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Sextape : Le casting des orgies

Les vidéos à caractère érotique circulent en boucle sur la toile. Au générique des célébrités et des anonymes.

«Le journalisme mène à tout». L’affaire Martin Camus Mimb vient de donner toute sa pertinence à cette expression. La vidéo érotique tournée dans le bureau du patron de RSI révèle l’une des réalités d’un phénomène qui met en scènes stars et anonymes au Cameroun. «Les premiers, tout comme les seconds, sacrifient trop à Vénus et ont commencé, consciemment ou non, à le faire savoir dans la grande agora qu’est Internet», tel que le fait constater Hans Assoumou. Dans ses réflexions, le sociologue considère que si le cas Martin Camus Mimb défraie aujourd’hui la chronique, il ne faut pas oublier que d’autres célébrités ont été ou sont encore impliqués dans des scandales similaires.

Yolande Bodiong, la DG de SUN Plus TV a vu ses nudes «accidentellement» tourner en boucle dans un groupe WhatsApp la semaine dernière. Pour se défendre, la concerné a expliqué que son téléphone avait été volé et que c’est ainsi que ces images intimes se sont retrouvées sur la place publique. Comme celle de Yolande Bodiong, la sextape de Clinton Njie s’était accrochée à une erreur de manipulation du téléphone du footballeur camerounais. Clinton Njie et sa partenaire s’étaient mis en scène en juillet 2019.

Le 15 novembre 2017 apparaissait Vincent Sosthène Fouda, homme politique dans une posture pour le moins étrange, voire troublante. L’affaire fait grand bruit dans les réseaux et les médias traditionnels à telle enseigne que la chaîne de télévision privée Vision 4 en a fait largement écho.
Et puis, il y a l’affaire déclinée en «Foot, sexe, argent». Dans un livre en décembre 2016 aux Editions du Moment, Nathalie Koah, l’ex de Samuel Éto’o, raconte le chantage à la webcam, les photomontages dégradants. On l’aura compris : l’ancienne hôtesse de l’air dit comment, sans son consentement, des images très osées d’elle ont été publiées à la suite de sa séparation d’avec l’ancien capitaine des Lions indomptables mû (selon la jeune écrivaine) par une volonté de l’humilier.

Inconnus
Dans ce tableau, le scandale le plus récent vient de Nkongsamba (région du Littoral) où, le 24 juin dernier, un homme a publié les images de son épouse en compagnie de son amant. On n’oublie pas les scènes tournées en mars 2021 par des élèves du Lycée bilingue de Kribi (région du Sud) où un montage vidéo présentait très explicitement 14 apprenants dans un registre très cousin de la pornographie.

En septembre 2020, un enseignant du Cetic de Kombo Laka (à Meiganga dans la région de l’Adamaoua) est accusé d’avoir publié une vidéo tournée le 8 mars 2020. Le document le montrait dans ses ébats sexuels avec une jeune dame.

Ongoung Zong Bella

 

Des vidéos, des réquisitoires et des plaidoiries

Face à leurs contenus moralement équivoques, les uns veulent faire comprendre que les sextapes sont dans l’air du temps, alors que pour d’autres, au contraire, elles sont dégradantes.

«Le sexe, c’est être grand, se le prouver à soi-même, et le montrer aux autres. On est dans un véritable cercle vicieux : il y a des gens qui aiment et d’autres pas». De par son phrasé, Hans Assoumou brosse le schéma du discours social au Cameroun. Selon le sociologue, «ce discours se construit sur différents plans, à commencer par le discours émanant des institutions, dont notamment des médias, des services de santé et de justice ; ensuite aussi celui des acteurs, distributeurs et consommateurs de sextape eux-mêmes».

Pour les premiers, affirme l’universitaire, tout tourne autour des motifs les plus hauts, les plus nobles et l’ardent souci des grands intérêts publics. «Le juriste voudra réprimer ; le journaliste voudra commenter ; le médecin voudra montrer les effets sur la santé mentale à côté de la famille qui criera au scandale», esquisse Cyr Deutchoua, chercheur en sciences de l’éducation.

Pour le cas de la presse notamment, notre source affirme : «le traitement journalistique de la publication d’une sextape entre dans l’air du temps, même si le sexe reste fondamentalement tabou dans nos sociétés. De nombreux journalistes s’en saisissent». Pour les seconds, affirme Hans Assoumou, une sextape anime la galerie des faits divers et fait prévaloir une société qui tend à renvoyer la gestion du problème à la responsabilité individuelle. «Surtout quand un homme ou une femme publique y est impliquée directement ou indirectement.

À travers le monde, des hommes ordinaires de la classe moyenne laborieuse jusqu’à la classe miséreuse sont attirés par le scandale produit par la nudité des hommes de pouvoirs ou des stars», explique-t-il. Cependant, il y a une importante nuance: «dans un groupe comme dans l’autre, tout se passe aujourd’hui comme si les valeurs morales de chacun faisaient office de connaissances suffisantes pour débattre et décider du sort des acteurs de sextape et leurs réseaux».

 

À chaque jour suffit son buzz. Il y a quelques jours, le cyberespace camerounais a été submergé par un soubresaut de l’actualité plus ou moins anecdotique. Des images osées tournées dans ce qui fait office de bureau de Martin Fleur Mimb Hiol, alias Martin Camus Mimb, journaliste sportif et écrivain camerounais, promoteur de RSI (Radio Sport Info) émettant à Douala (région du Littoral). Fait divers monté en épingle, vies privées piétinées…

Les faits qui remontent à l’après-midi du 16 juin 2021 suscitent d’intenses commentaires dont l’écho envahit le Cameroun tout entier. Consommé avec fracas par les principaux concernés, le scandale engendre des démissions à divers niveaux. Dans divers cénacles, ce n’est même plus l’affaire de la sextape de Martin Camus Mimb. C’est l’affaire Malicka Bayemi.

Pour alimenter le tumulte, Paul Chouta (un autre homme de médias) ajoute un épisode supplémentaire dans le feuilleton qui agite l’opinion publique. Aux yeux d’une bonne partie de celle-ci, tout cela forme une salade, un gâchis et une macédoine d’obscénités. Entre-temps, pour que le plat soit plus relevé, vérités et contre-vérités ajoutent le ragoût de leurs sauces et de leurs plus corrosives épices.

Les uns s’excitent. D’autres se déchaînent. Exaspérés ou non, d’autres encore chatouillent les présumés auteurs, les victimes et les distributeurs tous aussi présumés de sextape sur la toile. Faut-il rouler des yeux et passer à autre chose? Certainement oui! Une telle réponse commande que l’on s’arrête sur un phénomène qui prend de l’ampleur au Cameroun. Telle est la grande ligne du présent dossier.

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