Enregistrement et impôts au secteur informel : doutes sur les intentions des entrepreneurs camerounais
La troisième enquête sur l’emploi et le secteur informel met à nu la détermination des opérateurs économiques à rester en marge de la légalité.
Les promoteurs d’unités de production informelles (UPI) restent peu enclins à faire enregistrer leurs activités et à payer les impôts. Le constat dressé par l’Institut nationale de la statistique (INS) montre que ces derniers rament à contre-courant du gouvernement; bien décidé à encadrer le secteur informel et à élargir son assiette fiscale. «L’analyse de la disposition des promoteurs à enregistrer leur UPI auprès de l’administration ou à payer les impôts sur leurs activités permet de noter que les chefs des UPI semblent globalement préférer rester loin de l’administration. Il ressort aussi que les promoteurs de 6,1% d’UPI non-enregistrées ne veulent pas collaborer avec l’Etat», souligne l’Institut dans son rapport de l’Enquête sur l’emploi et le secteur informel (EESI3), mené en 2021 et rendu public le 1er novembre 2023.
En chiffres, cela représente 7,5% de promoteurs prêts à enregistrer leurs structures auprès de l’administration et prêts à payer les impôts contre 54,4% ne manifestant aucune volonté de se soumettre à ces deux exigences. 12,6% d’entre eux sont favorables à une immatriculation seulement et 17,4% se disposent à payer leurs charges fiscales sans autres formalités. Précisément: «95,7% ne possèdent pas de numéro de contribuable, 97,4% ne sont pas inscrits au registre de commerce, 97,5% ne possèdent pas de carte professionnelle et 99,5% ne sont pas affiliées à la CNPS (Caisse nationale de prévoyance sociale)», lit-on. Et encore, «comparativement à 2010, la proportion des UPI pour lesquelles les promoteurs payent les impôts a connu une baisse de l’ordre de 5,4 points (de 17,9% en 2010 à 12,5% en 2021). De même, la proportion des UPI enregistrées a connu la même tendance, passant de 8,0% en 2010 à 4,1% en 2021».
Prix et ignorance en avant
L’enquête menée auprès d’un échantillon de 4576 unités de production, sur les 3,4 millions établies au Cameroun, est ponctuée d’un sondage. Celui-ci a permis, entre autres, d’établir les raisons de l’abstention des entrepreneurs à ces formalités réglementaires. «La principale raison la plus avancée est que l’enregistrement n’est pas obligatoire pour exercer l’activité. La deuxième raison vient de l’ignorance, car pour près d’une UPI sur quatre, le promoteur dit ne pas savoir qu’il faut s’enregistrer. La troisième raison est le coût élevé : les promoteurs de 20,5% d’UPI ont évoqué cette raison pour justifier la non possession d’un numéro de contribuable et de 17,2% pour le registre de commerce», ressort le rapport.
La précarité exaltée
La précarité reste le maitre-mot dans un exercice qui consiste à dresser la physionomie du secteur informel. Selon l’Institut national de la statistique, moins d’un dixième des structures répertoriées possèdent un local professionnel. Le pourcentage évoqué en la matière est de 9,2%. 31% d’entre elles sont établies dans des domiciles privés sans aucune installation spécifique. Cela est fait dans une logique de minimisation des dépenses, notamment dans un contexte marqué par l’insuffisance des moyens de 27,4% d’entrepreneurs. Mais pour 39,1% autres, la raison repose sur la non nécessité d’un local.
Sur un tout autre plan, le secteur informel brille par la précarité des emplois, envenimée par un désintérêt aux questions relatives à l’affiliation des travailleurs au système de sécurité sociale et à une police d’assurance. «1,1% d’UPI ont déclaré avoir affilié au moins l’un de leurs employés à la CNPS. La proportion des UPI pour lesquelles les promoteurs ont souscrit à une police d’assurance auprès d’une société privée pour la couverture des risques de métier est très marginale (1,0%)», révèle l’Institut.
La pratique porte par ailleurs sur des niveaux de rémunérations et des taux de salarisation bas. En effet, près de 6 travailleurs sur 100 sont salariés, contre 9 personnes sur 100 en 2010. Et les salaires mensuels pour les situer sont en moyenne plafonnés à 83409 FCFA. Le revenu moyen mensuel était de l’ordre de 48400FCFA en 2010 (année de la deuxième Enquête sur l’emploi et le secteur informel). Les primes aussi sont quasi inexistantes dans le secteur informel tandis que la masse des travailleurs se recrutent sans contrat sur la base de liens filiaux.
Louise Nsana