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Post Covid-19 : le plan de relance de la BAD : La BAD est liquide, le secteur privé est absent !

Sur fonds propres comme avec des ressources fraîches, l’Afrique centrale peut compter sur la Banque africaine de développement pour la reprise économique. Elle invite par contre le secteur privé de la sous-région à être plus ambitieux et à jouer sa partition.

La course aux financements compétitifs pour la relance postCovid-19 est un marathon mondial. Les plus crédibles et les plus rapides à soumettre des projets d’endettement convaincants auront accès à des financements les plus avantageux (taux d’endettement faibles, voire nuls).
Pas d’inquiétudes, pour la Banque africaine de développement. Elle a des scénarii calés et des volants de financements prévus. Mais attention, il faudra se montrer «bancable».

PostCovid-19
La relance postCovid-19 sera l’occasion de rebâtir en mieux en Afrique centrale. Plus de transformation structurelle, ce qui suppose des investissements longs. Notamment dans des domaines tels que l’industrie, la formation technique et professionnelle, l’infrastructure. Ces financements sont généralement difficilement mobilisables chez les bailleurs traditionnels et concessionnels des pays africains (Banque mondiale, FMI, France, etc.).
Pour la Banque africaine de développement, les investissements transformateurs de l’Afrique centrale trouveront des financements. «Nous avons nos propres ressources. Dans notre sous-région, nous pensons pouvoir investir annuellement au moins entre 900 millions à 1 milliard dollars. Ce sont des ressources qui sont déjà discutées avec les États y compris le secteur privé», indique Serge Marie Nguessan, directeur général de la Banque africaine de développement pour l’Afrique centrale.

Mais, il y a également les retombées du Sommet de Paris pour le financement des économies africaines. Il a conclu que 100 milliards dollars américains de droits de tirage spéciaux additionnels devraient être mis à la disposition de l’Afrique par le truchement du Fonds monétaire international (Fmi). Cette ressource est la bienvenue en qualité de financements frais. Une partie devrait aller dans les caisses de la BAD. L’institution dirigée par Akinwumi assure pouvoir fructifier cet argent pour disponibiliser des moyens conséquents aux États et au secteur privé. Permettant ainsi la prise en charge de besoins bien définis et surtout aux impacts probants. «Ces ressources-là, si elles sont dédiées à la Banque africaine de développement, elles pourront, grâce à la notation triple A de la banque, être amplifiées. Ceci en termes d’intermédiation financière», explique Serge Marie Nguessan.

Opérateurs économiques à la barre
Dans ce thriller économique qui s’annonce épique, la banque veut faire jouer au secteur privé le rôle de poumon de la création de richesses. En clair, la BAD veut que le secteur se positionne et joue son rôle. Ce d’autant plus que c’est en pleine opérationnalité de la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Des ressources sont mises à la disposition du secteur privé, mais celles-ci sont sous-consommées. «Dans l’enveloppe dédiée au secteur privé, on est à moins de 8% de consommation», indique le directeur général de la Banque africaine de développement pour l’Afrique centrale.

Le premier responsable de la banque dans la sous-région sait très bien que le défis ce sont les conditionnalités d’emprunts que les entreprises de la sous-région n’arrivent pas à satisfaire. Mais, il se montre séducteur : «on dit, la Banque africaine de développement est une banque des États, oui elle est créée par les États. Mais les États, dans leur composition, intègrent le secteur privé, c’est pourquoi à la Banque, nous avons un guichet dédié au secteur privé. L’action de ce guichet, nous allons l’utiliser fortement pour préparer notre secteur privé et surtout les petites et moyennes entreprises de notre région de telle sorte que ces entreprises soient compétitives».

Serge Marie Nguessan
La banque est capable de multiplier par 5 voire par 10 les financements du secteur privé dans la sous-région
Le Directeur général de la Banque africaine de développement (BAD) en Afrique centrale rassure sur les multiples leviers d’action dont dispose l’institution panafricaine pour financer la relance post Covid-19 dans la sous-région. Troisième et dernière livraison de l’entretien exclusif accordé au Journal Intégration et à la CRTV.

Monsieur le Directeur général, la relance post-Covid-19 est un enjeu pour la remise à flot des économies du monde après les ravages de la pandémie. Un de vos partenaires privilégiés, la Commission économique pour l’Afrique dit que la relance post-Covid-19 sera un marathon. Au sortir du Sommet de Paris sur le financement des économies africaines, la BAD a pris une position sur la centralité des banques de développement africaines. L’Afrique centrale, au niveau communautaire et au sein des pays, a besoin des financements sur le long terme afin de réaliser les investissements productifs suffisamment transformateurs pour modifier la structure économique. Quel apport la BAD entend-elle effectuer pour disponibiliser des financements frais?

Je voudrais, au nom du président Dr Akinwumi Adesina, rassurer les chefs d’État de l’Afrique centrale de l’engagement de la Banque africaine de développement à trouver des solutions nouvelles en termes de mobilisation des ressources fraîches pour le financement des économies après la Covid-19. Les résultats du Sommet de Paris sur le financement des économies africaines, que nous avons salués, ont abouti à des recommandations qui placent la Banque africaine de développement au centre de la mobilisation des ressources.

Pour nous à la Banque, c’est vrai c’est une confiance de la Communauté internationale surtout de la communauté africaine en notre institution, mais nous disons que la mobilisation des ressources pour le financement du développement est le mandat premier de la Banque africaine de développement. Les pères fondateurs qui ont créé cette institution l’ont créée pour cela. Et donc la banque ne ménagera aucun effort pour trouver les mécanismes innovants pour mobiliser les ressources pour financer ce développement. Nous avons salué l’initiative des droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international.

C’est une opportunité, si elle bien utilisée par nos pays africains, qui va faciliter le financement de la relance économique. À la Banque africaine de développement, nous pensons que cette initiative qui devrait permettre à l’Afrique de recevoir à peu près 100 milliards dollars américains additionnels sur les droits de tirage, qu’une partie de ces ressources soit, comme l’a recommandé le Sommet de Paris, dédiée à la Banque. Ces ressources-là, si elles sont dédiées à la Banque africaine de développement, elles pourront, grâce à la notation triple A de la banque, être amplifiées. Ceci en termes d’intermédiation financière. Pour un million dollars que nous recevons, pour des financements du secteur privé, la banque est capable de multiplier par 5. Pour le secteur, cela peut être multiplié par 10. Demander à la Banque de multiplier ces ressources, et nous espérons recevoir au moins le 1/3 ou plus de ces 100 milliards, c’est permettre de les valoriser et de les mettre à la disposition de nos États.

Les échanges que le président de la BAD a eus avec les différents chefs d’État, il est ressorti des priorités bien claires pour l’utilisation de ces ressources. La première ce serait de soulager la dette; régler ce problème d’endettement du continent. Mon président dit : vous ne pouvez pas demander aux Africains de monter une montagne de la relance post-Covid-19 et vous invitez l’Afrique à avoir un sceau ou un sac de pierre sur le dos. Il faut déjà avec les ressources de ces DTS payer la dette des créanciers privés, bien sûr si ces derniers adhèrent au cadre commun du G20. Mais c’est important. Depuis 2000, la dette des pays africains envers les créanciers privés a pris de l’ampleur. On est passé de 17% à 40%. Ce sont des dettes non concessionnelles à des taux importants. Avec ces ressources, il faut rembourser ces dettes.

La banque a lancé l’initiative de la mise en place d’un mécanisme de stabilité financière africaine. C’est une initiative très importante. L’Afrique est peut-être le seul continent qui n’a pas ce type de mécanisme qui viendra permettre à l’Afrique de prévenir le genre de crise que nous traversons, mais surtout d’avoir les moyens de pouvoir gérer ces crises et stabiliser ces économies en temps de crise. Les échanges ont déjà commencé avec le soutien des banques centrales, le soutien des communautés économiques régionales, le soutien des ministres des finances et même des chefs d’État. La banque compte utiliser une partie des DTS pour lancer cette initiative.

Le plus important au-delà de tout, c’est que la banque soit en mesure de rétrocéder aux banques nationales et régionales de développement les ressources reçues après amplification. Ce sont ces banques qui sont sur le terrain, elles connaissent la réalité et les besoins réels de nos populations. Les financer à travers la BAD sera un amplificateur des actions de développement pour relancer l’économie en cette période postcovid-19. La banque a eu des orientations très claires des États sur l’utilisation de ces ressources qui seraient des ressources nouvelles, additionnelles. On parle de 100 milliards dollars et donc l’utilisation doit être efficiente avec un dispositif de gouvernance qui rassure les financiers. Nous pensons que l’expérience de la BAD devrait mise à profit pour fructifier ces ressources pour une meilleure relance des économies après cette crise de Covid-19.

Mais nous avons nos propres ressources. Dans notre sous-région et selon notre stratégie de développement de la sous-région, nous pensons pouvoir investir annuellement au moins entre 900 millions à 1 milliard dollars. Ce sont des ressources qui sont déjà discutées avec les États y compris le secteur privé. Les ressources fraîches viendront, mais il faut les consommer bien et vites.

L’Afrique c’est aussi la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). En Afrique centrale, tous les États ont ratifié et déposé l’instrument de ratification. Ils sont des États partie. Seulement, les acteurs majeurs, les opérateurs économiques de l’Afrique centrale semblent quelque peu craintifs. Par le passé, ils ont qualifié la BAD de banque des États. Un accompagnement est-il prévu pour les challengers de la région dans le marché unique africain?

D’emblée, je voudrais dire que la Zlecaf est une initiative révolutionnaire du continent. Elle va permettre de créer un marché unifié d’à peu près 1 milliard de consommateurs. Ce sera peut-être dans le monde un des marchés les plus importants. La Banque africaine de développement a soutenu le processus de mise en place de ce marché unique.
Je voudrais rassurer le secteur privé, particulièrement le secteur privé de l’Afrique centrale. Pour lui dire que cette opportunité-là, c’est une opportunité pour le secteur privé.

Nous allons parler de l’intégration régionale en rappelant que l’Afrique centrale est la sous-région la moins intégrée en comparaison aux autres sous-régions du continent. Le volume d’échanges commerciaux entre les pays est révélateur. En réalité, lorsqu’on analyse les quelques 2% de niveau d’échanges commerciaux intra régionaux, cela veut dire que c’est le secteur privé qui ne profite pas de l’intégration régionale. Avec cette zone de libre-échange continentale, le secteur privé devrait se préparer pour profiter de cette opportunité.

On dit que la Banque africaine de développement est une banque des États, oui elle est créée par les États. Mais les États, dans leur composition, intègrent le secteur privé, c’est pourquoi à la Banque, nous avons un guichet dédié au secteur privé. L’action de ce guichet, nous allons l’utiliser fortement pour préparer notre secteur privé et surtout les petites et moyennes entreprises de notre région de telle sorte que ces entreprises soient compétitives sur ce marché et en tirent profit.

Je l’ai dit, il n’y a pas d’intégration régionale réussie sans participation forte du secteur privé. Dans le monde, cela ne s’est jamais vu. Donc, que nos privés se rassurent et surtout se préparent à pouvoir jouer leur partition. Les partenaires comme nous seront à leur côté.
Nous allons mettre en place des moyens de dialogue avec les États pour accélérer la facilitation ou la promotion d’un environnement d’affaires sain pour le secteur privé.

Une bonne nouvelle pour le secteur privé ce guichet. Mais, il semble mal connu ou insuffisamment connu?
Si, il est connu. Un exemple, dans une précédente question, j’ai donné le taux de consommation de notre portefeuille régional dédié aux projets intégrateurs. Mais dans l’enveloppe dédiée au secteur privé, on est à moins de 8%. Le défi que mes équipes et moi devront relever c’est d’augmenter non seulement la consommation des ressources allouées au guichet du secteur, mais en plus, augmenter la taille de l’enveloppe dédiée au secteur privé dans le portefeuille régional. Je peux vous assurer que nous avons les instruments, nous avons les moyens, les capacités pour pouvoir faire cela.

À la Banque africaine de développement, nous avons également lancé cette initiative du Forum Africain de l’Investissement, en anglais Africa Investment Forum. Elle a lieu chaque année à Johannesburg depuis 3 ans. L’Afrique centrale pendant ces 3 ans n’a présenté qu’un ou deux projets. Or, à cet évènement important, une innovation africaine, les investisseurs présents viennent avec la volonté de financer des projets du secteur privé. Nous avons du pain sur la planche. Mais je suis confiant, je suis un optimiste. Je fais ce travail de développement depuis plusieurs années. Je sais qu’en travaillant étroitement avec notre secteur privé de la sous-région, non seulement nous allons avoir des projets bancables, mais des projets structurants, transformateurs pour les différents pays. Mais ces projets-là, nous voulons les avoir au niveau régional et surtout des projets qui profitent de la Zlecaf.

Dans le même ordre d’idée, la presse qui joue ce rôle d’information, de transparence, d’éducation sera-t-elle plus proche de la BAD Afrique centrale?

La presse sera le premier partenaire de la Banque africaine de développement. Je peux vous le confirmer. Dans l’histoire de la banque, la presse a toujours été au cœur de nos actions. Vous ne pouvez pas promouvoir le développement sans communiquer. Vous ne pouvez pas faire de développement sans sensibiliser. Vous avez évoqué la garantie de la transparence, moi je vais au-delà. Simplement, le travail de développement c’est un travail de la presse. Nous comptons énormément nous appuyer sur la presse (locale, régionale, internationale) pour faire comprendre à la communauté nationale et régionale que des opportunités existent; que des possibilités d’amélioration de leur vie existent grâce à des institutions telles que la Banque africaine de développement. Vous serez sollicité! C’est vous qui serez peut-être en difficulté. La banque viendra avec son appui car nous voulons faire de la communication de développement.

La banque a un département dédié à la communication. Ce département a entre autres mandat de former les journalistes africains. Donc, nous allons nous appuyer sur ce département spécialisé pour avoir des actions dédiées aux médias de telle sorte que notre partenariat avec vous profite effectivement à nos différents pays de la région.

Monsieur le Directeur général, le personnel de la BAD Afrique centrale n’est toujours pas installé. Pourtant les défis sont énormes. Que manque-t-il?

Bonne nouvelle ! Je suis le premier directeur général de la Banque africaine de développement pour l’Afrique centrale basé à Yaoundé. Je voudrais encore une fois profiter de l’occasion pour remercier le chef de l’État Paul Biya, ainsi que tout le gouvernement qui l’accompagne, pour avoir accéléré ce processus de désignation du Cameroun comme étant le hub de la région Afrique centrale.

Nous sommes donc au Cameroun. Le directeur que je suis, est le premier responsable et je suis le premier à arriver. Nous avons un bâtiment que nous sommes en train d’aménager et qui sera prêt pour la fin Août. Tous les collègues qui travaillent pour cette région seront basés à Yaoundé. Ils commenceront à arriver en fin août. Nous attendons une trentaine de collègues. Nous avons déjà le personnel de bureau de la BAD au Cameroun qui a déjà une trentaine de collègues. Nous serons dans cette région et surtout dans ce bâtiment hub de la BAD à peu près une soixantaine de personnes.

C’est une bonne nouvelle. Nous avions besoin d’être proches, très proches de nos partenaires, de nos clients. Donc la décision prise par le président Adesina, soutenue par le chef de l’État Paul Biya, a été importante. J’en profite pour dire merci au ministre de l’Économie du Cameroun, qui est mon gouverneur et qui appuie substantiellement la BAD.

Vous avez souligné le problème du secteur privé qui est notre tendon d’Achille. Un personnel de qualité arrive. Cette expertise va s’exprimer pour trouver des solutions abouties aux défis qui nous interpellent.

Merci Monsieur le Directeur général de la Banque africaine de développement pour votre disponibilité à nous accueillir. Bonne mission au Cameroun!
Merci infiniment à vous le Journal Intégration et la CRTV. Nous nous verrons très bientôt.

Interview réalisée par le Journal Intégration et la CRTV
Fin de la série

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