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Feuille de route : les institutions proposent des pistes de solutions

À l’issue des travaux des associations professionnelles des sociétés Bourse, de gestion de portefeuille, des établissements de microfinances, des établissements de crédits et la Banque des États de l’Afrique centrale ( Beac) proposent le canevas à suivre pour réussir une finance durable.

Plusieurs points d’accord pendant les échanges

La finance durable appelle l’Afrique centrale à voir la situation d’une certaine manière. Pour ce faire l’association de gestionnaires de portefeuille préconise une prise de conscience, un encadrement juridique et des renforcements des capacités». Les sociétés de gestions de portefeuille et des sociétés de bourse sont là pour mobiliser de l’épargne auprès du grand public. L’un des véhicules que les sociétés de gestion pourraient utiliser sont des fonds communs de placement à thématique. La mise en place pour le compte de la diaspora d’un véhicule de placement (elle représente à peu près 140 millions d’habitant sur 53 milliards de dollars). C’est un volume suffisamment important pour conquérir au financement pour tout ce qui est projets à la finance durable», affirme Eugène Cissé, représentant de l’association de gestionnaire de portefeuille.

Les établissements de microfinances accompagnent les agents économiques dépourvus du système bancaire classique et les plus vulnérables. Pour la fédération des associations d’établissement de microfinances de la Cemac, ces établissements sont capables de soutenir la finance durable. Pour ce faire, intégrer les nouveaux enjeux consiste à favoriser à ce que ces établissements puissent avoir l’accès au financement à long terme.»Depuis 2021, le secteur de la microfinance mobilise plus de 100 milliards en terme de dépôt mais, plus de 70% sont des dépôts à vue. Nous avons la problématique de la vulnérabilité des dépôts, le problème de difficulté à obtenir des financements», cite Jean Robert Obiang, président de cette fédération. À la fin, il faut,»élaborer une stratégie pour une finance durable inclusive qui implique l’ensemble des agents économiques en zone Cemac», insiste-t-il.

Pour la fédération des associations des professionnels des établissements de crédit, le concept de finance durable renvoie à trois notions clés: la finance solidaire, la finance responsable et la finance verte». Nous vivons tous les effets du changement climatique. Est-ce que les banques sont engagées pour financer les énergies renouvelables? Sont engagées à tenir promptement les questions du genre? Sont engagées à œuvrer tant au plan sous régional qu’au plan régional à l’élaboration de la stratégie d’inclusion financière, car l’intérêt majeur c’est de stabiliser le système bancaire et dont monétaire, mais aussi de plus en plus les besoins de financement sont importants. Il y a un intérêt à aller vers la finance durable parce qu’il y a des sources de financement, plus le système sera stabilisé, moins on sera exposé aux risques sociaux environnementaux», explique Pierre Kam, secrétaire générale de la fédération.

Une feuille de route ou une stratégie sous régionale pour la finance durable ne peut se faire que sous la houlette des autorités compétentes. «Il s’agira davantage de coordonner des actions et de définir des politiques qui vont toucher l’ensemble des pays et de se mettre en cohésion pour que l’effet sous régional cherché soit là. Nous pouvons promouvoir les 17 objectifs de développement durable élaborés par les Nations Unies. Lorsqu’on déroule ces objectifs, on voit qu’on peut progresser sur ces lignes et dont utiliser les ressources. Rechercher l’adhésion et l’engagement des parties prenantes pour proposer des services financiers orientés vers la finance durable», il faut également «vendre au plan l’idée de capter les opportunités qu’offrent cette nouvelle fenêtre (si vous prenez la structure du bilan de banques, vous allez vous rendre compte que concernant les ressources plus de 80% sont de court terme). Quand nous allons vers la finance durable, nous allons vers d’autres débouchés pour capter des ressources longues. On a une opportunité réelle non seulement d’accroître le financement, mais d’améliorer la qualité de financement», propose le SG de la fédération. Pour qu’il y ait transformation structurelle des économies, il faudrait qu’elle soit diverse, lever le curseur vers les ressources, vers l’homme.

 

Lire la suite : Inclusion financière : les pays de la sous-région adhèrent

Pour sa part, la Beac veut réunir tous les acteurs de la chaîne pour une bonne inclusion financière. En termes de périmètre à couvrir, «il est prévu les banques, les établissements de micro finances, les marchés de capitaux, les sociétés de gestion de Bourse, des sociétés de gestion des portefeuilles», affirme Caroline Idrissou, directrice financière Beac. Afin de bien encrer dans le sujet, la Banque centrale dans un premier temps envisage faire un diagnostic de la finance durable dans la sous-région, car «il est important qu’on ait une compréhension commune de ce qu’on entend par finance durable. Il faudra intégrer les spécifiés propres à chaque pays»
Pour l’élaboration de la stratégie régionale d’inclusion financière de la Cemac. La Beac propose que «la supervision de cette activité soit menée par la banque centrale. Au sein de la banque centrale, on aura un organe technique, il y a un groupe de travail qui a été mis en place, mais ce groupe pourrait faire des propositions à un comité plus élargit qui serait un comité de pilotage avec les représentants de tous les acteurs du système financier pour avoir une vue globale des préoccupations propres à chaque acteur», explique la directrice financière.
La Banque centrale propose 18 mois pour l’élaboration d’une feuille de route, car il faut tenir en compte la spécificité de chaque zone. La validation finale de cette feuille de route devrait remonter jusqu’au niveau du comité ministériel.

Diane Kenfack

 

Ils ont dit

Danielle Latha Bundulu, SG Cosumaf

Soumettre les nouveaux émetteurs des obligations à des informations tant quantitatifs que qualitatifs

La Cosumaf a été parmi les premiers signataires des accords de Marrakech en 2016 au cours de la Cop 22. Suite à cette signature, la Cosumaf a adopté en 2021 le guide d’émission d’obligations vertes sociales et durables en coopération avec la SFI. Nous avons ensuite adhéré au réseau du SDFN en 2022. La Cosumaf a intégré dans son nouveau règlement général les critères environnementaux sociaux et de gouvernance. Ces trois prix et critères constituent des piliers de l’analyse extra-financière et sont utilisés pour des investissements dits socialement responsables. Nous avons de nouveaux instruments financiers qui nous permettront de drainer l’investissement international des populations locales. On a mis en place des organismes professionnels d’investissement à long terme. Cette classe d’actifs devra privilégier des investissements sociaux environnementaux et durables. Des sociétés qui souhaitent mettre des obligations vertes et sociales ou durables devront aussi se soumettre aux dispositions de nouveaux articles 200 et suivants du règlement Cemac/Umac qui a été adopté par le comité ministériel de la Cemac l’année dernière. Dans ce règlement général, vous avez de l’obligation de recours non seulement de recours à des experts indépendants et tout une procédure de gestion et de suivi des fonds alloués aux investissements. Le but étant toujours d’allier le profit à l’efficacité, la Cosumaf obligera ses nouveaux émetteurs à se soumettre à des obligations des informations tant quantitatives que qualitatives. Aujourd’hui ce qui nous manque dans la sous-région, c’est d’avoir une classification des activités clés que nous considérons comme environnemental social et donc privilégier pour la Cemac. C’est-à-dire établir une taxonomie. Cette taxonomie permettrait au régulateur de mieux suivre des standards internationaux. Cet arrimage aux standards internationaux ne peut se faire que par une définition commune au niveau de la Cemac, de cette taxonomie que nous espérons rapide et qui sera intégrée dans la feuille de route.


Jean Claude Ngeumeni, directeur de la surveillance multilatérale, Commission de la Cemac

«La Cemac compte préserver le premier plan»

Dans son programme d’émergence adopté en 2010 le programme économique régional, la Cemac s’est donné comme ambition de devenir dans un horizon pas très lointain comme une triple puissance: une puissance énergétique, verte et un pôle métallurgique de référence. Dans sa visité de puissance verte, la Cemac compte préserver durablement le rôle de premier plan que joue la forêt du bassin du Congo dans l’absorption des gaz à effet de serre caractérisés par son niveau élevé de stockage de CO2. Cette préservation permettrait ainsi d’obtenir une rétribution équitable et durable, capitale pour le financement des politiques de préservation et d’exploitation durable du bassin du Congo, au profit des pays de ce bassin, de ses populations ainsi que de l’humanité entière. Le développement de la finance durable dans la sous-région contribuerait énormément à cette fin. Pour ce qui est des actions qui a été menées au niveau communautaire Pour rendre le développement plus vert et durable, nous relevons l’adoption en 2015 du livre blanc énergie Cemac/CEEAC mettant un accent sur le développement des énergies renouvelables. Également dans la quête de l’exploitation durable du bassin du Congo, a été adoptée en 2019 la stratégie d’industrialisation durable de la filière bois dans le bassin du Congo. Le processus de sélection des 11 projets intégrateurs prioritaires de la Cemac qui ont été présentés à la table ronde des bailleurs de fonds à Paris en novembre 2020 a mis un accent sur un leurs bénéfices environnementaux sociaux et durables. Il est de même pour les 12 projets inscrits dans le deuxième programme de projets intégrateurs qui sera présenté à Paris en novembre 2023. La Cemac a introduit la durabilité dans la gestion macro-économique, dans le cadre de son nouveau dispositif de surveillance multilatérale entrée en vigueur en janvier 2017, et visant à mener l’ensemble des États membres de la Cemac à la mise en œuvre de politique budgétaire contrat sécurité. Les Etats membres de la Cemac ne sont pas restés en marge des initiatives prises à l’échelon international, pour une économie verte et résiliente au climat. Tous les États membres de la Cemac disposent des plans nationaux de défoulement qui intègrent des aspects liés au changement climatique. Aussi, la quasi-totalité des États membres disposent d’un document national de contextualisation et de priorisation des ODD, permettant ainsi l’alignement des ODD aux politiques publiques.


Abbas Mahamat Tolli, gouverneur Beac

«Elle permettrait de trouver le juste équilibre entre la viabilité financière et la durabilité environnementale»

Pour les économies de la CEMAC, la prise en compte des risques ESG a débuté avec le règlement CEMAC 04/08/CEMAC/UMAC/COBAC sur le gouvernement d’entreprise qui vise à améliorer la gouvernance et le climat social dans les établissements de crédit. Les facteurs environnementaux, quant à eux, ne sont pas explicitement évoqués dans le dispositif règlement en vigueur. Cependant, ils peuvent être traités comme risques émergents. Selon les estimations, le Bassin du Congo aurait perdu environ 3,1 millions d’hectares de forêts au cours des cinq dernières années. Quant au lac Tchad, sa superficie est passée de 25 000 km2 à 1 500 km2 en l’espace de 50 ans, soit une réduction de près de 90 %. Par conséquent, il y a lieu de revoir notre modèle de développement économique, en favorisant des technologies respectueuses de l’environnement et à même de préserver cet héritage pour les générations futures. À cet égard, il importe de relever que de nombreux pays de la CEMAC ont engagé des mesures visant à soutenir le développement résilient au changement climatique à travers des financements nationaux renforcés par des réallocations budgétaires, la création des fonds nationaux pour le climat et l’établissement des partenariats avec le secteur privé local, la société civile et les autorités locales. Ces efforts restent toutefois limités par l’étroitesse des marges budgétaires des États face à l’ampleur des besoins. Dès lors, la finance verte constitue une opportunité pour mobiliser des capitaux supplémentaires dans la lutte contre le changement climatique. Elle permettrait de trouver le juste équilibre entre la viabilité financière et la durabilité environnementale en soutenant des investissements financièrement viables qui contribuent à préserver les écosystèmes et la biodiversité. Pour sa part, la BEAC entend privilégier une démarche progressive qui lui permettrait de capitaliser sur les expériences des pays bien avancés dans ce domaine pour avoir une meilleure compréhension préalable des risques sous-jacents aux actifs verts, et promouvoir l’émergence d’instruments et de produits financiers verts dans la CEMAC.

Propos recueillis par Diane Kenfack

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