Conformité du Cameroun à l’ITIE : Le cap en «absurdie»
Après avoir essuyé le refus de prorogation du délai de son évaluation, le pays est, depuis le 13 février 2020, tenu défavorablement par le Conseil d’administration de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives.
Contrairement à ce qu’ont annoncé certains médias, la date d’évaluation du Cameroun n’a jamais été reportée. La demande de prorogation qu’a adressée le Cameroun à l’organe international a simplement été rejetée. Dans une note rendue publique par l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), il est clairement inscrit: «Lors de sa 46e réunion, le Conseil d’administration international de l’ITIE a conclu que le Cameroun n’était pas éligible à une prorogation du délai pour commencer sa deuxième validation».
Évaluation
Par ailleurs, la note du conseil indique que l’évaluation du Cameroun, initialement prévue le 29 décembre 2020, devait débuter le 13 février 2020. Chose faite à date, la deuxième validation du Cameroun est en cours. Elle va durer près de mois. Et pendant cette période, il sera question pour l’organe de promotion de la transparence dans la gestion des ressources minières de scruter le niveau de la mise en œuvre des exigences de la norme ITIE, version 2016. Pour ce faire, précise le communiqué, «l’évaluation tiendra compte des progrès et des informations accessibles au public jusqu’au 13 février 2020».
Déficit
Comment se fait-il que 18 mois après la date prévue, le Cameroun ne soit pas prêt?
À cette question, les membres de la société civile esquissent des réponses. Primo, on a le déficit de gouvernance du Groupe multipartite. La société civile a fourni beaucoup d’efforts, notamment: en s’organisant toute seule (et sans l’appui du Comité) pour la mise en place d’une plateforme de recevabilité et de représentation; en mettant un code de conduite à la disposition du Comité; en demandant un nouveau décret le réorganisant. Malgré tous ces efforts, le Comité souffre d’une mauvaise gouvernance interne. Celle-ci est due à l’ineffectivité et l’inefficacité du Secrétariat permanent.
Ces causes ont elles-mêmes pour origine: l’absence de document de gouvernance interne du Comité (organigramme, règlement intérieur, et manuel de procédures administratives, comptables et financières); la situation non régularisée de l’ensemble du personnel actuel du Secrétariat permanent, qui travaille sans contrat; le statut du personnel non clarifié; etc. Tout ceci annihile toute volonté de progrès, tout comme les faiblesses contenues dans le décret susvisé et qui le mettent en totale violation de la norme (cf. l’analyse critique du décret, produit par la société civile). En outre, non seulement les sociétés ont présenté un protocole qui n’intègre pas le secteur minier et celui des carrières, mais en plus, ce protocole est incomplet, car se limitant à la désignation.
Rappels
En juillet 2017, le Cameroun a subi sa 1re validation sur la mise en œuvre des exigences de la norme ITIE, version 2016. Un an après (le 28 juin 2018), le conseil d’administration de l’ITIE a reconnu au Cameroun des «progrès significatifs». Aussi, des mesures correctives ont été formulées à l’endroit du Cameroun pour satisfaire, en 18 mois maximum, à 14 exigences qui n’ont pas fait l’objet de progrès satisfaisants. Dans cette lancée, le Cameroun avait alors jusqu’au 29 décembre 2019 pour corriger les manquements relevés par le conseil d’administration.
Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire)
Sur des braises…
Selon Publiez ce que vous payez, associée à la coalition des Organisations de la société civile impliquées dans le suivi de la gouvernance du secteur extractif au Cameroun, le Cameroun risque une suspension de l’ITIE.
Le Cameroun n’est pas prêt à subir la seconde validation de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). C’est précisément ce qu’estiment l’initiative Publiez ce que vous payez (PCQVP) et la coalition des Organisations de la société civile (OSC) impliquées dans le suivi de la gouvernance du secteur extractif au Cameroun (OSCC-ITIE).
La suspension
Dans un document conjoint intitulé «Analyse et positionnement de la société civile relatif à la préparation de la validation 2019», ils prédisent l’échec du Cameroun à cette évaluation. Bien plus encore, ils penchent vers une possible suspension du Cameroun. D’ailleurs, sur le document produit le 19 décembre 2020 à Yaoundé, il est clairement dit: «Pour n’avoir pas mis en œuvre les mesures correctives recommandées par la validation de 2017, le Cameroun court droit vers une suspension à l’ITIE».
Le Cameroun n’est pas prêt
Si les OSC entrevoient la suspension de leur pays par l’ITIE, c’est pour une raison principale: le Cameroun n’est pas prêt. Par conséquent, plusieurs conditions n’ont toujours pas été remplies. «D’une part, il y a la non-adoption par le Comité ITIE Cameroun, avant le 29 décembre 2019, des documents importants de la prochaine validation. Il s’agit, sans être exhaustif, du plan de travail de l’exercice 2019, des documents de gouvernance interne du Comité, du Rapport ITIE portant sur l’exercice 2017, etc. D’autre part, l’expérience de la précédente validation, qui veut que tout élément produit après l’échéance (ci-devant le 29 décembre 2019), nonobstant toute dérogation obtenue des instances internationales, ne sera pas prise en compte lors de la validation», explique le document.
Bien qu’il ait accompli des progrès significatifs, le Cameroun n’a pas fait de nettes améliorations. Ce qui conclut à une forte probabilité d’une suspension du Cameroun de l’ITIE, conformément aux règles qui encadrent le processus de validation ITIE.
Le Cameroun est l’un producteurs de pétrole brut en Afrique centrale et possède de riches gisements de gaz naturel, de cobalt, de bauxite, de fer, d’or et de diamants. Les revenus des industries extractives représentaient 5,43 % du PIB et 33,23 % des exportations totales en 2015. Et avec une meilleure réglementation sur les plans juridique et économique, il pourrait rapporter un peu plus.
JJOO
Encadré
La pré-évaluation du niveau de mise en œuvre des mesures correctives adressées au Cameroun sur les 14 exigences qui n’ont pas fait l’objet de progrès satisfaisants montre que 18 mois après la décision du conseil d’administration (voir tableau 1), le Cameroun a accompli des progrès satisfaisants sur deux des quatorze exigences; il a maintenu un niveau de progrès significatif sur six des quatorze exigences; il a accompli des progrès inadéquats sur trois des quatorze exigences. Cependant le pays n’a accompli aucun progrès sur trois des quatorze exigences.