Cameroun-Congo : Le match a laissé des traces

Phases de jeu et commentaires… 50 ans après.

L’équipe congolaise victorieuse de la CAN 72

Ceux qui avaient entendu bavarder Jean-Pierre Tokoto au matin du 2 mars 1972 disent comprendre pourquoi l’attaquant des Lions indomptables avait fondu en larmes. Mille fois certainement, ce sang-mélangé revoyait ses calculs face aux Diables Rouges déterminés à imprimer un lift au ballon, sur la pelouse encore fraiche du stade Ahmadou Ahidjo.

Chroniqueur sportif à la retraite, Abel Mbengue se souvient d’«un Jean-Pierre Tokoto bien sur le plan mental et physique; ayant un plan de jeu clair, une bonne tactique». «C’était l’effervescence totale dans le pays», raconte l’ancien journaliste de Radio-Cameroun. Face à l’équipe congolaise, les raisons d’y croire étaient nombreuses; le Canon de Yaoundé qui était l’antichambre de l’équipe nationale venait de survoler la coupe d’Afrique des clubs en renversant l’Ashanti en finale. Il y avait de la gueule dans l’air: il se disait que le général Doumbè Léa marche sur l’eau, Jean-Pierre Tokoto le chef d’orchestre est au sommet de son art, Joseph Maya enchaîne les buts avec l’olympique de Marseille en France, pour tous les observateurs, Peter Schnittger avait l’équipe de rêve pour soulever le trophée de Yaoundé 1972.

Désillusion
Sous un soleil tempéré, les Lions indomptables connaissaient leur mission avant de rentrer sur la pelouse. Gagner pour passer en finale. «Mais dès le début du match, on pouvait observer une toute nouvelle équipe du Cameroun. Rapide, bien organisée, inspirée, cette équipe du Cameroun-là ne mettait pas longtemps à faire plier les Congolais entraînés par Adolphe Bibanzoulou au niveau de leur charnière centrale. Des frappes osées de Jean-Pierre Tokoto, des dribbles savoureux de Joseph Maya et de Jean-Marie Tsebo ; du beau travail qui surtout enlevait un poids énorme à l’ensemble de l’équipe.

La suite de la prestation était d’ailleurs tout aussi convaincante. Beaucoup de mouvements, de la vitesse, une récupération au point avec un Vieira des grands jours ; du beau travail qui surtout enlevait un poids énorme à l’ensemble de l’équipe. La suite de la prestation était d’ailleurs tout aussi convaincante. Beaucoup de mouvements, de la vitesse, une récupération au point avec un Jean-Paul Akono des grands jours», se rappelle Matthieu Ngombe. Jeune lycéen à l’époque, ce cadre de banque à la retraite précise que «la belle séquence n’a duré qu’une trentaine de minutes». Mais la donne allait littéralement changer en une minute. Les Congolais accéléraient nettement. Leur premier centre faisait passer un frisson dans le dos de Nlend. La suite allait être pire: 1-0 en faveur des Diables Rouges. But de Noel Minga Pepe à la 30e minute.

Quelle désillusion !
Après un parcours sans faute en phase de groupes, parcours lors duquel les adversaires tombaient un à un comme des mouches, tous impuissants face aux champions olympiques en pleine confiance, l’équipe du Cameroun a fini par tomber, elle aussi. Les poulains de Peter Schnittger, très vite menés au score, n’ont jamais réussi à inverser la tendance, trainant comme un poids sur leurs épaules une seconde mi-temps complètement ratée. Absolument méconnaissables, les Camerounais ont éprouvé toutes les peines du monde à tenter de briser la muraille congolaise, en vain. Nerveux, ils ont commis beaucoup d’erreurs inhabituelles, à l’image de leurs passes, tantôt dévissés, ou bien directement envoyées à l’adversaire. L’équipe du Cameroun aura tout de même eu un regain d’énergie, tel un second souffle, s’offrant même deux occasions. Bien trop tardif, cela n’aura hélas pas suffi.

Galerie
«Beaucoup de peine», «Déception énorme», «Immense échec», la Gazette du Cameroun et l’Effort camerounais (journaux locaux) ne se montrent pas avare de superlatifs. Dans les quartiers, au bureau, partout, on refait le match, cherchant l’erreur. «Je ne garde pas de souvenir particulier de ce match. Sans doute trop jeune. Ou pas assez passionné pour comprendre ce qui s’était passé. Je dois pourtant dire que je me souviendrai longtemps de cette défaite. Du lendemain exactement. Je revois l’image de mon prof d’histoire-géographie qui ne s’en remettait pas. Le prof, ancien bon joueur à ce qu’il disait, avait réussi à nous captiver pendant une heure de tableau noir. Une heure de tactique footballistique avec placement des attaquants, repli défensif et lapidation à la craie de l’équipe congolaise», se souvient Matthieu Ngombe.

«À l’époque, j’avais 12 ans. J’avais pour habitude avec mon père d’enregistrer les reportages d’Abel Mbengue. Le matin, avant d’aller à l’école je me précipitais sur la cassette et je la rembobinais pour pouvoir réécouter le match. Mais ce matin-là, j’étais tellement impatient de réécouter le score. 1-0… Même à l’envers le scénario était trop violent. J’ai pleuré en allant voir mon père qui a tout de suite compris», raconte Guillaume Onambele, notable à la chefferie de Ndangueng (Mefou-et-Afamba).

Jean-René Meva’a Amougou

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