Lions indomptables : toute l’Afrique centrale au bout des crampons
À Libreville comme à Bangui, à Pointe-Noire comme à Ndjamena, la présence du Cameroun à la coupe du monde Qatar 2022 cristallise le sentiment d’appartenance à une même sous-région

Laissons de côté le diplomate et écoutons René Makongo, supporter des Lions indomptables à la coupe du monde 2022. «C’est le pays de la sous-région qui a gagné le plus de Coupe des nations (5); qui a produit l’un des meilleurs joueurs de l’histoire (Roger Milla). Toute l’Afrique centrale peut être fière de la présence du Cameroun au Qatar. Et il faut dire qu’avec tout ça, les Lions indomptables hantent toutes les autres équipes de leur poule». S’exprimant devant les caméras de Télé Congo ce 24 novembre 2022, l’ambassadeur du Gabon au Congo se montre Camerounais à quelques heures du match opposant les Lions indomptables à la Nati. Et il tient une raison: «Au-delà du sport lui-même, dit-il, il y a des éléments de sens que la popularité du Cameroun, en tant que pays de la Cemac dégage». «Par la diffusion télévisuelle de ses matches tant dans les pays membres de la Cemac qu’à l’extérieur, le Cameroun donne une vision très élargie de la sous-région pendant cette coupe du monde. Non seulement l’équipe du Cameroun dessine un espace Afrique centrale au sein de son groupe, mais elle produit aussi un discours qui est celui d’ambassadeur de la sous-région pendant la compétition», soutient Rodolphe Adada, ambassadeur du Congo en France, approché lui aussi par la télévision publique congolaise.
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À ce sujet, l’exemple est venu de Ndjamena, où la réception populaire de la défaite des Lions indomptables face à la Nati a suscité nombre de commentaires cherchant à stabiliser le visage du Cameroun comme pays plénipotentiaire d’Afrique centrale au Qatar. «Ne perdons pas de vue qu’en tant que citoyen d’un même espace communautaire, malgré le faux-pas, nous avons le devoir de nous aligner derrière cette équipe qui représente un vaste ensemble géographique appelé Cemac», exhorte Bienvenu Nganan. Invité de Télé Tchad le 24 novembre 2022, le journaliste tchadien reste accroché à cette logique. «En observant tant les joueurs de l’équipe nationale du Cameroun que les préférences des supporters ici à Ndjamena, on comprend bien qu’à la coupe du monde, le Cameroun construit un «nous communautaire» qui permet à chaque ressortissant d’Afrique centrale de dire «voilà les miens qui jouent».
Pour avoir travaillé sur le rapport entre le football et l’intégration en Afrique centrale, Bienvenu Nganan croit que les enjeux associés aux matches du Cameroun éclairent sur «le comment le football est susceptible de créer une communauté unique à l’échelle de plusieurs pays et des processus d’attachement communautaire là où le discours politique a échoué». Ce cadrage de la présence du Cameroun parmi les grandes nations de football sous l’angle d’»ambassadeur de l’Afrique centrale à Qatar 2022» se double de l’énonciation d’un commentaire empruntant au registre moral qui innerve l’essentiel de l’approche de Bienvenu Nganan. «Pas besoin d’avoir recours à un psychiatre pour comprendre ce qui se passe dans la tête de ces Tchadiens, Centrafricains et Camerounais ici à Ndjamena, pour décrire ce réflexe qui les pousse à supporter les Lions indomptables». La preuve, selon Télé Tchad: «Après la défaite inaugurale du Cameroun face à la Suisse, quelques centaines de supporters se sont retrouvés à Gardolé 2, quartier populaire dans le 9e arrondissement de Ndjamena. Le public de ces rassemblements est très jeune, entre 12 et 25 ans. Plusieurs cercles mouvants de supporters sont distingués. Au centre de la scène, les plus enjoués agitent des drapeaux du Cameroun aux côtés des plus sobres qui, malgré le score défavorable aux Lions indomptables, y participent de façon minimale en frappant dans leurs mains ou en arborant eux-aussi les couleurs du Cameroun».