Retrait de MSF du Nord-Ouest : Dans les recoins du discours et du silence

Autopsie de la posture de Médecins Sans Frontières (MSF) et de l’attitude aphone du gouvernement.

Sans doute, il n’y avait pas d’autre solution. Visiblement las d’être enfermée dans un statut de spectateurs, exaspérée par un gouvernement qui la rabaisse alors qu’elle préférerait endosser la posture de combattante pour la cause humanitaire sur le terrain à Bamenda et environs, MSF vient de plier bagage. Dans un exercice de style tout en finesse, l’ONG a officialisé sa décision de quitter la région du Nord-Ouest. «Nous n’avons donc d’autre choix que de retirer nos équipes», soupire Emmanuel Lampaert. Dans le communiqué qu’il signe ce 3 août 2021, le coordinateur des opérations de MSF pour l’Afrique centrale indique que l’organisation humanitaire internationale conservera «un petit bureau de liaison à Bamenda, la capitale régionale, afin de poursuivre le dialogue avec les autorités». Dans une interview accordée au site d’informations Africanews le 4 août 2021, Frédéric Janssens, conseiller en communication chez MSF, rapporte une hausse importante des signalements concernant des pratiques pseudo-médicales mises sur le dos des MSF. «Nous pensons clairement que ce sont des allégations qui ont circulé dans le pays. C’est probablement ce point-là qui bloque la situation aujourd’hui», analyse-t-il.

Démarche
En toile de fond, l’idée que, depuis bientôt huit mois, une galaxie s’est structurée, offrant un contre-discours aux raisons réelles du déploiement de MSF sur le terrain. Face à cela, l’ONG explicite sa démarche: «que les patients blessés soient des civils, des membres des forces de sécurité ou des combattants séparatistes, tous sont avant tout des êtres humains et MSF leur prodigue des soins médicaux s’ils en ont besoin, conformément au droit international humanitaire». Toujours ce 4 août 2021, approchée par RFI (Radio France Internationale), Laura Martinelli décrit l’échec des pourparlers entre la partie camerounaise et l’ONG humanitaire. «Depuis notre suspension, nous avons longuement échangé avec les autorités pour que notre suspension soit levée, dans la région du Nord-Ouest. Mais malheureusement, tous ces échanges n’ont pas encore abouti à une révision de la décision et nous ne pouvons pas rester plus longtemps dans une zone où il nous est interdit de travailler», déplore la coordinatrice des programmes de MSF dans la région du Nord-Ouest.

Le point
Dans ce combat où s’enchaînent et s’entremêlent dits et non-dits, des internationalistes tranchent. Selon Daniel Nkomba, par exemple, «le contexte particulier de la situation humanitaire dans la région du Nord-Ouest a renforcé deux des ingrédients nécessaires à la prolifération des avis biaisés sur la suspension de MSF». «À l’aune des objectifs fixés, les résultats obtenus sont mitigés du point de vue du gouvernement qui demeure souverain dans ses appréciations», ajoute-t-il. Sur ce point, nos sources au ministère de l’Administration territoriale (Minat), évoquent «le principe inadapté d’impartialité de la part de MSF dans le cadre de sa collaboration avec l’hôpital Saint Mary Soledad (toujours dans le Nord-Ouest, NDLR), constaté et décrié par le gouverneur de la région». Sur le coup, Eloge Mougang (un autre internationaliste) est cru : «quand on sait que, sous d’autres cieux, l’argument humanitaire a parfois permis de masquer bien d’autres mobiles, beaucoup moins nobles, le gouvernement est bien dans son rôle. C’est au gouvernement que revient le rôle de définition des termes de référence pour l’accueil, l’installation et la conduite des activités des personnes aussi bien physiques que morales sur le territoire camerounais».

Jean-René Meva’a Amougou

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