Gérard Essomba Many : Mille et une vies se racontent dans le cinéma
L’acteur, comédien et réalisateur camerounais met en scène sa carrière et laisse le film de sa vie se dérouler et s’apprécier à l’aune de l’ingratitude des pouvoirs publics du Cameroun.

comédien et réalisateur de films
Gérard Essomba Many, septuagénaire et plusieurs décennies dans le septième art, cherche encore à laisser un héritage cinématographique à la postérité. Malgré la fatigue et le poids de l’âge. Sans fioritures, il dénonce dans toutes ses prises de parole l’ingratitude du métier, et surtout le fait que la culture soit reléguée au second plan dans son pays. Et c’est au miroir de sa riche carrière qu’il en apprécie l’étendue. Le cinéaste camerounais a en effet été auréolé des titres internationaux. Il a raflé pas moins de cinq titres aux festivals de Carthage, Amiens et Pretoria. Pour avoir interprété «Les Pièces d’identité». Comédien de cinéma et acteur de théâtre (Rue Princesse, Dresalam, Pièces d’identité), Gérard Essomba Many allie dans son jeu profondeur et distanciation. Son visage buriné, sa gouaille, son sens de l’humour et sa dérision constituent sa signature haute en couleurs.
Ceci est le fruit d’un travail de longue date. «J’ai commencé le cinéma dans les années 1973 avec un cinéaste français Dia Moukouri avec qui j’ai tourné le film «La Fleur dans le sang». Je devais interpréter un peintre africain qui vivait à Paris dans des conditions très difficiles, le film n’a pas connu beaucoup de succès parce qu’il n’avait reçu que très peu de moyens, mais c’était aussi les débuts de ma carrière comme réalisateur de cinéma», fait savoir Gérard Essomba Many. Par la suite, il s’est intéressé au théâtre. «J’ai été repéré par Raoul Kouta pour jouer le rôle de Bia Koukou dans le film «La Légion saute sur Kolwezi» en 1979. Le film devait être tourné au Congo (ex-Zaïre), mais il a été tourné en Guyane, et par la suite, j’ai eu des propositions d’Henri Duparc. Le réalisateur ivoirien m’a demandé d’incarner le rôle d’un chef d’entreprise qui passait son temps dans la débauche. J’ai également tourné un film à Limbé au Cameroun intitulé «La Pointe». C’est l’histoire d’un vieux professeur de 70 ans qui tombe amoureux d’une jeune danseuse de 20 ans, c’est presque irréalisable de savoir que ce couple pouvait vivre. Mais tout ici se résume à l’amour. C’est dans la tête. Il n’y a pas de sexe. Malheureusement, le cinéma camerounais et les medias n’ont pas donné la possibilité à ce film d’être vu par un large public», déplore-t-il.
Souvenirs
Après avoir exploré sa filmographie, Gérard Essomba Many garde des souvenirs indélébiles de son personnage incarné dans le film Toussaint Louverture. «Pour être plus précis, c’est une partie du monde aujourd’hui appelée Haïti. À l’époque on l’appelait Saint Domingue. Toute personne qui a lu l’écrivain Aimé Césaire doit comprendre l’histoire de Toussaint Louverture et cela doit interpeler toute l’Afrique aujourd’hui. Le spectacle a été joué devant 43 chefs d’État de la Francophonie. Il clôturait le bicentenaire de la révolution française. Le Sénégal était représenté par le très grand chef d’État, le président Abdou Diouf qui m’appelait affectueusement «Toussaint Louverture». Et le cinéaste camerounais d’ajouter: «je garde de très bon souvenirs de lui dans ma carrière. La lettre qu’il m’a écrite et signée de sa main est là à mon domicile. C’est un grand honneur pour moi, alors que je n’ai jamais été reçu par le chef de l’État camerounais son Excellence Paul Biya», s’indigne le cinéaste et comédien Gérard Essomba Many.
Olivier Mbessité