voix qui sort du Mayo-Danay

Émettant depuis Yagoua, cette radio communautaire créée en 1998 s’accroche sur les ondes grâce à une méthode originale et des hommes rompus à la tâche.

Siège de radio Dana

Le Dana dont nous allons parler n’est ni une application digitale, ni l’acronyme de distributeur automatique de billets et encore moins ce nom vieilli désignant une divinité. Et, pour être plus précis, il est plutôt question de «Dana», l’une des radios communautaires les plus écoutées dans la région de l’Extrême-Nord. Sur les 96.4 Mhz en modulation de fréquence, «c’est propre, limpide, musical et même en voiture», vante Jean-Lazare Ndongo Ndongo, préfet du Mayo-Danay. «La radio Dana a changé nos vies. Avec elle, nous avons le sentiment de faire partie du Cameroun, explique Kolondieba, président d’une organisation de cultivateurs de coton au sud de Yagoua. «Avant, nous écoutions les radios du Tchad. À présent nous pouvons nous tenir au courant de ce qui se passe ici. Nous obtenons des informations sur l’industrie cotonnière. Nous pouvons faire passer des annonces à la radio pour informer les membres de notre famille des faits importants. Nous pouvons écouter la musique de notre village». En ce sens, l’’apport de Radio Dana est indéniable pour transmettre des informations dans une langue locale, accessible à tous.

Sur les ondes…
Quelques noms font office de vignettes identificatoires auprès des auditeurs de Radio Dana : Robert Bello (chef de chaîne), Véronique Gaïne (technico-animatrice), Bouba Garga, (technico-animateur et chargé des programmes) et le gardien Jean Bougolla, présent à la radio depuis son lancement en 1998. Avec les moyens qui sont les leurs, cette équipe tient l’antenne en Français, Massa, Toupouri, Mousgoum, Mouseih, Kanuri, Kera. En affichant quelques indicateurs sur le nombre de visites, de commentaires d’écoutes et d’amis, Bouba Garga nous plonge dans ce qu’il appelle le «passé de Dana FM». Selon lui, la station est créée sous l’égide du fonds d’Action et de Coopération Culturelle et Technique (ACCT) de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) avec une contribution de la Coopération suisse» C’était la très grande et belle époque», soupire Bouba Garga. Dans tous ses sens, le propos dit la situation actuelle de Radio Dana. «Au départ, elle couvrait l’ensemble des 11 arrondissements du département du Mayo-Danay. Alors que l’Unesco s’apprête à renouveler entièrement la radio, celle-ci est obligée de se contenter de desservir le centre urbain de Yagoua avec son émetteur dont les capacités sont désormais réduites», déplore Robert Bello. Selon ce dernier, il y a avant tout des obstacles exogènes. «La communication médiatique dans la région de l’Extrême-Nord est confrontée à un certain nombre de problèmes liés à son étendue, au relief et à un taux sensiblement bas de personnes lettrées. Ces handicaps socio-géographiques constituent un obstacle à la circulation normale de l’information, qui n’atteint pas toujours à temps les populations des zones reculées et frontières», explique le chef de chaine. Il estime que le poids temps a pesé différemment sur le matériel. «Il a un peu résisté…», fait constater Robert Bello. Ce 10 juin 2023, il présente un console de mixage et de mise en onde type MMX 834 01, un double lecteur CD professionnel type CD-280J, deux microphones studio-AKG-3800S, deux pieds microphones de table, deux casques audio d’écoute type AKG-240, un ordinateur complet avec logiciel de production et programmation avec licence et deux enregistreur audio numériques.

Astuce
En tout cas, Radio Dana sonne encore son nom. «C’est un pari!», brandit Robert Bello. «Nous sommes des gens de métier et malgré ces conditions pas faciles, nous avons trouvé le secret de nous faire écouter à la fois au dehors et au dedans du Mayo-Danay», appuie Véronique Gaïne. Et pour bien comprendre cet ensemble, il faut rentrer au cœur de la méthode dite d’«animation Dana». Au centre de cette méthode se trouve l’idée que les techniques extérieures seules ne réaliseront pas le changement dans ce milieu et qu’elles doivent s’appuyer sur un dynamisme interne propre aux sociétés rurales. Autour de l’émergence de ce dynamisme interne, la démarche d’animation rurale s’engage dans un processus de changement social total», postule Robert Bello. «Les objectifs sont alors de changer les mentalités face au monde moderne, de faire comprendre cet univers nouveau et les règles qui peuvent permettre d’y entrer. Il s’agit de développer un sentiment de confiance et de les motiver pour qu’ils s’assument pleinement. Ensuite, ces démarches visent à placer toutes les formes d’aide extérieure en situation de services vis-à-vis des communautés rurales afin de développer leur sens de la responsabilité. Cette idée de soutenir l’aspect social du changement est la principale caractéristique de l’animation Dana», argumente l’homme de média. «On ne peut parler d’animation sans évoquer le travail des animateurs qui sont en contact régulier et direct avec la population. Ces démarches d’animation supposent que l’on aborde le problème du développement sous un angle pédagogique plus que sous un angle technique. On parle alors de véritables méthodes d’entraînement mental, d’entraînement à la compréhension du monde. Les dialogues sont très ouverts, ce qui nécessite des phases assez longues, pour réfléchir avec les populations afin que les éléments éparpillés de leur compréhension du monde extérieur commencent à se dessiner et à se mettre en place. En fait, un bon animateur doit accorder une importance prioritaire à l’établissement des relations de confiance, voire de confidence. Appuyé par une démarche d’éducation aux adultes, il doit s’investir totalement dans la gestion de ses émissions destinées au développement rural», expose Véronique Gaïne. «Notre est de faire prendre conscience de l’utilité de l’information, de favoriser sa diffusion et l’échange entre les différents acteurs concernés par le développement de leur communauté», accompagne Bouba Garga.

Jean-René Meva’a Amougou, envoyé spécial à l’Extrême-Nord

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