Baisse du prix du pain : entre pénurie de pièces de monnaie et troc
À peine édictée, la note de Luc Magloire Mbarga au sujet de la réduction du coût du pain se heurte à la difficile équation des pièces de monnaies. Entre troc et non-respect de cette mesure, chacun y va comme il le sent.
Échanges houleux ce 2 novembre 2023 au quartier Ekoumdoum à Yaoundé. Dans une boutique gérée par le nommé Fabrice. Trois avis s’opposent: d’un côté, deux clients Jean et Arnold et de l’autre, le commerçant. Au menu, la baisse du prix du pain. À la question de savoir «combien coûte le pain», le boutiquier répond «150 FCFA». Mauvaise réponse, estime Jean. «Tu n’es pas au courant de la baisse du prix du pain au Cameroun?», réplique d’un air indigné celui qui se prévaut d’être au parfum de la bonne information. Sauf que son élan est stoppé par un autre client présent sur les lieux. «C’est impossible»! S’écrit Arnold, avant d’ajouter: «comment fera-t-il pour vous rembourser avec la pénurie des pièces de monnaies actuelle, encore que les pièces jaunes ne sont quasiment pas accessibles». Pour celui qui défend tacitement le boutiquier, l’équation du pain vendu à 135 FCFA relève d’une chimère. Le remboursement des 15 FCFA étant impossible.
Non loin de là, se tient un autre débat. À la différence du premier, il n’y a ni accusé, ni accusateur. Juste des interrogations. «Si je me rends à la boutique pour acheter la moitié du pain, comment cela va-t-il se passer?» s’interroge Donald. À ses côtés, Brice ne peut feindre de n’avoir pas entendu. «C’est simple. Vu que le pain coûte 135 FCFA, cela suppose que le vendeur doit te rembourser la moitié… donc 67,5 FCFA», indique-t-il à son camarade. Celui-ci de rétorquer: «cela ne se peut pas au Cameroun». Question posée à un tenancier d’épicerie: «combien coûte la moitié du pain?» Réponse «je ne sais pas quoi répondre. Je sais une chose, c’est que je n’ai pas de pièces pour rembourser, s’il faut appliquer la note du Mincommerce au mot», précise celui qui se fait appeler Moustapha. À la question de savoir à combien s’élève une baguette, son sourire narquois dit tout.
Solutions
La décision de Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre camerounais du Commerce, ne suscite pas que des polémiques, mais également des esquisses de solutions. Pour Jean, le boutiquier doit ouvrir un cahier pour y inscrire les reliquats de ses clients à l’effet de leur remettre leur dû une fois que le compte atteint un montant acceptable. «Je ne suis pas d’accord et je ne veux pas m’embourber dans les tracasseries. J’en ai déjà suffisamment au quotidien», conclut Fabrice, le seul boutiquier de son quartier.
Dans cette affaire, certains commerçants pensent tenir le bon fil. «À mon niveau, je propose le cube ou autre chose à mes clients, pour rester en bon termes avec eux», indique Moussa (nom d’emprunt), tenancier d’une boutique au quartier «Gros Bouquet» à Yaoundé. À ce jeu, plusieurs autres commerçants ne souhaitent pas s’y prêter. «Nous voulons bien respecter cette disposition, mais le ministre du Commerce a oublié de régler la crise des pièces. Puisque le pain vendu à 135 FCFA va nous mettre en conflit avec notre clientèle», déplore le propriétaire d’une boutique à Yaoundé.
Éviter les embrouilles avec la clientèle consiste simplement à laisser le prix du pain tel qu’on le connaît depuis quelques années, à défaut de procéder à un rabais raisonnable. «Le mieux serait de baisser le prix du pain à 125 FCFA, si on s’inquiète vraiment de la situation financière du consommateur», conclut Marie Ange, cliente.
Depuis le 2 novembre 2023, le prix de la baguette de 200g coûte officiellement 135 FCFA. D’après le ministre du Commerce Luc Magloire Mbarga Atangana, il s’agit d’une mesure provisoire qui ne devrait durer que deux mois. L’objectif ultime étant de pouvoir ramener le prix du pain à 125 FCFA.
Joseph Julien Ondoua Owona