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Questions de journaliste, question publique

«Le journaliste est un interprète de la curiosité publique». Voici une phrase contenue dans «Le métier de lire».

 

Publié en octobre 1990 chez Gallimard, l’ouvrage porte la signature de Bernard Pivot, l’un des journalistes littéraires les plus connus de France. Au fil des pages, l’auteur se fait justement l’interprète de la curiosité publique. Il y est surtout sous-entendu que, outre les problèmes éthiques que pose la curiosité, les questions de journalistes sur la vie publique sont a priori légitimes; et que la frontière entre les questions utiles et inutiles, pertinentes et superflues, est souvent floue. À une posture pour laquelle toute question de journaliste est a priori légitime, interrogeons-nous sur ce qui se passe dans certains cercles associatifs.

Ces derniers temps, ils bruissent de polémiques. C’est exactement ce qui se passe au sein de quelques fédérations sportives. Chaque jour, ils ne cessent de chercher à découvrir comment il faudrait faire pour pouvoir se sentir vraiment et indiscutablement acteurs sportifs au Cameroun. Il se peut même que chez eux, cette motivation soit particulièrement impérative. Tout est propre à susciter en eux une réaction émotionnelle plus ou moins intense. C’est ce qui explique sans doute l’intense circulation des commérages, petites ou grosses intrigues et autres tensions à la Fédération camerounaise de football, à la Fédération camerounaise de volleyball, à l’Ordre national des médecins du Cameroun… De ces instances et bien d’autres, il n’est pas trop tôt pour dire si l’histoire retiendra autre chose que ce sinistre cycle animé par des acteurs qui ne peuvent survivre autrement qu’en créant le buzz de toutes les façons.

Questions de journaliste maintenant: il y quoi exactement? Pourquoi s’étripe-t-on? On retombe ainsi sur des interrogations souvent abordées par le grand public. Chacun a pu constater la passion avec laquelle certains, parmi ceux qui veulent bien donner quelques réponses, s’attachent à l’école de tel ou tel maître, du présent ou du passé, disséquant et reformulant les textes à leur guise. Dans leurs critiques implacables, certains vont même jusqu’à l’agression violente pour essayer de résoudre de petits problèmes très personnels. Chez d’autres, on rencontre le désir de se protéger derrière quelques certitudes jamais remises en cause. Parfois, ceux-là franchissent un pas supplémentaire en mettant très concrètement en scène des débats sur la légitimité ou l’illégitimité de tel ou tel autre.
En ce sens, le journaliste se pose une fois encore les questions: il y quoi exactement? Pourquoi s’étripe-t-on? Disons-le tout net: personne, parmi ceux qui se battent, n’ose lever le tabou; puisqu’il y en a un que tout le monde protège. En dépit de quelques contestations marginales, la protection du tabou fait partie de la nomenclature institutionnelle à la Fédération camerounaise de football, à la Fédération camerounaise de volleyball, à l’Ordre national des médecins du Cameroun… Là-bas, tout est quasi insoluble. Pour prétendre «résoudre» le problème quand même, tous les acteurs recourent à une ingénierie verbale sophistiquée destinée à reconstruire les réponses pour les faire coïncider avec leurs aspirations respectives.

Jean-René Meva’a Amougou

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