Piège de la dette : le boulet d’une Afrique condamnée à faire la manche !
L’Afrique ne verra donc jamais le bout du tunnel. En pleine tempête de crise sanitaire mondiale liée à la pandémie du coronavirus, la dette du continent africain ressurgit au menu de la charité des grandes puissances.

Il faut donc (toujours) aider l’Afrique. Le souffle de déstabilisation économique provoqué par le virus coronaire a vite fait d’alerter sur l’incapacité de la dette des pays africains à rester soutenable. Privée de ses recettes d’exportations, d’importation et des impôts du fait de la chute des activités économiques dans le monde et dans les pays, l’Afrique s’est très tôt exprimée en faveur d’un allègement du poids de sa dette.
Un boulet qui refait surface au moindre choc exogène. L’Afrique est-elle donc vouée à faire la manche pour survivre?
Paraclet de Paris
Pour faire entendre leur cause auprès des grandes puissances internationales, les pays africains se sont une fois encore tournés vers Paris. Vendredi 3 avril, les chefs d’État africains composant le bureau de l’Union africaine et Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’organisation continentale, ont tenu une réunion téléphonique à laquelle le chef d’État français a été convié.
La France d’Emmanuel Macron, gardienne jalouse du multilatéralisme, a déployé sa diplomatie publique. Schématisons rapidement… 13 avril, Emmanuel Macron affirme: «il faut aider les pays africains en annulant massivement leurs dettes». Le 15 avril sur RFI, «il faut un moratoire sur les intérêts de la dette africaine». Dans la soirée, les ministres des Finances du G20 et les banques centrales desdits pays annoncent la suspension partielle et provisoire du paiement d’intérêts de 77 États, dont 40 pays africains.
La suspension partielle s’élève à 12,8 milliards euros sur un total de 30 milliards. Pour le reste, les créanciers privés et autres fonds d’investissement devront prendre position. La suspension provisoire court jusqu’à fin 2020.
Cette bouffée d’air permet aux pays africains bénéficiaires (70% des pays du continent) de sursoir au paiement d’une bonne partie des intérêts de la dette pour cette année 2020. Les ministres du G20 indiquent par la suite qu’en fin d’année, une évaluation sera faite. Si les dettes des 77 pays ne demeurent pas soutenables, la procédure d’annulation sera engagée.
On est en droit de se demander si les pays africains ont intérêt à rendre leur dette soutenable ou pas d’ici la fin de l’année. Il est une évidence, la clé se trouve dans la durée de la crise sanitaire actuelle, qui engendre le gel des activités économiques mondiales.
Charité de bourreau?
Évoquant cette situation, le président allemand Steinmeier indique que le coronavirus met à défi «l’humanité de notre aire». C’est à se demander si les requêtes des pays du Sud invitant à une mondialisation plus humaine sont entrain de trouver un écho fertile. Rendons-nous à l’évidence, ce n’est pas demain la veille! la décision très applaudie des pays du G20 est un rouleau compresseur qui consolide les intérêts des pays riches.
La suspension provisoire du paiement du service de la dette est sans doute une bouffée d’oxygène à court terme. Mais attention… Elle revient à une aggravation du poids de la dette à moyen terme. Les remboursements suspendus devront être payés en 2022, car échelonnés sur trois ans. Ils reviendront avec un surcout. En effet, les intérêts des créanciers sont préservés au détriment des pays pauvres et leurs populations.
L’annulation de la dette des pays africains est une revendication légitime. Il a été démontré que des pays africains remboursent plusieurs fois leur dette. D’où l’appel des 205 organisations de la société civile internationale pour un jubilé de la dette (nous y reviendrons). Une simulation sur 2020 indique que l’annulation des dettes extérieures pour 69 pays classés par le FMI comme pays à faible revenu leur permettrait d’économiser 19,5 milliards dollars en paiements aux prêteurs bilatéraux et multilatéraux, et 6 milliards dollars en paiements aux prêteurs privés. En 2021, ce serait 18,7 milliards dollars supplémentaires en paiements multilatéraux et bilatéraux et 6,2 milliards dollars en paiements aux prêteurs privés.
Zacharie Roger Mbarga