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Daniel Moundzego : «Encore une année blanche pour près de 6000 enfants réfugiés scolarisables»

Quelques jours avant la rentrée scolaire, le président de l’association de réfugiés sans frontière peint un tableau noir de la situation des enfants réfugiés scolarisables dans la ville de Douala.

 

L’année dernière plus de 2000 élèves réfugiés n’ont pas été scolarisés. Qu’en est-il de cette année?
L’année dernière, nous avons déclaré que plus de 2000 enfants risquaient l’année blanche. Mais nous pouvons dire que la situation n’a pas changé et a plutôt empiré. On a les statistiques, mais on peut penser que c’est le double ou le triple des enfants qui sont désormais confrontés à ce problème de l’école. Donc à l’heure actuelle nous sommes en train de recenser des enfants parce que les familles n’ont pas d’argent pour les inscrire à l’école. La situation reste dramatique pour les enfants. On peut dire qu’on n’est presque à 6000 enfants non scolarisés.

Le HCR ne fait pas grand-chose face à cette situation. Que faites-vous au sein de l’association pour aider ces personnes?
Les programmes du HCR aujourd’hui ne répondent plus. Avant, il s’occupait de 800 personnes. Maintenant, il ne s’occupe pratiquement plus de rien. Nous en tant qu’association, appelons à l’aide et comme vous connaissez ce pays, on ne peut pas lancer une collecte publique de fonds sans l’autorisation du gouvernement. Nous à notre niveau, on n’a même pas de budget pour fonctionner nous-mêmes. On a aidé juste 4 ou 5. Notre aide se situe au niveau de l’accompagnement, du plaidoyer. Nous sommes la voix des sans voix. Nous sommes là pour crier pour qu’effectivement la voix de ceux qui souffrent soit entendue. On se bat parce qu’on a à cœur de voir les choses changer.

C’est le gouvernement qui doit prendre aujourd’hui la responsabilité du dossier des réfugiés au Cameroun. C’est vers lui que nous regardons et donc, il faut qu’il prenne des mesures pour s’occuper des enfants des réfugiés. On a pu faire ce qu’on pouvait, on n’a pas eu de financement, de dons, on a rien eu. Nous n’avons que nos yeux pour pleurer parce que nous voyons la situation se dégrader de plus en plus.

C’est déjà la veille de la rentrée scolaire, que font ces enfants au quotidien pour subvenir à leurs besoins?
Les enfants dont les parents sont très vulnérables font des choses que nous condamnons à savoir, porter les arachides de leurs mamans pour les aider à vendre et la prostitution. Il y a un grand risque que ces enfants en grandissant sans éducation soient récupérés par des réseaux mafieux et deviennent une menace demain pour le Cameroun et pourquoi pas pour l’Afrique.

Qu’attendez-vous du HCR?
Le HCR doit multiplier les efforts. Le peu qu’ils ont, il faut que ça parvienne effectivement aux réfugiés parce qu’à l’heure actuelle, il y a un procès en cours à Yaoundé sur le détournement de l’argent. Il n’y a pas une volonté de faire que le minimum d’argent puisse vraiment servir pour l’éducation des enfants. Le HCR peut par exemple réduire les budgets. Il paye les partenaires. Lorsque vous voyez les partenaires comme Plan Cameroun, ils roulent dans les grosses voitures, ils ont les chars de structures très élevés et pourtant, les personnes pour lesquelles ils gagnent cet argent n’ont rien. Ce n’est pas normal. Moi à la place du HCR, j’aurais coupé les partenaires et concentré l’argent aux réfugiés. En créant par exemple un service spécialement pour l’éducation et que l’argent qu’on dépense là-bas, qu’on s’occupe réellement des enfants pour l’école. Que 6000 enfants puissent être pris en charge. Donc, il y a des coupes budgétaires qu’il doit faire parce qu’il y a des dépenses inutiles qu’ils font.

Quels sont vos souhaits pour cette année?
Mon souhait pour cette année c’est que le gouvernement inscrive dans le budget de 2023, une ligne budgétaire qui s’occupe de l’intégration des réfugiés au Cameroun. Donc une ligne budgétaire claire dans le budget qui dit que le gouvernement prend en charge les questions des réfugiés. C’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait de l’argent pour s’en occuper. Tant qu’il n’y a pas d’argent, c’est difficile. Autour de l’éducation, il y a tout: le loyer, la nourriture et la santé. On en appelle au président. Quand il donne une orientation, il faut qu’il sache qu’il y a une composante de la population qui a un besoin spécifique, des réfugiés et des demandeurs d’asile chez lui, et qu’il faut qu’il y ait de l’argent pour les prendre en charge. Sinon, ce n’est pas possible.

Propos recueillis par Diane Kenfack

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