Covid-19 au Cameroun : Démêler le vrai du faux
Le choc sanitaire provoqué par le coronavirus sert de marchepied aux rumeurs fondées et infondées. D’un côté, une faction énervée subit le schéma funeste de la « bonne information contre la mauvaise ». De l’autre, une actualité progresse en sourdine. Au final, il y a une autre pandémie qui sévit : celle de la vérité et du mensonge.
1-Le Cameroun sera vacciné : VRAI
Après les cafouillages sur les livraisons de doses, confusions autour des effets secondaires du vaccin AstraZeneca mis de côté par le gouvernement, une campagne vaccinale anti-Covid-19 sera bel et bien menée au Cameroun. La mobilisation est générale pour recruter du personnel, non sans heurter parfois des professionnels de santé décidés à jouer le jeu, mais éprouvé par les aléas d’une gestion en dents de scie. Au ministère de la Santé publique (Minsanté), on parle d’opérations «aller vers» et «ramener vers». En effet, dans la campagne de vaccination générale, «il y a un public qui va être éloigné des centres de vaccination, notamment des personnes âgées à domicile qui ont plus de difficulté à se déplacer», explique-t-on.
2-Des préparatifs sont en cours : VRAI
Jamais les faits et gestes du gouvernement n’auront été scrutés avec une telle attention. Selon nos sources, au moins une institution a été contactée pour fournir du matériel logistique (chapiteaux, tentes…) Pour l’heure, il ne reste que quelques formalités à l’issue desquelles les autorités sanitaires auront les coudées franches pour lancer la campagne. Au Minsanté, compte tenu de l’urgence du dossier, des experts travaillent sur le comment conserver les vaccins «parce qu’ils doivent être conservés à environ -70 °C, une contrainte inhabituelle exigeant du matériel de stockage spécialisé», apprend-on.
3- Spoutnik V homologué : VRAI
Selon un communiqué de la Russian Direct Investment Fund (RDIF), repris par BBC Afrique le 19 mars 2021, le gouvernement a homologué l’introduction de Sputnik V au Cameroun. «Nous saluons la décision du ministère de la Santé du Cameroun qui aidera la population du pays à accéder à l’une des meilleures solutions contre le Coronavirus au monde», a réagi Kirill Dmitriev, le PDG de la Russian Direct Investment Fund, toujours repris par le média britannique. Côté procédures d’acheminement au Cameroun du Sputnik V, le communiqué russe est muet, a signalé BBC Afrique. Au moment où nous mettions sous presse, aucune réaction ni commentaire officiel émanant des autorités camerounaises n’avait été enregistré.
En février 2021, l’Union africaine avait déclaré que la Russie a offert près de 300 millions de doses de son vaccin Spoutnik V, à l’Organisation dans le cadre d’une campagne africaine de vaccination contre le coronavirus. Elle avait également déclaré dans un communiqué que le vaccin Spoutnik V serait disponible pendant une période de 12 mois à compter de mai 2021.
Farouchement combattu à ses débuts par de nombreux pays et même par l’Organisation mondiale de la santé, OMS, Sputnik V a été finalement reconnu par la célèbre revue scientifique «The Lancet», comme plus efficace que les autres vaccins anti covid-19 (Astra Zeneca et Janssen ; Johnson & Johnson…) avec un taux de protection de 91,6%, une distribution facile et un certain nombre d’autres avantages, y compris son efficacité très probable en termes de protection contre les formes sévères.
4- AstraZeneca suspendu : VRAI
Les autorités camerounaises parlent d’une suspension «par pré-caution». Cela est consécutif aux possibles effets secondaires attribués au vaccin britannique (problèmes de plaquettes pouvant conduire à des hémorragies ou, à l’inverse, formation de caillots chez des personnes vaccinées) promis au Cameroun grâce, notamment, à l’initiative COVAX (un plan mondial lancé en 2020 afin de garantir l’accès aux vaccins pour les pays très pauvres). À propos de l’AstraZeneca, Malachie Manaouda indiquait dans un tweet le 12 mars dernier qu’il a «saisi le Conseil Scientifique et le NITAG (National Immunization Technical Advisory Group de l’OMS, NDLR). Contacté par Intégration le 19 mars 2021, Emmanuel Dize Dutchou, délégué médical AstraZeneca Cameroun estime qu’«on est loin d’avoir prouvé la responsabilité du vaccin, au point que certains jugent même sévèrement les suspensions… quand d’autres répondent que la prudence doit être de mise».
5- Le variant sud-africain circule au Cameroun : VRAI
D’après le ministère de la Recherche scientifique et de l’innovation (Minresi) relayant les conclusions du Centre de recherche sur les maladies émergentes et réémergentes (Cremer), le VOC.2 du SARS Co-V-2 (variant sud-africain du Covid-19) se trouve bel et bien au Cameroun depuis au moins le 15 janvier 2021. Joint au téléphone par Intégration le 19 mars 2021, Dr Eitel Mpoudi Ngolle, le directeur du Cremer, est formel: «25 échantillons en provenance du Cameroun et collectés entre mars et décembre 2020, séquencés et déposés dans la plateforme Gisaid, ne contenaient aucun des VOC connus à ce jour. Mais, ces anciens et nouveaux résultats montrent une évolution dans la circulation des variants et la présence du variant sud-africain à partir de janvier 2021 au Cameroun».
6-Mgr Kleda continue de soigner des malades : VRAI
Le prélat versé dans la pharmacopée, et qui se targue d’une trentaine d’années d’expérience et de recherche dans le domaine, continue d’appliquer sur des patients. Au cours d’un point de presse qu’il a animé le 23 février 2021 à Yaoundé, l’archevêque métropolitain de Douala a réitéré l’efficacité de ses médicaments (Elixir Covid et Adsak Covid). «Tenant compte des symptômes des gens qu’on présente comme des personnes infectées du Coronavirus, j’applique des recettes composées de plantes. Je leur applique ce traitement. Ils réagissent favorablement, c’est-à-dire qu’ils se trouvent mieux. Ils retrouvent la santé. Voilà ce qu’on fait», a détaillé le dignitaire religieux. «Dans la plupart des formations sanitaires le produit est disponible. Si vous prenez le produit dans le cadre de nos formations sanitaires, on vous le donne gratuitement», a-t-il soutenu, tout en mettant en garde ceux qui utilisent son médicament sur les réseaux sociaux.
7- Existence d’une association d’anciens malades de Covid-9 : VRAI
Le groupe s’appelle «Association des Victimes de la Covid-19». Elle est dirigée par Merlin Youdom. Sous la houlette de cet ancien malade de coronavirus, une journée de sensibilisation baptisée «Action Covid-19 out» a été organisée le 17 mars 2021 à Yaoundé. «Il est question de mener une action de proximité dans cette zone ciblée, en vue de contribuer à la prévention, à la réduction de la propagation et de l’impact indirect du Covid-19. Nous voulons également inciter ces populations cibles à adopter des comportements et attitudes favorables à la santé. Les étudiants font également partie des personnes les plus exposées à cette maladie. Pour cela, nous allons effectuer une descente dans les cités universitaires pour sensibiliser», a déclaré Merlin Youdom.
8- L’alcool+écorces, bon contre le coronavirus ? FAUX
Sur la toile, évocation est faite d’«une nouvelle étude confirmant que le vin protège du Covid-19». Sur le coup, la promotion des breuvages «anti-Covid-19» s’est étalée. L’on parle d’un mélange d’une écorce jaune (disponible dans les forêts du Sud-Cameroun) avec du «ha’a» (boisson traditionnelle à forte dose d’alcool préparée à base de vin de palme). Les défenseurs de la décoction vantent qu’elle est «efficace» contre le coronavirus. «Faux!», rétorque Dr Omer Langan Mvelem. «Dire que le vin protège de la Covid-19, c’est un mensonge. C’est typiquement le lobbying du lobby alcoolier», poursuit l’épidémiologiste.
Selon nos informations, au début de la pandémie au Cameroun, des agents d’influence aussi discrets que diligents ont discrètement plaidé pour la réouverture des débits de boissons. En bandoulière, apprend-on, des entreprises brassicoles locales ont vendu des études revêtues d’une apparence de scientificité, mais allant dans le sens de leurs intérêts commerciaux.