COPPE 2018 : Colères sur tous les tons au Minfi
Quelques jours après son démarrage, l’affiche des crispations autour du précontentieux relatif au comptage physique du personnel de l’Etat (COPPE 2018) est saisissante.
Abdoulaye A. est englué dans la langueur d’un état de détresse. Assis dans un coin de la cour du bâtiment A du ministère des Finances (Minfi), ses mots renseignent qu’un sentiment d’injustice le dévore. «Je viens de Meiganga. Pas moyen d’avoir le quitus pour rentrer en possession de mon bon de caisse. Ils font exprès de me compliquer la vie», marmonne ce fonctionnaire des eaux et forêts. De son propre aveu, il tournoie ici depuis trois jours. Lâchées par son voisin, quelques petites phrases incandescentes sont rapportées goulûment par une dame. Enseignante, elle dit venir de Campo, dans le sud du pays. «Je ne suis plus qu’à un an de ma retraite ; d’où vient-il que je sois considérée aujourd’hui comme fonctionnaire fictive après 36 ans de travail?», s’interroge-t-elle. Débitée de vive voix, la question infuse de la cour à la guérite où s’abritent quelques «recalés» du COPPE 2018. Dans une atmosphère explosive, c’est l’obtention d’un «statut de fonctionnaire réel» et donc de l’argent par n’importe quel moyen qui motive bon nombre de ceux qui sont lovés ici.
D’une minute à l’autre, des fake news vitaminées par des «réseaux» parachèvent la construction de la colère. À chaque instant, l’ambiance exacerbe toutes les visibilités, curiosités et autres attentes. Paperasse à la main, certains butinent les moindres faits et gestes de Robert Simo Kegne, aperçu ici ce 1er novembre 2018. Jusque dans leur dimension la plus anecdotique, les mouvements et mots du coordonnateur du COPPE 2018 provoquent l’entrecroisement des commentaires et des médisances. «Il faut nous produire des justificatifs. Ou ça ou rien!», lâche-t-il poliment à un agent qui dit être en fonction à la sous-préfecture de Minta.
Confrontés à l’intransigeance, moulinés par le soupçon d’avoir été dénoncés par un tiers, quelques-uns tombent dans un puissant désarroi, car incapables de produire la moindre pièce. Ils ont le sentiment que la République ne les place plus au cœur d’un projet de développement soutenable dont ils estiment pourtant être des acteurs majeurs. Sans l’exprimer explicitement, ils ressentent confusément que l’on envisage, au nom de l’assainissement du fichier solde de l’État, de suspendre définitivement leurs salaires. «Pour toute gratitude, nous sommes remerciés par une opération provocatrice. Exiger un quitus pour toucher, c’est une démarche punitive et démonstrative construite sans les gens et contre eux!», fulmine un cadre contractuel d’administration en service à Mbalmayo. Entre vérification et contrôle, il veut savoir où met-on le curseur du précontentieux.
Sur le coup, Louis Paul Motaze devient la « cible ». Contre le Minfi, initiateur du COPPE 2018, la calomnie, la délation et le lynchage ruissellent de partout, beaucoup plus sur la toile. Robert Simo Kegne parle de «victimisation artificielle». À l’en croire, les contradicteurs de cette opération officielle préfèrent s’exprimer le plus souvent en off, sans suivre les indications clairement précisées à tous. «Peut-être savent-ils pourquoi ils n’osent pas nous approcher ; d’ici le 4 janvier 2019 on en saura davantage», ironise-t-il.
Jean-René Meva’a Amougou