Grand dialogue : A fond dans la forme

À bien des égards, décrypte une opinion, c’est le peuple qui a mis Paul Biya devant ses responsabilités. 

Afin de désamorcer la crise sociopolitique dans la partie anglophone du Cameroun, Paul Biya a solennellement invité ses compatriotes à un «dialogue national inclusif». D’emblée, un commentaire: il faut veiller à bien rester sur ce qu’a dit le chef de l’Etat dans son adresse au peuple camerounais. «S’agissant du dialogue lui-même, la question s’est toujours posée de savoir, avec qui ?» dixit le président de la République. Sur le vif, une certaine classe intellectuelle estime que la valeur du point d’interrogation à la fin de ce segment du discours du 10 septembre 2019 constitue déjà, à elle seule, un enjeu décisif.
Et là, les commentateurs politiques avisent qu’il n’était pas très utile de s’interroger de la sorte. Car, disent-ils, Paul Biya a en face de lui son peuple. «En tant que communauté politique, ce dernier, dans sa diversité, veut enfin dialoguer avec son chef.

Dans les rangs, il n’y a pas que des conducteurs en colère, parfois extravagants dans leurs exigences et tournant en ridicule l’offre présidentielle. Il y a aussi ceux qui aspirent à une radicale transformation sociale et institutionnelle, culturelle aussi peut-être, de notre patrie commune. Il y a également ceux qui, attachés à une conception civilisée du débat public et détachées des appareils militants, ont de belles idées à faire valoir. Sans compter ceux qui ne se résignent pas à ce que leur pays coule ; et bien sûr ceux qui ne confondent pas la confrontation des opinions avec l’empilement de toutes les haines contradictoires. Il y a… Et il y a…», énumère le Pr Belinga Zambo.

En tout cas, on parle ici de peuple simplement. Et si ce dernier a un génie, c’est bien celui de faire plier ses dirigeants, «en disant non de façon citoyenne, quand rien ne va plus, tel que le démontrent d’utiles leçons d’histoire politique et sociale», nuance le politologue. Ainsi, pour une opinion locale, Paul Biya avance à pas forcés vers le débat. «A l’arrière-fond de son discours du 10 septembre 2019 se dessine la main de tout un peuple», décrypte Jean-Marc Bikoko. Le syndicaliste ajoute : «Pris au piège d’avoir lui-même élevé le peuple camerounais au rang de souverain, Paul Biya ne pouvait plus rester dans son boudoir».

Face à une situation devenue incontrôlable selon les photographies de terrain, la question qui se posait le peuple, c’est la question de l’attitude de Paul Biya par rapport à tout cela. «Lorsque ces contradictions (politiques, économiques, sociales, culturelles) ne sont pas traitées, elles se muent en un problème qui est un signal que le corps politique ne va pas bien, un signal qu’il y a quelque chose de nouveau à prendre en compte, un signal qu’il y a une situation qui appelle à l’attention et à la vigilance collective», résume l’universitaire Richard Makon sur sa page facebook.

Bobo Ousmanou

D’un grand spectacle vers un petit résultat ?

Des yeux disent avoir vu une autre «pirouette» de Paul Biya, qui a depuis fait de la ruse l’un des chapitres essentiels de sa grammaire stratégique.

 

Le voici, le chef de l’Etat, pris en flagrant délit, selon certains de mensonge politique. Leur ligne d’argumentation se fonde sur le casting fait unilatéralement par l’illustre concerné. «En donnant procuration à son Premier ministre de piloter le grand débat national, Paul Biya se muni encore d’une longue cuillère pour dîner sur la même table que son peuple», ironise Sylvain Mbani. Sous le scalpel de ce militant du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), le président de la République avance masqué avec un vieux principe : «ce qui est à moi est à moi, ce qui est à vous est négociable».

A l’aune de ce qui précède, le journaliste Jean-Bruno Tagne rabaisse le degré de sincérité de l’offre de dialogue officiellement forgée par Paul Biya le 10 septembre dernier. Selon l’homme de médias, il ne sortira pas grand-chose de ces assises. Le chef de l’Etat étant, avise-t-il, habitué à passer au dessous des tables. «Que ceux qui se préparent à aller avec enthousiasme au «grand dialogue» annoncé par le président de la République hier dans son discours à la nation n’oublient jamais que Paul Biya est dans la ruse permanente», écrit l’ancien employé de Canal 2 international sur sa page facebook.

A l’interprétation, la session de dialogue qui débute fin septembre 2019 reste donc parfaitement inutile, un faux débat, étant donné que la décision sera définitivement prise par le pouvoir en place, c’est-à-dire finalement le programme déjà engagé par Paul Biya soucieux de garder le cap malgré tout. Comme pour conforter sa position sur le sujet, Jean-Bruno Tagne exhume quelques clichés. «Le 22 octobre 1991, les partis politiques reçoivent l’invitation à la tripartite et l’ordre du jour de celle-ci. Le gouvernement décide unilatéralement des personnalités invitées aux travaux et de l’ordre du jour (…) Pour faire bref, il est possible d’affirmer qu’aucune décision de la tripartite, de la plus grande à la plus petite, n’a été respectée à la fois dans sa lettre et son esprit», écrit-il.

Une autre grille d’analyse pointe un Paul Biya «stratège rusé, toujours obstiné à faire passer les lois qui lui tiennent le plus à coeur », comme le souligne Yacouba Nji, un militant de l’Union démocratique du Cameroun (UDC).

Jean-René Meva’a Amougou

Discours

Trois ans de dialogue et matraque

De décembre 2016 au 10 septembre 2019, le verbatim présidentiel a été du modèle d’une main de fer dans un gang de velours. Extraits.

 

«J’ai instruit le Gouvernement d’engager un dialogue franc avec les différentes parties concernées, pour trouver des réponses appropriées aux questions posées. Je les invite à participer, sans préjugés, aux différentes discussions».
(Discours à la Nation du 31 décembre 2016)

«Le dialogue, je le précise bien, a toujours été et restera toujours pour moi, la voie privilégiée de résolution des problèmes, pour autant qu’il s’inscrive strictement dans le cadre de la légalité républicaine (…)J’ai à cet égard, instruit que tous ceux qui ont pris les armes, qui exercent des violences ou qui incitent à la violence, soient combattus sans relâche et répondent de leurs crimes devant la justice.

Les opérations de sécurisation engagées à cet égard ont donné d’excellents résultats. Elles vont se poursuivre sans faiblesse, mais sans excès ».

(Discours à la Nation du 31 décembre 2017)

«J’ai instruit qu’un dialogue constructif soit engagé entre le Gouvernement et les organisations syndicales concernées, afin de trouver des solutions consensuelles aux problèmes évoqués. Ces négociations, qui se sont déroulées dans le cadre de comités ad hoc créés à cet effet, ont permis de circonscrire lesdits problèmes et d’identifier les voies et moyens d’y remédier».
(Discours à la jeunesse 10 février 2017)

(…) «C’est le contexte qui prévaut dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui retiendra l’essentiel de mon attention.
J’ai eu récemment l’occasion de m’exprimer sur les problèmes qui les concernent. J’ai dit et je le confirme que j’éprouve la plus grande sollicitude envers les populations de ces deux régions. Je suis très sensible à leurs inquiétudes concernant leur sécurité et à leurs aspirations touchant le retour au calme et à une vie sociale normale.
Si l’appel à déposer les armes que j’ai lancé aux entrepreneurs de guerre reste sans réponse, les forces de défense et de sécurité recevront instruction de les neutraliser. Je suis bien conscient en effet de la désolation que ces insurgés infligent aux populations de ces régions. Cette situation ne peut plus durer ».

(Discours à la Nation du 31 décembre 2018)

Source : Site internet de la Présidence de la République

 

Dialogue national politique: Bamenda se prononce

Choses vues et entendues dans la capitale régionale du Nord-Ouest avant, pendant et après le discours à la nation du chef de l’État, le mardi 10 septembre 2019.

Les séparatistes anglophones avec au premier plan Sisuku Tabe

Amnistie générale en faveur des personnes interpellées dans le cadre de la crise dite anglophone, réforme constitutionnelle et débat sur la forme de l’État, cessez-le-feu, dialogue inclusif. Voilà autant d’attentes des populations de la région du Nord-Ouest au discours du chef de l’État Paul Biya. Au terme de l’adresse du chef de l’État à la nation, les populations des régions anglophones éprouvent un sentiment mitigé. À première vue, la satisfaction vient de l’annonce du dialogue. Paul Biya annonce «un grand dialogue national» d’ici la fin de ce mois de septembre.

Dans ses explications, le grand dialogue est similaire au «dialogue inclusif» tant souhaité, même si le locataire d’Etoudi ne veut pas prononcer le terme « inclusif ». «Paul Biya a pris à contre-pied les faucons du régime qui disaient que le dialogue est en cours», lâche un citoyen de la cité capitale du Nord-Ouest, sous le couvert l’anonymat. La déception vient du refus de l’amnistie en faveur des personnes interpellées et incarcérées dans le cadre de cette crise. Pour Ngam Nsom Albert, «la séparation n’est pas à l’ordre du jour; ceux qui auront le privilège de prendre part au dialogue doivent être prêts à faire des concessions. Insister sur tout et sur rien serait une voie royale d’un exercice de frustration».

Pour Divine Grace, «si le président de la République veut un dialogue franc et sincère, il doit déclarer le cessez-le-feu, accorder une amnistie générale aux prisonniers politiques et toute personne incarcérée dans le cadre de ce conflit, éviter d’instituer tout préalable au dialogue». Peter Tandap croit savoir que «le dialogue, pour être sincère, doit se tenir dans un endroit neutre, afin de donner l’opportunité aux participants de s’exprimer librement, sans aucune crainte de représailles. Le sujet doit se limiter à la crise anglophone, y compris la séparation, le fédéralisme, etc.».

John FruNdi appelle tous à participer au grand dialogue national annoncé. Son parti politique, le Social Democratic Front, suggère que ledit dialogue national soit présidé par une personnalité neutre, et la forme de l’État doit être inscrite à l’ordre du jour. Le parti du 26 mai 1990 dénonce la présence des forces de l’ordre à ce dialogue national, qui devrait être essentiellement politique.

Ambiance
Pour une région du Nord-Ouest animée par le mot d’ordre de «ville morte», Bamenda n’a pas dérogé à la règle. Comme s’ils s’étaient passé le mot, les habitants de Bamenda ont préféré regagner leurs domiciles respectifs pour écouter le speech du président de la République. La peur de l’inconnu était à l’ordre du jour. Pas l’ombre d’un oiseau à Up Station. Même ceux qui logent dans des hôtels dans ce quartier administratif ont abandonné les bars des hôtels, préférant le calme de leur chambre d’hébergement pour écouter attentivement le président Paul Biya, renseignent certains gérants d’hôtels joints au téléphone.
C’était le même calme de cimetière à Down-Town.

Pendant que le chef de l’État prononce son allocution, une vingtaine de camions militaires fait leur entrée dans le chef-lieu de la région, certainement pour dissuader les éventuels manifestants. Tarkang Ebot espère que «le dialogue national annoncé par le président de la République va calmer les ardeurs des uns et des autres». Pour sa part, Christopher Negoubogam, habitant du quartier Abangoh, est d’avis que le chef de l’État a «bien parlé; il n’a pas heurté les consciences. Il a été apaisant».

Même au quartier Chuoboh, qui a connu des soubresauts la semaine d’avant, tout est calme en ce soir d’après discours présidentiel, même si vers midi, on a entendu un coup de feu lors du passage d’un contingent des forces de l’ordre. Si Paul Biya tend la main aux séparatistes (en leur demandant de déposer les armes et rejoindre la CDDR), il n’en demeure pas moins qu’il met en garde ceux qui choisiront de rester dans la logique de la guérilla. Paul Biya rappelle également à la gouverne des Camerounais que la diaspora prônant l’insurrection a acquis une notre nationalité.

Une lecture transcendantale de ce point démontre que ces ex-Camerounais ne feront pas partie du dialogue national annoncé. Ce sont ces derniers qui financent la déstabilisation du pays. Chris Anu, secrétaire à la communication du gouvernement intérimaire de la république virtuelle de l’Ambazonie, sur la toile, affirme mordicus: «M. Biya ne sait pas que le problème du Southern Cameroon est celui de la colonisation et de l’annexion. Ainsi, son dialogue national, sans reconnaître le problème des anglophones, est irrecevable».

Pour lui, «ce dialogue national n’est qu’un camouflage pour éviter l’initiative internationale de la Suisse, qui a reçu l’aval de toutes les organisations internationales et pays importants. L’initiative suisse a dit qu’on doit retourner aux sources du problème… M. Biya garde nos leaders dans ses geôles comme objets de négociation de son plan de dialogue national». Et Mark Bareta d’ajouter: «nous ne sommes pas partis de si loin pour oublier les sacrifices de notre peuple. Nous voulons des négociations; appelez le dialogue si vous voulez; mais nous n’allons y aller que si ce sont deux entités avec des médiateurs neutres».

 

Ce que propose la jeunesse camerounaise

Tout faire pour rétablir la confiance entre le citoyen et sa Patrie par le jeu de la responsabilité et de la redevabilité des dirigeants à tous les niveaux.

 

En convoquant le grand dialogue national, le Président Paul Biya a tenu ces propos comme un objectif spécifique mesurable à atteindre à court et moyen terme. Il a dit ceci: «… S’il est nécessaire de tenir compte de l’équilibre régional dans des pays neufs, à la structuration sociologique diverse tel que le nôtre, il est indispensable de rappeler que les ministres et autres responsables ne sont pas nommés seulement pour servir leurs régions, leurs villages ou leurs familles, mais, l’ensemble de la communauté nationale. Ils doivent être au service de l’intérêt général et non des intérêts particuliers».

Ma contribution au dialogue national s’appuiera sur cette déclaration qui semble nous interpeller, citoyens de ce pays,
 à ne plus laisser les dirigeants nommés ne servir que les leurs ou leurs propres intérêts au détriment de l’intérêt général. Nous devons nous réarmer moralement pour devenir, chacun et chacune en ce qui le concerne, comme des objecteurs de conscience pour barrer la voie à toute imposture.

À ce titre, le dialogue national pour lequel je participe doit pouvoir :
1. mettre en place des conditions, des mécanismes et des institutions effectives et efficaces permettant à tout citoyen de demander des comptes aux dirigeants de ce pays sans être inquiétés. Pour être plus concret, le dialogue devrait aboutir à restaurer la confiance aux citoyens en interpellant la responsabilité des mis en cause dans l’échec du Cameroun à organiser et accueillir la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2019. Ce sera là un signal fort qui donnera au peuple de comprendre que ses cris et pleurs ont été entendus. Car le peuple camerounais profond a besoin d’être écouté. Les élites ne doivent plus se substituer au peuple.

Le Dialogue devrait aussi aboutir à :
2. l’adoption d’un plan de dialogue direct et structuré entre le Président de la République et certaines catégories d’acteurs représentatifs des pouvoirs et des populations, ainsi que des autorités exerçant des compétences techniques dans des secteurs susceptibles d’impulser un développement national sur la base des avantages comparatifs. Il s’agira des personnes et autorités qui, bien que maitrisant les réalités sociales et économiques, n’auront presque jamais l’occasion d’échanger en tête à tête avec le Président de la République qui détient seul aujourd’hui les clés de sortie du sentiment d’injustice généralisée qui gangrène la société camerounaise.

3. la viabilisation ou l’opérationnalisation du Conseil Économique et Social (CES) pour qu’il joue pleinement son rôle de facilitation de la collaboration au sein de la société, et permettre au moins que les politiques publiques élaborées, les lois adoptées ne soient pas exclusivement du ressort de l’exécutif. L’administration camerounaise ne devrait plus se comporter comme ce factotum qui se situe au début et à l’arrivée de tout. Nous devons pouvoir avoir une lisibilité sur les pouvoirs et les contre-pouvoirs, dans l’optique d’amener chaque entité à assumer ses responsabilités sous le contrôle et l’arbitrage des autres.

 

Dupleix Kuenzob Pedeme
Secrétaire Exécutif
Dynamique Mondiale des Jeunes (DMJ)

 

Dialogue national 

Les grandes manœuvres

Acclamation des uns, véhémentes critiques des autres. L’annonce du dialogue national par le président de la République Paul Biya, le 10 septembre 2019, draine plusieurs réactions de la communauté nationale et internationale.

Deux poids lourds du dialogue annoncé

Partis politiques
Plusieurs chapelles politiques ont fait entendre leurs voix à la suite du message de Paul Biya. Comme toujours le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) admire et soutien son champion. Le secrétaire général adjoint du parti au flambeau, Grégoire Owona l’a exprimé en des termes simples, mais particuliers. Dans le journal Mutations, édition 4936 du 11 septembre 2019 il dit : «Heureux d’avoir un chef d’État à l’écoute ! Quel don de Dieu pour le Cameroun, un et indivisible la porte du dialogue reste grande ouverte!». Très optimiste, il ajoute «Le dialogue est là. À nos marques prêts partons… avec toutes les propositions constructives». Pour Jean Baptiste Atemengue, son confrère de parti, le président Paul Biya a fait l’un des plus grands discours «d’homme d’État expérimenté qu’il est».

Le Social democratic front (SDF) qui salue l’initiative de Paul Biya vient de poser plusieurs conditions au régime. C’était lors des prémices des concertations relatives à la résolution de la crise. TV5monde qui relaie cette information indique que le principal parti de l’opposition «a demandé au pouvoir de déclarer un cessez-le-feu dans les deux régions anglophones et de garantir une amnistie générale pour tous les acteurs de la crise anglophone, alors que nombreux séparatistes sont en exil ou emprisonnés, certains condamnés à de longues peine».

Par ailleurs, Le SDF demande que le dialogue qui doit se tenir fin septembre, « soit présidé par une personnalité neutre », non par le Premier ministre comme annoncé par Biya mardi, que les discussions sur la « forme de l’État » soient un élément central du dialogue, « en vue de l’adoption d’une nouvelle Constitution »».

À cet égard, Youmo Koupit Adamou, ne cache pas sa satisfaction. Avec lui, l’Union démocratique du Cameroun (UDC) qu’il représente. «Nous sommes satisfait qu’enfin, le président ait donné l’impression d’avoir écouté le peuple, parce que dans son camp politique, il y a des personnes qui disaient qu’on ne peut pas dialoguer avec des gens qui ont pris des armes». Par ailleurs, le sénateur suppléant de cette chapelle politique recommande la tenue d’un dialogue «avec tout le monde».

La diaspora
Les Camerounais vivants à l’étranger, qui se réclament opposants du régime de Yaoundé posent leurs conditions pour participer audit dialogue. Dans ce sillage, s’inscrit la BAS, (Brigade anti-sardinards). Dans une vidéo anonyme réalisée à la suite du discours du 10 septembre dernier, ils critiquent le fait que Paul Biya ait «privilégié la démarche onéreuse de la guerre au détriment du développement humain», dans cette crise. Par ailleurs ils somment Paul Biya de libérer les prisonniers politiques. «Nous de la diaspora camerounaise, annonçons que dans les conditions actuelles, nous ne pouvons être associé dans un dialogue initié par Paul Biya, sans que les conditions préalables ne soient remplies, à savoir, la libération de tous les détenus politiques arrêtés dans le cadre de la crise anglophone sans exception, la libération de tous les prisonniers détenus dans le cadre des marches blanches du 6 janvier 2019, du 1er juin 2019 et du 8 juin 2019. La création d’un cadre de concertation préalable, constitué de toutes les parties prenantes dans lequel une feuille de route consensuelle devant guider les débats sera élaborée. La mise sur pied d’une commission constituée d’experts indépendants en charge du suivi des travaux», précise celui qui se réclame porte-parole de cette faction «du MRC (mouvement pour la renaissance du Cameroun) dont le président croupi en prison actuellement.

Organisations et chancelleries internationales
L’Organisation des nations unies (Onu) pour sa part, apprécie l’impulsion du président de la république à résoudre la crise anglophone par le dialogue. C’est ce que l’on retient de la déclaration faite par le porte-parole d’Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, sur le site web de cet organisme, peu après l’allocution de Paul Biya. «Le Secrétaire général se réjouit de l’annonce faite aujourd’hui par le Président Paul Biya sur le lancement d’un processus de dialogue national au Cameroun. Il encourage le Gouvernement camerounais à veiller à ce que le processus soit inclusif et réponde aux défis auxquels le pays est confronté. Il appelle toutes les parties prenantes camerounaises, y compris la diaspora, à participer à cet effort. Le Secrétaire général réitère la disponibilité des Nations Unies à apporter son soutien au processus de dialogue», lit-on sur le site https://www.un.org.

L’organisation internationale de la francophonie rejoint le point de vue onusien. Elle encourage l’initiative à laquelle elle dit être disposée à apporter son accompagnement. C’est ce que dit le communiqué du secrétariat général de cette institution international du 12 septembre 2019. «La Secrétaire générale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo, salue l’annonce par le Président de la République du Cameroun, Son Excellence Monsieur Paul Biya, de sa décision de convoquer un grand dialogue national, notamment sur la situation dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du pays, dès la fin de ce mois de septembre» lit-on dans cette déclaration officielle.

La même source indique que «Je souhaite que ce dialogue soit également un moment de consolidation de la cohésion nationale et du vivre-ensemble dans cet important État membre de la Francophonie». Ainsi, madame Louise Mushikiwabo encourage toutes les parties prenantes camerounaises, y compris la diaspora, à s’impliquer de manière constructive à toutes les étapes de ce dialogue. Par ailleurs, la Secrétaire générale de l’OIF réitère la disponibilité de la Francophonie à apporter son appui dans la préparation et le déroulement de ce dialogue, apprend-on de la déclaration.

La France, elle aussi apprécie l’incitation du président Biya aux négociations en vue de pallier cette crise. «La France souhaite que ce dialogue, dont l’annonce est positive, permette une large concertation entre Camerounais et ouvre la voie à une résolution politique de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Elle réitère sa condamnation du recours à toute forme de violence. La France souligne son attachement au dialogue et à la libre expression des différentes sensibilités politiques», a déclaré la porte-parole du gouvernement d’Emanuel Macron, chef de l’État français le 12 septembre dernier au cours d’un point de presse. Cependant, le grand ami du Cameroun ne s’est pas encore prononcé sur son apport dans le cadre de cette concertation nationale, remarque-t-on.

Médias
L’appel à participation au dialogue national n’a pas laissé les hommes de médias indifférents. Dans un tweet, le président national du Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC) écrit que «le pouvoir camerounais n’est pas demandeur de dialogue, il incarne les institutions et la souveraineté nationales bafouées par les groupuscules sécessionnistes. Ceux qui continuent dans l’insurrection et poursuivent les attaques armées sont les ennemis de la paix». Pour Sylvain Tah, président du collectif des journalistes d’investigation camerounais, qui s’est confié au quotidien national, Cameroon Tribune, «Trop de sang a coulé dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest». C’est la raison pour laquelle, il souhaite que son organisme collabore dans le grand débat national qui s’ouvre dans les prochains jours au Cameroun. «Le collectif des journalistes d’investigation pour sa part reste ouvert et nous souhaitons participer à ce dialogue, pour la construction de notre pay», déclare le journaliste Sylvain Tah.

Les séparatistes
Pour les séparatistes, cet appel au dialogue lancé par Paul Biya n’est qu’une poudre aux yeux. «Paul Biya can say what he wants, he’s not god. He better wake up 2 the real fact, this country was not one & indivisible, it was united by plebiscite, by the will of Southern Cameroons people. Freedom’s not gained by laying down for people to walk on you». C’est-à-dire en français : «Paul Biya peut dire ce qu’il veut, il n’est pas Dieu… il vaut mieux se réveiller car, en réalité, ce pays n’était pas un et indivisible, il était uni par un référendum, par la volonté du peuple du Sud-ouest Cameroun», lit-on sur dans le tweet de l’ambazonia redemption. Reste à savoir si toutes les parties accepteront de prendre part aux négociations pour le retour de la paix. Wait and see, en français facile attendons de voir.

Joseph Julien Ondoua Owona, stagiaire

Dialogue national

La touche digitale pour ne laisser personne pour compte

La convocation du «grand dialogue national» par le président de la République, Son Excellence Paul Biya, comme solution pour sortir de la crise dite anglophone qui paralyse le pays depuis 2016, est une initiative louable qui rencontre une adhésion populaire. Pour faire de ce dialogue une réussite totale, le défi est celui d’une participation massive des fils et filles de la nation. Là où l’approche des consultations et concertations traditionnelles montre des limites, le digital peut-il apporter des réponses?

Ce qui se passe
Les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun sont le théâtre d’un violent conflit armé depuis fin 2016. Des combat s’opposent régulièrement l’armée à des groupes épars de séparatistes. Cette crise est née des revendications corporatistes des avocats et des enseignants. Ces derniers réclamaient la traduction en langue anglaise des Actes uniformes OHADA et la préservation de la spécificité des systèmes judiciaire et éducatif anglo-saxons dans les deux régions. Les réponses aux revendications des avocats et enseignants ont été apportées. En dépit de cela, le conflit s’est enlisé. La crise s’est muée, fin 2017, en conflit armé.

Le bilan de ces affrontements est déplorable sur le plan social et humanitaire. «En vingt mois, le conflit a fait 1850 morts, 530 000 déplacés internes avec une dizaine de milices armées qui comptent entre 2000 et 4000 combattants» . Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), l’insécurité, qui se répand dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du pays, a forcé plus de 4 400 écoles à fermer. 21 291 Camerounais ont fui les violences et les combats entre sécessionnistes et l’armée, en direction du Nigeria, note le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Pire, «27 attaques terroristes ont été perpétrées contre le système éducatif dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, entre janvier et août 2019. Au courant de l’année académique, 19 enseignants et 58 étudiants ont été kidnappés dans les universités de Bamenda et de Buea», déclarait le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, au cours d’une conférence de presse tenue le lundi 26 août 2019 à Yaoundé. L’intransigeance des belligérants sur les conditions du retour à la paix à travers un dialogue inclusif risque de générer de nouvelles violences et de prolonger le conflit. Heureusement, le dialogue tant recherché et demandé est là. Mais, comment le rendre sans «exclusif»?

Ce que le président Paul Biya veut
Dans son annonce à la nation le 10 septembre 2019, le président de la République, Son Excellence Paul Biya, a présenté les enjeux, les concours et les acteurs du «grand dialogue national». «Un grand dialogue national qui nous permettra, dans le cadre de notre Constitution, d’examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, mais aussi de toutes les autres composantes de notre nation», a déclaré Paul Biya. Sur le plan de la mobilisation des acteurs, objet de notre contribution, le chef de l’État précise: «Il aura donc vocation à réunir, sans exclusive, les filles et les fils de notre cher et beau pays, le Cameroun, autour de valeurs qui nous sont chères :la paix, la sécurité, la concorde nationale et le progrès[…] Présidé par le Premier ministre, chef du Gouvernement, ce dialogue réunira une palette diverse de personnalités: parlementaires, hommes politiques, leaders d’opinion, intellectuels, opérateurs économiques, autorités traditionnelles, autorités religieuses, membres de la diaspora, etc. Seront également invités des représentants des Forces de Défense et de Sécurité, des groupes armés et des victimes». Les Camerounais de tout bord veulent s’exprimer. Mais quelle stratégie mettre sur pied pour donner la parole au plus grand nombre?

Ce que le digital peut apporter
Longtemps sollicité, le dialogue national est enfin arrivé. Il aura lieu à la fin de ce mois si l’on s’en tient aux prescriptions du chef de l’État. Ce dialogue était tellement attendu que tout le monde veut y participer. Malheureusement, reconnaît Son Excellence Paul Biya, «tout le monde ne pourra, et c’est compréhensible, prendre effectivement part à ce dialogue, mais chacun aura l’occasion d’y contribuer». Une situation qui risque de compromettre les contours, si vertueux, de ce grand dialogue. Heureusement, les outils et canaux de communication numérique offrent la possibilité de donner la parole à tout le moment. Si les autorités veulent réussir cette consultation nationale en matière de taux de participation, l’approche digitale est indispensable. Dans la stratégie étatique de mise en œuvre du présent dialogue, il serait judicieux de mettre sur pied des dispositifs de consultation en ligne. Cela permettra d’ouvrir le dialogue à toutes les couches sociales (jeunes, adolescents, adultes, étudiants, chercheurs d’emplois, politiques, syndicalistes…). Il est vrai que les consultations lancées par le Premier ministre prennent en compte toutes les composantes de la Nation. Mais, il ne s’agira que des «leaders» de ces différentes instances. Le «bas» peuple, qui constitue la majorité, et qui a son mot à dire, risque être involontairement exclut. Si la masse populaire ne participe pas aux débats, il y a risque d’accentuation des frustrations déjà perceptibles au sein de notre société. Par contre, en mettant sur pied une stratégie de consultation online, la parole sera donnée à tous sans «exclusive». La grande interrogation que certains se posent déjà est de savoir: comment le fera-t-on, quand on connaît toutes les dérives et dangers des médias sociaux? Qui va encadrer les discussions?

Pour y parvenir, l’on devrait sélectionner les outils et canaux de communication online à mettre sur pied. Par la suite, il s’agira d’élaborer une charte de participation. L’encadrement se fera par une équipe ad hoc, d’experts en social media management donc la mission sera de veiller au respect de la charte de participation et de faire le reporting des contributions. En ce qui concerne les outils à mettre sur pied, une plateforme web interactive à travers laquelle vont figurer tous les sujets du dialogue peut être implémentée. En complément, les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter peuvent venir en appui. Ainsi, en fonction de la thématique, les internautes pourront y contribuer. La modération des échanges est assurée par les social media managers. C’est un plaidoyer pour ne laisser personne pour compte dans le cadre du «grand dialogue national».

Benjamin OMBE-journaliste/expert en Communication digitale
Directeur exécutif du cabinet d’intelligence stratégique Knowledge Consulting
ombebenjamin@hotmail.fr

 

Bienvenu Bitom Tjomb

«La bonne personne à la bonne place dans cette équipe du Premier ministre»

Réaction d’un militant averti et engagé de la première heure du RDPC du Nyong et Kelle

Qu’est-ce qui vous a marqué dans le message du Chef de l’État en votre qualité de militant averti ?
Nous sommes satisfaits du discours du président de la République, président national du RDPC.
Les points qui ont attiré mon attention sont :

1)L’historique de la crise dans les régions du NORD-OUEST et SUD-OUEST, 2)Les solutions déjà apportées pour la résolution de cette crise, 3)l’annonce d’un dialogue national et particulièrement pour la crise des régions du NORD-OUEST et du SUD-OUEST, 4)le renouvellement de l’offre de la paix aux groupes armés et, 5)la ferme conviction du président de la république que lors du grand dialogue toutes les forces positives et constructives du pays à l’intérieur comme dans la diaspora permettent que le désire de la paix souhaitée par la majorité des camerounais devient une réalité.

C’est un grand appel du président de la République, président national du RDPC lancé aussi à de notre parti, nous militants du RDPC responsables à tous les niveaux. Les militants de la base et l’élite gouvernante du parti doivent prendre conscience de la gravité de cette crise qui fragilise notre parti à tous les niveaux et menace la paix de notre pays. Cette situation complique la bonne marche de notre parti et du pays, donne plus de travail aux responsables de base du parti et nous embarrasse même. Le militant du RDPC doit œuvrer pour que le désir de la paix de la majorité des camerounais devient une réalité dans cette partie du pays. Nos camarades sont en difficulté, nos frères et sœurs sont en difficulté, ils souffrent et traversent des moments très difficiles de leur vie et compromet l’avenir de notre pays.

Je saisi cette occasion pour présenter à toutes les familles qui ont déjà perdu les leurs dans cette crise, mes sincères condoléances, beaucoup de courage aux déplacés et pour ceux qui vivent la peur au quotidien dans ces régions et un espoir pour le retour de la paix dans cette partie de notre pays. Un encouragement total à nos forces de l’ordre et un soutien sans faille. Pour tout dire nous compatissons tous. C’est une situation que nous déplorons.

Concernant l’aboutissement positif du grand dialogue annoncé par le président de la république, président national de notre Grand parti le RDPC, pour que l’objectif soit atteint, il est souhaitable que l’équipe du Premier Ministre soit réajustée avant l’ouverture du dialogue, car certains membres de l’équipe gouvernante trouvent leur intérêts dans l’alimentation de cette crise et cette situation risque compromettre le désire de la paix de la majorité des camerounais pour ces régions. Nous souhaitons aussi que la bonne personne soit à la bonne place dans cette équipe du premier ministre qui manifeste la bonne volonté et le courage de trouver la solution à cette crise, si le travail n’est pas fait on te dégage sans attendre.

Concernant la demande des populations faites d’avoir les ministres, Directeurs Généraux,… dans chaque village, arrondissement, département,… la solution pourra être trouvée s’il y a la bonne personne à la bonne place et que lors des campagnes politiques, une élite militante gouvernante soit affectée par le parti pour battre campagne dans un département autre que son département d’origine. Il est souhaitable que le président de la république, président national de notre Grand Parti devrait tenir compte que la majorité et la qualité de l’élite gouvernante est ressortissante de sa région d’origine. Cette situation frustre des militants des autres régions. Il serait aussi important en matière du respect de l’équilibre régional, cette situation soit prise en considération.

2020, sait-on, c’est une année électorale au Cameroun. L’homme politique que vous êtes a-t-il un agenda particulier ?
Agenda particulier non ! Par contre agenda commun pour mon parti oui. Je reste à la disposition de mon parti. Si mon parti estime que je pourrai apporter quelque chose sa victoire à une consultation électorale, je ne pourrai pas trahir mon parti.
Mais le grand dialogue annoncé par le président de la république, président national du RDPC me préoccupe plus pour le moment, car sans la paix aucune élection ne serait possible.

Pour le grand dialogue annoncé est souhaitable que les propositions proviennent du bas peuple qui est la première victime dans toutes les crises qui peuvent survenir dans un pays.

Le grand dialogue pourrait commencer au niveau des villages au tour des chefs de village qui transmet les résolutions au niveau de l’arrondissement avec les représentants désignés par le village, en suite autour du sous-préfet au niveau de l’arrondissement qui transmet des résolutions au département accompagné des représentants des arrondissements, en suite autour du préfet au niveau départemental avec les représentants des arrondissements qui transmet le rapport à la région accompagné des représentants du département, en suite autour du gouverneur de la région avec les représentants des départements désignés qui transmet le rapport au niveau national et les représentants des régions, en suite au niveau national autour du chef du gouvernement avec les représentants des régions désignés ainsi les trois pouvoirs représentés (L’exécutif, Législatif et judiciaire) et enfin le rapport général est transmis au Chef de l’État, président de la république pour prendre les décisions qui s’imposent pour la paix et la prospérité de notre pays.

Cette manière pourra permettre la connaissance de tous les problèmes du pays, avoir l’adhésion du peuple et permettre au président de trouver les bonnes solutions pour que notre pays reste en paix et aspire à un développement meilleur.

Un mot pour les militants de la sous-section de YABI I ?
Chers camarades et sympathisants, restons fidèle au RDPC, le RDPC est aussi une famille. Nous attendons depuis 1997 la création de l’arrondissement de SONG-MBONG je suis conscient que le président de la république, président national du RDPC est aussi conscient de cette doléance qui est très loin d’un luxe, mais un soulagement aux souffrances des ressortissants du canton YABI dans le plus grand arrondissement du département du Nyong et Kelle qui MESSONDO. Soutenons toujours notre parti et notre Président National pour le développement du canton YABI et du Cameroun.

Propos rassemblés par Rémy Biniou

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