Perspectives économiques : Le Cameroun attendu aux tourments
Analysée par quelques experts, la situation actuelle ne dessine pas un horizon reluisant avant plusieurs années.

Il y a des braises dans les caisses de l’État. «Selon une évaluation du comité de trésorerie (instance présidée par le ministre des Finances), tenu le 14 juillet dernier, le service de la dette extérieure du Cameroun pour ce mois devrait être majoré d’au moins trois milliards FCFA du fait de l’envolée du dollar», informe Investir au Cameroun. D’après le magazine d’informations économiques, le fait est radicalement inédit dans un contexte budgétaire contraint.
«En effet, alors que le budget 2022 a été élaboré sur la base d’un taux de change du dollar à 588,5 FCFA, le billet vert vaut aujourd’hui plus de 640 FCFA, soit une hausse de 9% par rapport aux prévisions», détaille Investir au Cameroun dans un article paru le 21 juillet 2022. Très friand en effets de communication, le gouvernement a pris soin de ne pas propager les défis posés par cette situation. Interrogé sur le vrai visage de celle-ci, un cadre du ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) admet pourtant que «la période que le Cameroun traverse a mis au panier toute forme de flamboyance».
Stérilisation de l’économie
Déjà, au niveau de certaines entreprises, le contexte incertain et violent que structure la pénurie de carburant permet de déployer l’impératif de mise en chômage technique des employés. Mobilisant des techniques financières spéciales, d’autres entreprises procèdent à des réorganisations brutales, avec l’espérance de s’accrocher au bord du gouffre.
Au niveau des denrées alimentaires et autres produits de première nécessité, L’inflation, qui s’était presque fait oublier a fait un retour magistral. Cette année, elle est même projetée à presque 5% par le Fonds monétaire international (FMI). Et si l’on se fie au dispositif d’observation et aux indicateurs par l’Institut national de la statistique (INS) le 22 juillet 2022, les prix à la consommation finale des ménages sur les 12 derniers mois ont grimpé respectivement de 3,5% à Yaoundé et de 3,3% à Douala. Ces taux, noté dans le rapport, s’avèrent supérieurs au seuil de 3% admis par les critères de surveillance multilatérale de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).
Horizons
«À différentes échelles d’entreprises privées ou publiques et des ménages, souffle Pr Isidore Noumba, il est à envisager une situation où rien ne va fonctionner correctement, et où la vie quotidienne va tourner à la survie». «Et voilà qui va se répercuter sur l’emploi et sur les revenus», postule l’économiste-enseignant à l’Université de Yaoundé II. «Il faut y ajouter, dit-il, les questions qui se posent autour de la soutenabilité de la trajectoire économique camerounaise, dans un contexte où la tension politique ne fait que renforcer les questionnements sur la capacité de l’économie à retrouver la croissance tout en maîtrisant son endettement». Selon Pr Isidore Noumba, «à cette allure, il faut craindre pour le pays sur une durée d’au moins une dizaine d’années». Plus apocalyptique, l’économiste-statisticien Dieudonné Essomba voit le pire sur les 20 prochaines années. Pour Huges Talom, «l’activité pourrait ralentir beaucoup plus vite qu’on imagine dès 2025 si on ajoute les conditions fiscales qui vont être pénalisantes pour les ménages en 2024».
Jean-René Meva’a Amougou