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Coronavirus : Le Cameroun dans la «guerre de chacun contre chacun»

L’apparition de la maladie sur le territoire national vient désagréger le lien social en remodelant les comportements des citoyens.

Le Covid 19 (l’autre nom donné au coronavirus) est présent au Cameroun. C’est officiel depuis le 6 mars 2020. Le lendemain à Yaoundé, le gouvernement l’a réaffirmé lors d’une conférence de presse conjointe. Sur la foi des déclarations de Manaouda Malachi, le bilan au moment où nous allions sous presse fait état d’«un citoyen français âgé de 58 ans arrivé à Yaoundé le 24 février 2020 et sa compagne présentant tous des signes probants de la maladie ont été mis en isolement à l’hôpital central de Yaoundé, l’un des centres de confinement de la ville de Yaoundé, pour une prise en charge». Devant les journalistes, le ministre de la Santé publique (Minsanté) s’est voulu rassurant : «Notre système de santé est prêt et notre vigilance est au plus haut niveau», a-t-il souligné, saluant «la mobilisation exceptionnelle des professionnels de santé».

Scènes de vie
Le Minsanté a aussi appelé à «la mobilisation de chacun» pour ralentir la propagation du virus, rappelant devant la presse les «gestes barrière» comme se laver fréquemment les mains et éviter les contacts. Au sein de l’opinion, c’est davantage cette dernière règle qui fait des proches, voisins ou famille, de potentiels ennemis. «On ne peut s’empêcher de craindre l’autre. J’avais pris la mauvaise habitude de dire bonjour un petit peu à tout le monde mais maintenant j’ai pris la mode japonaise, paraît-il, alors on se joint les mains et puis on s’incline», confie Nadia O., agent public basé à Yaoundé. Se faire «bâcher dans un taxi» ? «Pure folie!», répond-elle.

Toujours dans la capitale, quelques citoyens nantis fuient l’étouffante jungle des transports urbains. «Désormais, mon époux et moi empruntons un taxi en course pour éviter toute déconvenue», dévoile Henriette B. Citant ce qu’elle dit avoir lu sur internet, cette cadre dans une société de téléphonie mobile locale confesse ne plus partager les toilettes avec ses collègues. «Des chercheurs disent que le virus prospère plus dans les lieux d’aisance; alors il vaut mieux ne pas courir le risque», affirme notre interlocutrice.

Au quartier Nkolndongo, dans le 4e arrondissement de Yaoundé, un fait divers a défrayé la chronique au lieu-dit «Marché de gibiers» le 7 mars dernier. Selon des sources policières, Marguerite Akamaba à Rim, une quinquagénaire réputée pour ses livraisons hebdomadaires de pangolins dans cet espace, a été prise à partie par des inconnus. Son crime, apprend-on, «avoir proposé à vil prix trois pangolins sachant qu’ils sont infectés par le coronavirus». L’infortunée, originaire de Mbangassina (Mbam-et-Kim), n’a eu la vie sauve que grâce aux éléments de la police.

Dans les lieux de culte, des symptômes d’un péril dans «la culture du donnez-vous la paix» se donnent à voir ou à entendre. Ce 8 mars 2020, l’abbé Gabriel Mintsa Ndo, curé de la paroisse Christ-Roi de Tsinga, dit l’avoir remarqué au cours de l’une des messes du jour. «Les fidèles se sont serrés péniblement la main. L’un d’eux est d’ailleurs venu à la célébration eucharistique avec un masque autour du nez», relate-t-il. En ces attitudes qu’il qualifie de «contraires à l’esprit chrétien», le prélat fait part de ses inquiétudes au sujet du lien social, relativement à l’apparition du coronavirus au Cameroun. Empruntant la formule du philosophe Thomas Hobbes, l’abbé Gabriel Mintsa Ndo entrevoit «la guerre de chacun contre chacun, avec pour grand animateur le coronavirus».

Jean-René Meva’a Amougou

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