La colère de l’abbé Abekan contre les démolitions sauvages
Je voudrais apporter tout mon soutien à l’abbé Norbert Abékan qui, le lundi 26 février, donnait aux démolisseurs de bidonvilles le conseil suivant: ”Vous voulez rendre plus beau le visage de ce pays? Alors, commencez par vos villages de cases plongés dans la nuit et les broussailles.”
Je voudrais dire quatre petites choses à propos de ce conseil avec lequel je suis entièrement d’accord.
Primo, le développement, l’embellissement et la modernisation de la Côte d’Ivoire devraient effectivement commencer par le Nord dont certains nous ont dit qu’il avait été abandonné et exclu. Si je ne me trompe pas, c’est pour “réhabiliter ce Nord délaissé” que des “justiciers” prirent les armes et attaquèrent le pays dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002. Or que constatons-nous aujourd’hui? N’est-ce pas au Sud que les fils et filles du Nord continuent de bâtir ou d’acheter des immeubles et des villas? Où est la cohérence? À quel moment vont-ils s’occuper du Nord?
Secundo, ces justiciers ne commettent-ils pas une grave injustice en devenant maires et députés dans les villes du Sud et du Nord alors que ni un Yao, ni un Akoun, ni un Dago, ni un Zamblé n’exerce cette fonction au Nord?
Tertio, ce n’est pas en multipliant les ponts et échangeurs qu’on règlera le problème de l’engorgement d’Abidjan. La vraie solution, c’est de transférer la Présidence, l’Assemblée nationale, le Conseil économique et social et certains ministères à Yamoussoukro. Cette proposition ne devrait pas poser de problème à une personne qui, en plus de se revendiquer de l’houphouëtisme, avait promis pendant la campagne électorale de 2010 de s’installer dans la capitale politique. Être homme, n’est-ce pas aussi tenir ses promesses?
Quatrième et dernière remarque, je dirais que ce sont toutes les villes du pays qui ont besoin d’être équipées, développées, modernisées car le développement doit profiter à tous. Si partout, dans le pays, on peut trouver des centres hospitaliers, universités, usines, stades, bibliothèques, supermarchés et routes de qualité, qui voudra se rendre à Abidjan?
Après la protestation musclée de l’abbé Norbert Abékan, Monsieur Ibrahim Cissé alias Bacongo s’est rendu le lendemain à la paroisse Saint-Jacques des Deux-Plateaux de Cocody. Je rappelle que Bacongo est le nouveau gouverneur du district d’Abidjan qui a décidé de faire disparaître un certain nombre de quartiers jugés dangereux.
De la discussion que les deux hommes ont eue, il est ressorti qu’Anono ne fait plus partie des sites à raser. Le village ébrié, qui jouxte la Riviera Golf, est ainsi sauvé des démolitions sauvages et inhumaines. Gloire à Dieu pour cette importante victoire! Mais Norbert Abékan qui a beaucoup contribué à cette victoire ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin, parce que le Christ dont il est un disciple est mort sur la croix pour tous et pas seulement pour les Juifs. C’est en tout cas ce que nous enseignent les évangiles et la foi catholique.
Le patron de la commission épiscopale “Justice, Paix et Environnement” devrait faire plus, c’est-à-dire être partout où l’injustice et le rattrapage ethnique de Dramane Ouattara font des dégâts, se dresser publiquement contre ceux qui veulent déshabiller Pierre (les Ivoiriens) pour habiller Paul (Marocains, Français et autres) car personne ne comprendrait que lui qui a choisi de suivre et de servir Christ qui a donné sa vie pour la multitude se batte uniquement pour des intérêts particuliers, n’élève la voix que pour son village Anono.
Concrètement, je souhaiterais que le curé de Saint-Jacques s’intéresse maintenant à la question des milliards détournés ici et là, qu’il parle de la vie qui devient de plus en plus difficile pour nombre de familles ivoiriennes à cause de l’augmentation des prix des denrées de première nécessité, qu’il plaide pour les prisonniers politiques restés dans les goulags de Ouattara, qu’il porte à la connaissance des gouvernants la misère et la souffrance des étudiants assis à même le sol pour écrire dans les amphithéâtres et ne sachant où dormir. Les Ivoiriens seraient heureux de le voir soutenir les 46 docteurs qui ne demandent qu’à servir leur pays. Il est quand même scandaleux d’entendre qu’on n’a pas d’argent pour les embaucher pendant qu’un entraîneur étranger reçoit des millions de francs CFA par mois.
Jean-Claude Djéréké