INTERVIEWPANORAMA

«Pas les paroles, mais des actions concrètes»

«Le Maroc est un arbre dont les racines sont ancrées en Afrique, mais qui respire par ses feuilles en Europe», avait déclaré feu Hassan II en 1986, posant les piliers de ce qui deviendra la stratégie africaine du royaume. Laquelle sera reprise et accélérée par son successeur, Mohammed VI. Depuis l’arrivée de ce dernier au trône, certains osent le mot «modèle en Afrique» pour parler justement du royaume chérifien. Par les faits et gestes, celui-ci fonde sa politique étrangère sur une vision cohérente de la coopération Sud-Sud dans les domaines tant politique, qu’économique et social.

Contre la pandémie du coronavirus, Rabat répond encore présent avec 8 millions de masques, 900 000 visières, 600 000 charlottes, 60 000 blouses, 30 000 litres de gel hydroalcoolique ainsi que 75 000 boites de chloroquine et 15 000 boites d’azithromycine. Huit appareils de la Royal Air Maroc (RAM) mobilisés pour acheminer le package vers 15 pays du continent.

Au lendemain de la réception de la part du Cameroun par les autorités locales, S.E. Mostafa Bouh, ambassadeur du Royaume du Maroc à Yaoundé a bien voulu s’exprimer sur ce sujet et bien d’autres.

Monsieur l’ambassadeur, «L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique». À l’heure où le royaume chérifien met en branle un dispositif d’aide massif en direction de 15 pays africains pour lutter contre le coronavirus, peut-on dire que ces mots prononcés par le roi Mohammed VI en 2014 sont plus que jamais d’actualité?
Je voudrais tout d’abord souligner que l’approche du Maroc à l’égard des pays africains frères s’inscrit dans la vision du Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, une vision qui s’appuie sur des principes fondamentaux que sont la solidarité et le partenariat équilibré. Pleinement conscient de notre destin commun, la solidarité qu’exprime le Maroc envers ses frères africains, non pas par les paroles, mais par des actions concrètes, est vitale pour nous tous, car elle sert le dessein auquel nous aspirons tous, à savoir un continent fort, stable et prospère.

J’ajouterai enfin que malgré les circonstances exceptionnelles qui nous sont imposées par cette pandémie, qui n’épargne aucun pays ni région, cette initiative royale, qui a concerné 15 pays frères représentant l’ensemble des sous-régions de notre continent et parmi ceux qui connaissent un taux élevé de contamination, s’inscrit parfaitement dans la tradition des relations historiques fraternelles qui ont de tout temps existé entre le Royaume du Maroc et l’ensemble des États du Continent.

Le 13 avril dernier, le roi Mohammed VI appelait les chefs d’États africains à agir ensemble pour établir un cadre opérationnel d’accompagnement des pays les plus vulnérables pour la gestion de l’impact sanitaire, économique et social de la pandémie. Peut-on comprendre sa démarche comme un prêche par l’exemple?
Il faut rappeler que dès que notre continent a été touché par cette épidémie, Sa Majesté le roi a pris les devants en appelant certains chefs d’État africains frères à se concerter sur l’évolution alarmante de la pandémie au niveau continental. Il leur a proposé de lancer une initiative des chefs d’État africains visant à établir un cadre opérationnel de riposte en vue d’accompagner les pays africains tout au long des différentes phases de gestion de cette pandémie.

C’est une initiative que Sa Majesté a voulu pragmatique et orientée vers l’action afin d’amortir autant que faire se peut l’impact du Covid 19 et ses retombées néfastes sur les plans économique et social de nos nations et nos populations.

Le Royaume, sous le leadership de Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, a toujours répondu présent lorsqu’il s’agit d’aider et d’être solidaire envers ses frères africains, avec tous les moyens dont il dispose. Et la diplomatie marocaine a érigé l’Afrique, notre maison à tous, comme la priorité des priorités, et elle s’active, dans l’ensemble des forums internationaux à caractère politique, économique, culturel et autre, en faveur d’une Afrique où règnent la paix, la stabilité et le bien être de ses populations.

Est-il besoin de rappeler à cet égard le leadership du Maroc et de Sa Majesté le roi sur le plan international, concernant les questions primordiales pour l’humanité, et particulièrement pour l’Afrique, que sont le changement climatique ou encore les questions brulantes de migration, de sécurité et de lutte contre le terrorisme.

Cette cérémonie a été marquée par la présence de représentants de la société civile camerounaise notamment la «Solidaire Associative des Lauréats du Maroc» SALAM. Pourquoi l’y avoir associée?
L’association SALAM n’a pas été la seule à s’associer à cet évènement, mais d’autres acteurs comme le Conseil national des Oulémas camerounais ou l’organisation Maroc-Afrika s’y sont également associées et ont publié des communiqués dans lesquels ils ont remercié le Roi et le Gouvernement du Maroc pour ce geste humanitaire.

En fait, ce sont les dirigeants de cette association qui, dès l’annonce officielle de l’arrivée du don humanitaire dans leur pays, qui ont insisté pour être présents à cette cérémonie et se sont mobilisés pour témoigner leurs remerciements au Maroc et à son souverain pour ce geste solidaire. Pour eux, cette initiative cadre parfaitement avec les objectifs qu’ils ont assignés à leur organisation associative. Ces hommes et ces femmes représentent également le fruit de la coopération séculaire entre nos deux pays.

Leur formation au Maroc dans différents domaines a créé au sein de ce groupe un lien fort d’amitié avec le Maroc, un sentiment de reconnaissance et de gratitude qui les motivent vouloir rendre l’ascenseur au Maroc et ce en encourageant toute opportunité éventuelle de rapprochement et de coopération entre nos deux pays.

En juillet 1999, Mohammed VI accède au trône du Royaume du Maroc avec le surnom de «Roi des Pauvres». Pensez-vous que le souverain reste dans cette logique?
Vous savez, dans le monde d’abondance et de surproduction, voire même de gaspillage où nous vivons, la pauvreté et la privation touchent émotionnellement tous les citoyens du monde et nous aspirons tous à pouvoir un jour éradiquer la pauvreté ou du moins diminuer son impact sur les populations du globe.
Mais ce sentiment chez Sa Majesté est d’autant plus profond qu’il fait presque partie intégrante de la philosophie et de la stratégie royale.

On ne peut lutter contre la paupérisation des peuples que par le développement durable qui met l’être humain au centre de la problématique et par la solidarité qui allège énormément l’impact de ce fléau. Ainsi, des initiatives comme l’Initiative nationale de développement humain enclenchée au Maroc depuis plus d’une décennie prouvent qu’on peut améliorer le quotidien des gens en les outillant à prendre leur avenir en main et à se solidariser pour l’intérêt général.

Pour ce qui est de cette aide octroyée aux pays africains frères, et à ce moment précis, alors que les incertitudes demeurent quant aux développements de cette pandémie, c’est une initiative que le souverain a voulu et veut pragmatique et orienté vers l’action, permettant un partage d’expériences et de bonnes pratiques pour faire face à l’impact sanitaire, économique et social de cette pandémie.

Les aides arrivées mercredi dernier à bord des deux avions, sur instruction royale, ne sont que la déclinaison pratique de cette démarche prônée par Sa Majesté le roi et qui concerne non seulement la République du Cameroun, mais aussi 15 autres pays africains.

Ce geste procède de la vision de Sa Majesté le roi pour une pareille menace à caractère global, qui frappe sans discrimination, se joue des frontières et que nul ne peut prétendre pouvoir la confiner dans un territoire donné. La seule approche possible à même de pouvoir l’endiguer ne peut être que solidaire et commune. Nos nations sont appelées à faire un front commun en établissant des chaines de solidarité, en échanger les savoir-faire et les bonnes pratiques engrangés ici et là pour relever ce défi commun à la sécurité humaine à l’échelle de l’ensemble de l’humanité.

En février dernier, l’on a vu le Cameroun recevoir un don de l’Office chérifien des phosphates (OCP). Pourquoi tant de souci pour le Cameroun?
Effectivement, ce don était composé de matériel d’équipement d’un laboratoire fixe dont la vocation est l’analyse diagnostique, des produits et intrants agricoles, un camion tenant lieu de laboratoire mobile et doté d’un kit de prélèvement rapide, des échantillons des sols pour la réalisation de la carte de fertilité d’une zone pilote de 100 000 ha, ainsi que des véhicules tout terrain, des motocyclettes et autres.
Ce projet structurant s’inscrit dans le cadre d’un partenariat de coopération Sud-Sud, initié par la Fondation OCP depuis novembre 2018 et concrétisé depuis lors par la signature avec le MINADER d’une convention de partenariat d’une durée de trois ans, en vue de développer des projets agricoles au Cameroun.

Ce programme est sensé contribuer au développement du secteur agricole du Cameroun à travers une amélioration des rendements des principales cultures pratiquées dans le pays, tout en préservant et en nourrissant les sols. Il porte sur l’élaboration d’une carte de fertilité des sols camerounais et le renforcement des capacités en rapport avec le développement de l’agriculture.

En termes de renforcement des capacités techniques et scientifiques, l’accord prévoit le déplacement des cadres du MINADER pour bénéficier de formations au Maroc dans le domaine de l’analyse des sols et la fertilisation raisonnée, les systèmes d’information géographique appliqués à la cartographie des sols ainsi que le contrôle qualité des engrais. Cinq cadres camerounais en ont déjà bénéficié et les autres se verront dispenser des formations in situ par des experts marocains.

Dès son accession au trône, le roi Mohammed VI a fait de l’Afrique une priorité pour la diplomatie marocaine. Forte d’un ancrage africain confortée par d’excellentes relations de coopération, l’impulsion royale s’est traduite par une nouvelle vision et a permis au Maroc de confirmer sa place en Afrique centrale. Pouvez-vous nous en parler plus amplement?
L’Afrique n’est pas seulement une priorité économique pour le Maroc. Sa Majesté le roi, depuis son accession au trône, n’a cessé d’affirmer et de réaffirmer une réalité, celle de notre appartenance à cette grande famille africaine ainsi que la communauté de notre destin à tous au sein de cet ensemble humain et géographique, façonné et forgé par une longue histoire commune.

La crise que nous traversons par exemple, et que la communauté internationale dans son ensemble affronte aujourd’hui, a été l’occasion de faire émerger ce qu’il y a de plus noble en nous, cet élan de solidarité et cette conscience du destin commun.

Il est encore difficile de mesurer de manière précise l’impact de cette pandémie et son cout économique et social tant au niveau international qu’au niveau de notre continent. Toutefois, les projections sont loin d’être réjouissantes pour l’ensemble de la communauté internationale.

Ceci étant, et malgré cette conjoncture difficile et la lourdeur de la facture de cette pandémie sur les plans économique et social, il serait, comme le prônent nombre d’experts, judicieux d’appréhender ces défis comme étant une opportunité pour notre continent. Une opportunité, pour la mise en place de ces chaines de solidarité évoquées plus haut, de renforcer nos partenariats, notre intégration et notre action commune. Le vrai défi auquel nous sommes actuellement confrontés devra être appréhendé comme étant une opportunité de booster nos échanges et notre partenariat pour le bien-être de nos deux peuples et au-delà pour celui des peuples africains dans leur ensemble.

Notre continent se doit de réagir comme une entité unie et indivisible qui fait face à une menace qui, en affectant une partie, va certainement affecter l’ensemble. Il faut par ailleurs relever que le Royaume, avec à sa tête Sa Majesté le roi, a toujours fait montre de solidarité avec l’ensemble des pays africains sans exclusive lors des moments difficiles que traverse un pays ou l’autre. C’est là une constante de la diplomatie marocaine comme voulu par Sa Majesté le roi, basée sur les principes immuables de solidarité, de respect des fondamentaux que sont le respect de l’unité et l’intégrité territoriale, la non-intervention dans les affaires intérieures des pays et le respect de leurs choix.

Pour nous, cette épreuve que nous traversons, malgré ses aspects tragiques et douloureux démontre, si besoin encore est, que l’unité de l’action, les chaines de solidarités et les partenariats loyaux, francs et sincères sont les clés de notre avenir, un avenir de paix, de stabilité et de prospérité.

Interview réalisée par
Jean-René Meva’a Amougou

 

 

La cérémonie de réception des 40 tonnes de matériels anti-Covid-19 envoyées par le roi du Maroc au Cameroun le 17 juin 2020 au tarmac de l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen

Instant d’entretien entre S.E Mostafa Bouh et le ministre d’Etat Ferdinand Ngoh Ngoh

 

L’ambassadeur du Maroc pendant son speech à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen

 

Convergence de vues entre les autorités camerounaises et le Maroc
La cargaison (made in Morocco) contre la Covid-19 au Cameroun

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