«Les Lions ont tout cassé dans les vestiaires avant le match contre le Mali en 2002»
‘’Et à la fin de la rencontre, le président Malien qui a été mis au courant de la mésaventure et de l’incident est descendu aux vestiaires pour présenter ses excuses.
Malheureusement, il y a quand-même eu la réaction de Tommy qui l’a vertement repris. Ce n’était pas politiquement et diplomatiquement correct. Ça n’a pas du tout été apprécié ici à Yaoundé. Cela a valu à Thomas Nkono sa mise à l’écart pendant quelque temps de l’encadrement technique de l’équipe nationale’’ Fierté et déception résument bien l’état d’esprit de cet ancien cadre de la CRTV affecté entre autres à la couverture des CAN 1996, 2002 et 2008.
Quelle est au plan professionnel la première Coupe d’Afrique des nations que vous couvrez?
Il y avait deux manières de couvrir la CAN. Faire des plateaux ici à Yaoundé ou aller sur le terrain. Et de ce point de vue, la première CAN à couvrir ici c’était en 1988 sur le plan local. Mais sur le terrain, je suis allé en 1996 en Afrique du Sud, la première CAN qui marquait le retour de ce pays dans le giron du football continental. Et nous avons connu beaucoup de problèmes, tout comme les Lions indomptables. Autant les joueurs avaient des problèmes au plan administratif, autant nous avions des problèmes au niveau de la délégation de la CRTV. Nous sommes pratiquement arrivés en Afrique du Sud le matin du match d’ouverture contre le pays organisateur. Je me souviens d’ailleurs que les Lions n’avaient même pas de maillots. Pour jouer ce match, on va acheter des maillots au quartier qui nous faisaient plus ressembler au Nigéria. La rencontre s’est soldée par trois buts à zéro. Cela a été très difficile pour nous. Et pour finir, on est sortis de la compétition au premier tour. Ça a été sur le terrain une très mauvaise expérience tant sur le plan sportif que professionnel. Il y a eu ensuite beaucoup d’autres CAN que l’on a eu à couvrir après, avec plus ou moins de bonheur. Mais sur le terrain, je n’ai pas vraiment eu la chance en tant que reporter de remporter une CAN. Chaque fois qu’on a eu à en remporter une, je n’ai pas été là. On les couvrait tout de même à partir de Yaoundé sur les plateaux de la CRTV. Quelle autre édition de la compétition continentale vous a le plus marqué? On sait qu’en 2002 et 2008, il y a eu des faits que le journaliste que vous êtes, avez captés. En 2002 sur le terrain, on avait une équipe solide sur laquelle on avait toutes les certitudes. On ne doutait de rien. La preuve c’est qu’ils n’ont encaissé aucun but toute la compétition, ils en ont marqué neuf. C’était du costaud. L’équipe était à maturité à tel point qu’on était même cité parmi les favoris de la Coupe du monde Corée-Japon 2002. Malheureusement, on a tout gâché au cours de ce Mondial. Mais au Mali on s’est fait respecter sur le terrain. On l’a prouvé par la manière de faire et par les résultats. Il y a quand-même une tache noire lors de cette édition. C’est la demi-finale contre le Mali, le pays organisateur. L’entraîneur camerounais des gardiens de but s’est fait molester par les éléments des forces armées maliennes parce qu’ils l’avaient pris pour un marabout. Alors qu’il était sorti pour tâter le terrain. On l’amenotté, on l’a pratiquement mis à nu et ils sont venus le jeter dans les vestiaires. Ce qui a provoqué le courroux des joueurs qui s’en sont d’abord pris à ces éléments des forces de sécurité maliens. Les joueurs se sont ensuite mis à tout casser dans les vestiaires. Et dans les couloirs, toutes les personnes qu’ils attrapaient étaient fouettées. Cela s’est d’ailleurs poursuivi sur le terrain où les Maliens ont été balayés 3-0, vite fait, bien fait. Et à la fin de la rencontre, le président Malien qui a été mis au courant de la mésaventure et de l’incident est descendu aux vestiaires pour présenter ses excuses. Malheureusement, il y a quand même eu la réaction de Tommy qui l’a vertement repris. Ce n’était pas politiquement et diplomatiquement correct. Ça n’a pas du tout été apprécié ici à Yaoundé. Cela a valu à Thomas Nkono sa mise à l’écart pendant quelque temps de l’encadrement technique de l’équipe nationale. C’est en gros ce qui s’est passé en 2002. Et personne n’a oublié le discours du chef de l’État lorsqu’il les a accueillis ici. Un discours plein d’emphase, plein de bonhomie et d’ironie. Donc, ça été cela 2002.
Quels faits majeurs sont relevés lors de la CAN 2008 au Ghana?
Cette édition se passe en effet au Ghana et on perd la finale bêtement sur une erreur grossière de notre sélectionneur actuel. Alors que pour une fois, on tenait l’Égypte qui nous avait infligé un 4 à 2 à Kumasi. On s’est retrouvés en finale et c’était la finale de la revanche. Mais malheureusement, on prend un but à 10 minutes de la fin alors qu’on avait déjà fait le plus dur en éliminant le Ghana, pays organisateur, entrainés par Claude le Roy en demi-finale, 1 but à zéro. Et c’est une finale qui jusqu’à ce jour m’est restée en travers de la gorge. De retour à Yaoundé, j’ai fait deux semaines cloué au lit. Je ne savais même pas de quoi je souffrais. Rien ne m’intéressait. Et jusqu’à ce jour, je n’ai toujours pas avalé cette finale perdue contre l’Égypte.
Parlant maintenant de l’édition 2024, quelles sont les chances des Lions indomptables en Côte d’Ivoire?
Quels sont nos atouts et nos faiblesses, la liste des 27 est désormais connue? Je crois que nous avons toutes nos cartes en main. C’est maintenant une question de discours et de message que le sélectionneur manager va passer aux Lions pour les rendre féroces. Parce que tout est dans la tête désormais. C’est déjà bon que l’équipe soit rajeunie à pratiquement 80%. Cela veut dire que physiquement, nos joueurs répondront. Comme on le dit, le football aujourd’hui c’est 80 à 85% de physique et puis pour les 15% restants, la technique fait le reste. Si vous pouvez déjà tenir et courir pendant 90 minutes, c’est déjà un atout et je crois que de ce côté-là, avec une moyenne d’âge de 23-24 ans, c’est une très bonne perspective. Maintenant, la gestion des jeunes, comment le coach va les manager? Et la vie du groupe? C’est là que cela va se passer. C’est pour nous le plus important, le message que va véhiculer le coach à ses éléments. C’est cela qui sera déterminant. Déterminant face à quels favoris pour vous aujourd’hui? C’est toujours les mêmes. Sénégal, Nigéria, Côte d’Ivoire qui organise, Cameroun, Afrique du Sud, Algérie, Égypte, Maroc. Il y a donc une dizaine d’équipes qui peuvent prétendre remporter ce trophée. Maintenant, ça dépendra des dispositions particulières des uns et des autres et de l’état d’esprit dans lequel chacun abordera la CAN. Parce que c’est quand-même une compétition particulière. Mais je vois mal une surprise en dehors de ceux que j’ai cités. Ça va être difficile qu’il y ait une surprise jusqu’au sommet.
En tenant compte des ambitions de ces favoris, est-ce qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter de l’absence de certains cadres dans la liste des 27?
Toutes les équipes ont les mêmes problèmes. Il n’y a pas de cadres en tant que tels. Le cadre c’est au niveau du rendement et non au niveau des noms. Parce que lorsque l’on va analyser justement le rendement, on va bien se rendre compte que l’on a surtout des noms et non des cadres en tant que tels. Donc moi je pense que l’équipe nationale n’étant pas statique, et étant au contraire dynamique, ceux qui sont là et qui veulent bien jouer pour les Lions sans chichis, sans marchandage aucun, c’est ceux-là qu’on emmène. Tout est dans la tête et dans l’état d’esprit. Cela ne sert à rien d’avoir un gros nom qui vient ronronner et vous foutre dans les problèmes. Mieux vaut des gens volontaires, des gens qui ont faim, plutôt que des sénateurs pour certains avec un talent pas très évident, et qui se prennent pour les nombrils de la terre. Nous sommes partis au Jeux olympiques en 2000 et c’est de la même façon que nous sommes partis à la CAN de 2017. Il faut croire en ceux qui sont appelés parce qu’ils vous surprendront. Transmettons leur seulement cette foi-là, cette confiance, et je crois que l’on ne sera pas déçu.
Pour finir, comment vivez-vous cette Coupe d’Afrique des nations?
Malheureusement je ne suis pas allé en Côte d’Ivoire. Des contingences familiales m’ont empêché de m’éloigner. Mais je vis intensément la CAN et j’espère que je ne serai pas déçu. Je crois que nous irons le plus loin possible.
J’attends impatiemment tous les matchs, et déjà le premier contre la Guinée qui a donné des paramètres pour mieux envisager la suite et pour voir s’il y a des raisons d’espérer à quelque chose ou non. Mais je sais qu’on ne sera pas déçu, quelle que soit la situation. Surtout avec la guéguerre qu’il y a avec les Ivoiriens. J’espère qu’ils sortiront avant nous, c’est le moindre mal que je leur souhaite.
Propos recueillis par
Théodore Ayissi Ayissi