Macky Sall et la France ont peur d’Ousmane Sonko
Pour la présidentielle du 24 février 2024, un bon nombre de Sénégalais auraient aimé voir Macky Sall respecter la Constitution de leur pays qui stipule dans son article 27 qu’un président ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Or l’actuel locataire du palais présidentiel a été élu en 2012 et réélu en 2019 pour un mandat de 5 ans. Macky Sall ne devrait donc pas chercher à se représenter en 2024. N’empêche que ses partisans, s’appuyant sur la révision constitutionnelle de 2016, soutiennent que cette révision remet les compteurs à zéro et autorise leur champion à briguer un troisième mandat. Dans le magazine français “L’Express” du 20 mars 2023, le président sénégalais a même prétendu que le Conseil constitutionnel, avant la révision de 2016, avait estimé que la réforme ne prenait pas en compte son premier mandat. L’opposition et la société civile sont déterminées à ne pas se laisser faire, d’autant que Macky Sall faisait partie en 2012 des personnes qui étaient contre la candidature d’Abdoulaye Wade à un troisième mandat. La répression des manifestations contre cette candidature par les forces de l’ordre avait fait plusieurs blessés et morts.
Certains analystes pensent que, si Macky Sall est tenté par le troisième mandat, c’est parce que la France a peur de voir Ousmane Sonko à la tête du Sénégal. Radié en 2016 par Macky Sall de la Fonction publique, Sonko devint député à l’Assemblée nationale, puis maire de la ville de Ziguinchor. Arrivé troisième à l’élection présidentielle de 2019, il est perçu comme le chouchou des personnes qui, au Sénégal et dans d’autres pays de l’Afrique occidentale, souhaitent la mort de la Françafrique. En effet, Ousmane Sonko n’a de cesse d’affirmer que «la France doit réajuster sa politique en Afrique, comprendre qu’elle a affaire aux jeunes élites intellectuelles africaines». Le président du Parti des patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) ajoute: «Il y a de belles perspectives entre nous et la France mais, si la France pense que le ton et le comportement paternalistes qu’il y avait autrefois peuvent continuer, ça risque de très mal se passer comme on le voit au Mali, en Centrafrique ou au Burkina Faso… L’Afrique a besoin de tout le monde et tout le monde a besoin de l’Afrique. La France à elle seule ne peut pas symboliser les relations de l’Afrique. Ce serait trop réducteur. Nous sommes libres de choisir nos partenaires selon nos intérêts et, sous cet angle-là, si on considère qu’on peut bien négocier avec les États-Unis, avec la Grande-Bretagne, avec l’Union européenne, avec la Chine ou avec la Russie, on est libre de le faire».
Jean-Claude DJEREKE