Création d’emplois : Cameroun et RDC à l’épreuve de l’innovation
Le contexte et les nombreux échecs des politiques publiques existantes imposent de faire preuve d’inventivité et de saisir les opportunités liées au développement durable.

Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte lorsqu’il faut parler de la création d’emplois en Afrique centrale. Il y a le contexte. Le ministère camerounais de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) le dit «de plus en plus contraint de fortes turbulences économiques mondiales. Cela est lié aux multiples crises sécuritaires tant au plan international qu’au plan interne». Et il y a les faiblesses endogènes. Elles font référence à «nos économies structurellement dépendantes». De quoi justifier pour les gouvernements camerounais et congolais la tenue de l’atelier de lancement des études «sur les besoins, capacités et contraintes du secteur privé dans le secteur du développement durable avec un focus sur le marché de l’emploi: cas du Cameroun et de la RDC». On croit en effet au Minepat, au CAMERCAP-PARC et à l’UasAF qu’il est «important de penser à mobiliser les ressources alternatives et innovantes. De manière à soutenir la création des richesses et des emplois dans une perspective de développement durable de nos pays». Le Cameroun et la RDC font office ici de cobayes et de laboratoires. Ils représentent les deux plus grandes économies de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).
Climat des affaires au Cameroun
Les données rendues publiques ce 3 mai 2023 par le CAMERCAP-PARC et l’UasAF partent d’un postulat. À savoir que «la performance du secteur privé est un élément déterminant de la croissance économique et du dveloppement d’un pays». Il est en effet clair pour ces deux organisations que «ce secteur se positionne au centre des politiques de développement grâce à leur capacité à créer des emplois et des richesses, à développer des savoir-faire, à former la population et à mobiliser des financements».
Or au Cameroun, «l’atteinte des objectifs nationaux en matière de développement déclinés dans la première décade de la Vision 2035 (le DSCE 2010-2020), qui se veulent en alignement avec l’agenda 2063 de l’Union africaine (UA) et l’Agenda 2030 des Nations unies (Objectifs de développement durable), s’est annoncé particulièrement problématique». Les données aujourd’hui disponibles font état «d’une très mauvaise conjoncture économique (baisse persistante des cours des matières premières) et les défis sécuritaires (terrorisme, crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest), ainsi que de nombreuses contraintes structurelles». À cela s’ajoute «la situation du secteur privé qui tarde à trouver une amélioration optimale. Plusieurs difficultés et contraintes persistent en effet dont la plus grande est le mauvais état du climat des affaires», déplore le CAMERCAP-PARC.
Début de solution
«Le DSCE a connu des résultats mitigés», est-il admis. Les autorités camerounaises ont pris conscience de ces écarts et elles ont rectifié le tir. «Le gouvernement du Cameroun a ainsi fait de l’amélioration du climat des affaires un pilier essentiel de la mise en œuvre de sa stratégie de croissance». On se réjouit également au CAMERCAP-PARC de la décision de «la mise sur pied d’une plateforme d’échanges entre les acteurs publics et privés pour le développement des Affaires». En l’occurrence le Cameroun Business Forum (CBF). Il s’agit simplement d’aller au-delà et de tenir compte notamment des opportunités offertes par le secteur du développement durable. La Stratégie nationale de Développement 2020-2030 (SND30) se présente comme le cadre idéal pour implémenter cette nouvelle approche. Les relations de coopération entre le Cameroun et ses partenaires bilatéraux ou multilatéraux comme l’Union européenne peuvent également faciliter cette évolution. La situation en RDC n’est pas très différente.
Secteur privé à la peine en RDC
La réalité est également implacable en République Démocratique du Congo. «Le secteur privé formel y est très réduit», déplore-t-on déjà. Surtout que «la situation perdure depuis plusieurs décennies due à des difficultés de fonctionnement. Elle est en plus accentuée par la mise à mal de la bonne gouvernance qui a contribué à amoindrir la résilience des entreprises aux chocs économiques et à émousser leurs capacités à relever les défis de la concurrence», ont appris les participants à l’atelier.
Là aussi, «la structure du système productif na pas favorisé que la disparition d’entreprises existantes soit compensée par l’entrée sur le marché local de nouvelles organisations productives». Les participants ont en outre été informés de ce que «la prolifération des impôts et taxes prélevés au niveau des Collectivités territoriales n’incite pas à la formalisation et décourage les aspirations à exister en se dotant d’une comptabilité reflétant l’ensemble des activités de l’entreprise». Il s’ensuit que «plus de 70% de l’économie congolaise est informelle». Les données présentées confirment ainsi que l’environnement ne favorise pas ou très peu la création d’emplois décents. Ce qui semple aussi être la conséquence «de la faiblesse de l’innovation dans le développement du secteur privé dans ces deux pays», font savoir le CAMERCAP-PARC et l’UasAF.
L’économie numérique offre déjà à ces deux piliers de l’économie sous- régionale une bouée de sauvetage. Le développement durable pourrait également constituer un secteur porteur. «Les propositions visant la facilitation de la mise en relation entre les innovateurs technologiques, environnementaux, et le secteur privé sur la base de l’évaluation des besoins et contraintes au Cameroun et en RDC, revêtent de ce fait une importance certaine pour les acteurs de la prise de décision en matière de politiques économiques et sociales dans ces deux pays», souligne le Minepat.
Théodore Ayissi Ayissi
Nouveaux horizons
Les problématiques mondiales de chômage et d’emploi décent se posent avec une acuité particulière dans la sous-région Afrique centrale. Les différents gouvernements sont en outre confrontés à des problèmes de sous-emploi décuplés par une explosion démographique. Les politiques sectorielles jusqu’ici mises en œuvre peinent à donner des résultats satisfaisants. Elles sont plombées par une absence de diversification économique et une trop forte dépendance vis-à-vis des revenus du secteur primaire. Constat a encore été fait lors de la célébration dans l’espace communautaire le 1er mai dernier, de la Fête du Travail. La belle occasion de s’accorder une nouvelle fois sur la nécessité de changer de paradigme et d’explorer de nouveaux horizons.
Un atelier s’est tenu à cet effet le 3 mai dernier à Yaoundé. L’initiative est portée par l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) et encouragée par les gouvernements du Cameroun et de la République Démocratique du Congo (RDC). Elle met en vedette ce mercredi 03 mai le Centre d’analyse et de recherche sur les politiques économiques et sociales du Cameroun (CAMERCAP-PARC) et l’Université autre son d’Afrique (UasAF). Et elle vise concrètement «le lancement de deux études sur les besoins, capacités et contraintes du secteur privé dans le secteur du développement durable avec un focus sur le marché de l’emploi: cas du Cameroun et de la RDC», indiquent les termes de références (TDR). L’idée est entre autres d’identifier toutes les niches d’emplois jusqu’ici sous-estimées, le cas du secteur de développement durable. Et de travailler ensuite en collaboration avec les partenaires au développement, à leur appropriation par les acteurs publics et privés de ces deux pays dans un premier temps. L’ambition étant enfin de l’étendre à l’ensemble de la sous-région.
Théodore Ayissi Ayissi