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Financement des projets publics par la BDEAC : L’arbitrage des chefs d’État requis lors du sommet extraordinaire

L’institution sous-régionale de financement du développement fait face à un gros problème de refinancement de ses emprunts par la banque centrale. Entre contraintes règlementaires, structurelles et humaines, les chefs d’État de la Cemac, qui avaient instruit une refonte de la BDEAC accompagnée par la Beac, devront fixer de nouveaux caps.

Le sujet n’a pas fait l’objet d’un gros traitement médiatique. Cependant, une question qui a fait l’objet d’un gros débat entre les ministres des Finances de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac), celle du refinancement de certains projets portés au profit des États par la Banque de développement des États de l’Afrique centrale. Le dossier était à l’ordre du jour de la réunion extraordinaire des ministres des Finances de la sous-région, lors de leur rencontre à huis clos, en amont de la rencontre des chefs d’État. Dans la presse, la question a été abordée de manière simple, à savoir que «le financement des infrastructures communautaires a préoccupé». Mais derrière ces termes simples, les arbitrages sont complexes. La Beac estime qu’il est devenu risqué pour elle de continuer de soutenir sans contrôle la BDEAC. Elle évoque pour cela plusieurs raisons légitimes.

Deux contraintes majeures au soutien de la BDEAC par la Beac
La première est d’ordre juridique. Selon des sources contactées au sein de l’institution d’émission et de contrôle de la monnaie, en sa qualité de premier actionnaire de la BDEAC, elle devrait ouvrir un compte courant associé d’un montant de 240 milliards de FCFA. Cela a été fait, mais il reste un reliquat de 120 milliards de FCFA qui est exigé par la banque de développement. Le président de cette dernière a donc sollicité la BEAC pour récupérer le reste à approvisionner de 120 milliards de FCFA. Mais le conseil d’administration de la BEAC s’est retrouvé contraint de refuser dans une note prise en juillet 2019.

L’argument évoqué est que cet engagement de la Beac doit se faire dans la mesure des fonds propres disponibles. Or, justement, les fonds propres de la banque centrale ont fortement diminué, se réduisant de 58 % sur la seule année 2018. Une des raisons de cette situation c’est que dans le cadre du changement de méthode de calcul des créances sur les États, elle a dû comptabiliser comme perte un montant de 220 milliards de FCFA. Dans le même temps, les résultats annuels de l’exercice 2018 révèlent que le portefeuille d’investissement de la banque centrale est soit arrivé à échéance, soit cédé sur le marché. Dans les deux cas, les plus-values associées à ces investissements ont aussi été considérées comme des pertes.

À La fin septembre 2019, les fonds propres de l’institution étaient de seulement 140 milliards de FCFA. Difficile dans ce contexte de soutenir sans réserve la BDEAC à hauteur des montants souhaités, surtout qu’elle a d’autres engagements qui nécessitent la somme de 80 milliards de FCFA, dont l’impression de la nouvelle gamme de billets sécurisés pour la sous-région
La deuxième contrainte provient du programme de stabilisation mis en œuvre avec le Fonds monétaire international, sur l’aval des chefs d’État. Dans son dernier rapport sur la Cemac, l’institution de surveillance multilatérale a estimé que l’exposition de la Beac sur la BDEAC était excessive, alors qu’il n’appartient pas à une banque centrale de soutenir une institution de financement du développement.

Elle a donc suggéré, dans ses recommandations, que la Beac se désengage de la BDEAC plutôt que d’accroître son exposition. En plus de cela, l’institution de Bretton Woods estime que tout refinancement accordé à la Beac au profit de la BDEAC sur des projets publics constituerait des avances monétaires aux États. Une chose qui est pourtant interdite désormais à la banque centrale.

Une solution pratique, mais qui comporte des défis
Malgré les contraintes constatées plus haut, la banque centrale a trouvé une solution de compromis lui permettant surtout d’être en conformité avec les exigences du FMI. « Les chefs d’État ont instruit la Beac d’accompagner la transformation structurelle de la BDEAC. Cette instruction a été acceptée; la banque centrale se devait donc de s’exécuter », nous explique une source proche du dossier. Il a été ainsi retenu, que la banque de développement communautaire puisse se refinancer sur la marge des 150 milliards disponibles dans le cadre de son intervention sur le marché monétaire. Mais le recours à ce mécanisme comporte des aspects qui peuvent ne pas satisfaire le bon fonctionnement de la BDEAC.

Il implique par exemple que la banque centrale ait un regard sur la gestion de la BDEAC, une situation qui n’est pas tolérée. À la Beac, on explique qu’il y a un besoin d’avoir de la visibilité sur les projets de la BDEAC. L’argument majeur est que, dès 2019, la comptabilisation des provisions se fera sous la norme IFRS9, qui est plus stricte et rigoureuse en matière de constatation des pertes. Une façon de demander à la BDEAC d’être plus transparente et plus efficiente. La situation crée un profond malaise au sein de la banque de développement.

Au cours de l’année 2019, elle s’est inscrite dans la dynamique de trouver une solution alternative. Elle a signé de nouvelles alliances et prévoit de se faire noter dès 2020, pour avoir la possibilité d’aller sur les marchés des capitaux situés au-delà de la Cemac. Mais au final, il reviendra aux chefs d’État de trancher sur cette affaire. Les deux institutions ayant pour actionnaires les gouvernements membres de la Communauté, ces derniers peuvent donner le cap à suivre. Les pays à suivre dans ce dossier seront le Gabon et le Tchad, qui empruntent le plus difficilement (avec des taux élevés) sur le marché régional. Au total, ce sont 155 milliards de FCFA de projets au profit des deux pays, qui attendent de trouver une solution à ce défi difficile à résoudre.

Georges Auréole Bamba

 

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