Par le Dr Aboubakar El Boukar, PhD en droit public, Chef de la Cellule de la Planification, de la Programmation et de la Logistique de l’OBSIC-AC.

Dr Aboubakar El Boukar
L’intégration par l’enseignement supérieur et la formation professionnelle en zone Cemac est encadrée tant sur le plan formel que sur le plan institutionnel. Le dispositif normatif comprend le Règlement n°09/03-UEAC-019-UEAC-CM-10 portant programme communautaire d’échanges interuniversitaires dans la zone Cemac et le Règlement n°08/03-UEAC-019-CM-10 portant création de la Conférences des Recteurs des Universités et Responsables des Organismes de Recherches d’Afrique Centrale adoptés le 27 août 2003 par le Conseil des ministres de de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC). Il comprend également la Directive n°01/06-UEAC-019-CM-14 portant application du système Licence-Master-Doctorat (LMD) dans les Universités et établissements d’enseignement dans l’espace Cemac et la Directive n°02/06-UEAC-019-CM-14 portant organisation des études universitaires dans l’espace Cemac dans le cadre du Système LMD.
Sur le plan pratique, l’intégration par l’enseignement supérieur et la formation professionnelle en zone Cemac est une réalité.
La nouvelle institution d’envergure sous-régionale qui a ouvert ses portes en 2019, est l’Université Inter-États Cameroun-Congo. Créée le 21 décembre 2012 par une convention signée par le ministre des relations extérieures de la République du Cameroun et le ministre des Affaires étrangères et de la coopération de la République du Congo. Les campus de cette université se situent respectivement à Sangmélima (Cameroun) et à Ouesso (Congo). Les futurs dirigeants de la nouvelle Communauté économique régionale (CER) d’Afrique centrale en gestation devraient s’inspirer de l’Université Inter-États Cameroun-Congo en vue de multiplier cette initiative à l’échelle des 11 pays membres de l’actuelle Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).
S’agissant de la formation professionnelle, il existe des écoles telles que l’Institut sous-régional de la Statistique et d’Économie appliquée (ISSEA) et l’École de l’Hôtellerie et du Tourisme de la Cemac (EHT- Cemac) qui sont érigées en institutions spécialisées de la Cemac. Au sein des États membres, les universités et les écoles de formation professionnelle, en plus des nationaux, forment des étudiants venus d’ailleurs dont les ressortissants des pays de la Cemac. Tel est le cas des universités camerounaises qui reçoivent le plus grand contingent des étudiants ressortissants de la Cemac. De même, certains enseignants-chercheurs des universités camerounaises par exemple, dispensent des cours et encadrent des mémoires de master et des thèses de doctorat dans les universités des autres pays membres de la Cemac. Ils siègent également dans les jurys des soutenances. Il s’agit là de la matérialisation de la mobilité académique des enseignants-chercheurs.
Cet important facteur intégrateur qui est l’enseignement supérieur a par exemple favorisé la création de l’Observatoire sous-régionale d’Intégration communautaire en Afrique centrale (OBSIC-AC). Organisation de la société civile qui promeut l’intégration de la sous-région Afrique centrale, l’OBSIC-AC est pensé et matérialisé par deux jeunes étudiants de l’Université II-Soa, dont un Gabonais et un Camerounais. À ce jour, l’OBSIC-AC compte dans ses rangs essentiellement des enseignants-chercheurs, des chercheurs et des étudiants ressortissants des six pays de la Cemac. Telle est une illustration parfaite de l’intégration par l’enseignement supérieur.
Pesanteurs
Mais, il se trouve que le processus d’intégration en zone Cemac par l’enseignement supérieur et la formation professionnelle connaît certaines limites. En plus de la non-harmonisation de la reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur au sein des États membres et l’absence des données statistiques, l’application des textes communautaires régissant le domaine de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle est partielle. De même, ces textes ne sont pas connus de la grande majorité des ressortissants des pays membres. Sans oublier l’attitude de certains États de la Cemac qui considèrent les ressortissants issus d’un même espace communautaire comme une menace sociale. Cette attitude est de nature à obstruer l’application des dispositions pertinentes du Traité de la Cemac, de la Convention instituant l’UEAC et l’ensemble du droit dérivé, secrété par les instances compétentes de la Communauté. Notamment ceux portant sur la libre circulation des personnes, des biens et services et des capitaux.
Pour juguler ce phénomène, il conviendrait d’intensifier les opérations d’information et de sensibilisation en visant directement les populations à la base. Les étudiants en fin de formation qui rentrent dans leurs pays respectifs devraient s’ériger en ambassadeur de l’intégration communautaire en Afrique centrale. Les organisations de la société civile (OSC) comme l’OBSIC-AC, sont instituées pour appuyer les efforts des États et des institutions communautaires en matière d’intégration. Ainsi, les États et les instances communautaires gagneraient davantage à travailler avec les OSC. Avec la rationalisation en vue des CER d’Afrique centrale, est venu le temps de passer de l’intégration textuelle à l’intégration réelle de l’Afrique Centrale.
Financement des formations et de la recherche
Encore une tache sur la copie des recteurs de la Cemac
La Conférence des recteurs d’universités et des responsables d’organismes de recherche d’Afrique centrale (CRUROR-AC) aura à cœur, avec l’aide de la Commission de la Cemac, d’adresser cette problématique au cours de la 9ème session ordinaire prévue à Ndjamena.
Le financement des études supérieures, de la recherche et de la formation professionnelle en zone Cemac constitue encore l’un des ventres mous du processus d’intégration enclenché dans ce domaine. C’est l’une des observations faites au cours de la huitième session ordinaire de la Conférence des recteurs d’universités et des responsables d’organismes de recherche d’Afrique centrale (CRUROR-AC). Les travaux se sont tenus en mode hybride du 21 au 22 septembre dernier à Malabo en Guinée Équatoriale. Ils ont notamment permis de mettre en exergue la modicité, voire l’inexistence, des ressources dont disposent encore les établissements d’enseignement supérieur et de recherche de l’espace Cemac. Au point d’obliger «la Conférence des recteurs à recommander l’élaboration d’un projet de règlement portant précisément sur le financement desdits établissements».
L’examen du projet de texte sera probablement à l’ordre du jour de la neuvième session ordinaire prévue à Ndjamena, au Tchad. Même si aucune indication n’est donnée à ce sujet, son élaboration semble bien relever de la compétence de la Commission de la Cemac. Le Pr Daniel Ona Ondo, président de l’institution communautaire, était représenté à cette dernière session par Fatima Haram Acyl. Elle est la vice-présidente de la Commission de la Cemac.
Modèle économique
La recherche des financements au profit des étudiants et enseignants-chercheurs de l’espace Cemac de l’enseignement supérieur devrait reposer sur un modèle économique bien élaboré. La Commission de la Cemac est à cet effet «encouragée par la Conférence des recteurs à mener des réflexions visant à favoriser aux universités et centres de recherches scientifiques dans l’espace communautaire, la possibilité d’avoir accès aux mécanismes de financements par le truchement des partenaires financiers au développement». Le communiqué final sanctionnant la fin des travaux de Guinée Équatoriale présente d’ailleurs une short-list des institutions bancaires continentales et sous-régionales ciblées.
On y retrouve sans surprise la Banque africaine de développement (Bad) et la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (Bdeac). La Commission de la Cemac dispose cependant des pleins pouvoirs pour étendre à volonté cette liste. Dès lors que son action vise à accroître la surface financière des universités et centres de formation professionnelle de la sous-région. Un renforcement de la coopération technique avec d’autres organismes régionaux et internationaux est également à l’ordre du jour. Il pourrait aussi avoir un impact positif sur la santé financière des établissements de l’enseignement supérieur de la Communauté.
Théodore Ayissi Ayissi