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Identification des victimes de sinistres en zone : quand compter les morts ne suffit plus!

Mission accomplie pour le CCPAC

Tout est bien qui finit bien ce 28 juillet 2023 au secrétariat permanent du Comité des chefs de police de l’Afrique centrale (CCPAC). L’institution spécialisée de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) fait honneur à son Conseil des chefs de police. L’organe dirigeant, qui a décidé « d’inscrire dans son programme d’activités de l’exercice 2023, l’organisation d’un stage de formation en identification des victimes de catastrophes, d’attentats terroristes ou de tout autre sinistre à l’intention des pays membres», rappelle Esaïe Ovono Eyi Mezuia, secrétaire permanent du CCPAC.

La décision est prise à la suite du 22ème Forum des ministres en charge des questions de sécurité en Afrique centrale. Celui-ci s’est tenu du 6 au 9 septembre 2022 par visioconférence et s’est achevé sur plusieurs résolutions. La nécessité de rehausser les normes de la sous-région en matière d’identification des victimes en fait partie. La fin du stade et la remise des attestations représentent de ce point de vue la concrétisation de cette aspiration. Elles placent de facto le CCPAC à l’avant-garde de la réponse stratégique et opérationnelle à apporter à cette problématique.

Une cuvée de 25 stagiaires vient d’être dotée, pendant quatre jours, de compétences rares. Mention spéciale à l’appui technique du Centre européen de formation en sciences médico-légales actives et identification des victimes des catastrophes (ETAF-DVI), qui rend possible cette avancée considérable. La formation parachève en effet l’arrimage de la Cemac aux normes internationales. En même temps qu’elle permet à la Centrafrique, au Congo, au Gabon et au Cameroun de renforcer leur poids au sein de l’Organisation internationale de police (Interpol).
Les objectifs du Cameroun sont pourtant multiples. «En acceptant de parrainer cet important stade régional, il a aussi voulu réaffirmer sa volonté toujours plus marqué de soutenir l’action CCPAC dont il est l’un des membres fondateurs», fait savoir Richard Mekulu Atangana. Le représentant du délégué général à la Sûreté nationale (DGSN) se fait aussi fort de subir « l’octroi sur très hautes instructions du chef de l’État, (Paul Biya, Ndlr), du majestueux bâtiment qui sert de siège au secrétariat permanent du CCPAC ». Le site situé à Yaoundé a d’ailleurs servi de zone de crise dans le cadre des simulations et exercices pratiques imposés aux stagiaires. Lire notre zoom.

Théodore Ayissi Ayissi

 

Les unités spéciales à mettre en place, conformément aux plans d’urgence des différents pays de la sous-région, auront entre autres missions de permettre aux familles de faire le deuil.

La sous-région en quête d’un nouveau statut

Une série noire d’effondrements d’immeubles à Douala et à Ngaoundéré frappe le Cameroun dans la foulée de l’ouverture -ce 25 juillet 2023- du stage régional de formation en identification des victimes de catastrophes, d’attentats terroristes et de tout autre sinistre. De nombreux attentats aux engins explosifs sont également répertoriés ces dernières années à l’Extrême-Nord, dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et en RCA. Le recours aux attentats kamikazes est certes de moins en moins signalé au Tchad, mais ce pays de la Cemac n’est pas épargné pour autant. Boko Haram et même toujours ses misères. Et on se souvient de la série de naufrages au Gabon, de l’explosion sur une base militaire en Guinée Équatoriale ou encore des inondations au Congo-Brazzaville.
Toutes ces situations mettent en exergue une problématique centrale : comment parvenir à déterminer qui est qui et à mettre un nom sur un corps méconnaissable parmi la faute de ceux retrouvés sur le site d’un sinistre ? La libre circulation des personnes et des biens en zone Cemac en rajoute encore à la difficulté de l’exercice. Tant qu’il est possible de « compter par les victimes, des ressortissants de divers pays », il est mis en évidence. L’Afrique centrale revendiquait déjà une certaine expertise en matière de recherche et de dénombrement des victimes. Une nouvelle corde s’est ajoutée à son arc depuis ce 28 juillet 2023.

Déficit
Le constat d’insuffisance dans le domaine de l’identification des victimes de sinistres est partagé par tout le monde, à commencer par les autorités policières de la région. On parle par exemple au CCPAC d' »absence des Unités spécialisées dans ce domaine en Afrique centrale ». Pendant que la réalité du monde d’aujourd’hui a amené la Communauté internationale à adopter des normes standards pour la gestion des situations de crise d’envergure qui pourraient survenir du fait de l’internationalisation des déplacements ».

Le discours à la DGSN n’est pas différent. Il a mis une emphase sur « le déficit en matière d’identification des victimes d’incidents majeurs décriés par les chefs de police qui ont rencontré malheureusement nos pays en marge de la Communauté internationale dans ce domaine régi par une uniformisation des pratiques entre les différents États afin d’instituer une approche universelle ».

Unités DVI (Identification des sinistrés)
25 stagiaires issus de la Protection civile, de la police, de la gendarmerie, de la médecine légale, des sapeurs-pompiers et de la Croix-Rouge ont donc pris part à la formation. Il leur revient désormais d’entrer en scène et de réduire, voire de commander les Unités spéciales à mettre en place conformément aux plans d’urgence. Ils ont eu droit pendant quatre jours à une session articulée en six points. À savoir « la gestion du lieu de la catastrophe ou de l’attentat ; le relèvement des restes humains ; la morgue et l’installation des regroupements ; les formulaires post et ante-mortem universels d’Interpol ; la confrontation des données ; et la commission d’identification», relève Richard Mekulu Atangana.

«Nous avons fait un exercice théorique sur la récupération des corps en cas de catastrophes. On leur a expliqué les différents périmètres, les différents responsables de disciplines, les balisages de zones, la numération des victimes et comment on procède également à l’évacuation. On a vu en même temps comment remplir le formulaire d’Interpol prévu pour la récupération des corps», explique Christian Roger Decobecq, expert belge de l’ETAF-DVI.
Et à en croire Esaïe Ovono Eyi Mezuia, les participants au stage ont ainsi pu «se familiariser avec le guide ‘‘Identification des victimes de catastrophes’’ d’Interpol dont le procédé est le seul admis et reconnu au niveau international; renseigner efficacement les formulaires ante et post-mortem; collecter avec respect et dignité les restes humains sur le lieu de la catastrophe; maîtriser les bases de la photographie médico-légale, collecter et bien répertorier les effets personnels des victimes, etc». Ce dernier aspect est précisément l’une des dimensions importantes de la mission de ces récipiendaires.

Deuil et indemnisations
Il était bien souvent impossible aux familles de faire le deuil, faute pour les enquêteurs de pouvoir identifier avec précision les victimes de catastrophes et d’attentats terroristes. Les États de la Cemac éprouvaient également des difficultés à ajuster les indemnisations pour chaque famille en fonction de l’ampleur et des conséquences du sinistre. Or, outre l’élucidation de l’enquête, la formation achevée ce 28 juillet 2023 vient répondre à toutes ces préoccupations. Puisque désormais, les familles sont quasi-certaines de recevoir les restes de corps de leurs membres. De façon à pouvoir procéder à des inhumations conformément aux spécificités de chaque coutume, en lieu et place des enterrements dans des fosses communes. Le dosage des indemnisations se fera aussi de plus en plus précis pour les États désormais certains d’avoir le nombre exact de morts par famille.

Théodore Ayissi Ayissi

 

Unités permanentes d’identification

Une expertise bientôt à exporter

Cette dimension figure dans le cahier de charges de la première cuvée du CCPAC et inclut la participation à une Commission internationale.

 

«La formation visait à permettre aux pays du CCPAC de se doter de capacités opérationnelles nationales nécessaires afin d’identifier les victimes de toutes sortes de catastrophes, selon les normes internationales en vigueur», relève Esaïe Ovono Eyi Mezuia, secrétaire permanent du CCPAC. C’est désormais chose faite. Une épine est par le fait-même retirée du pied des pays de la Cemac, souvent exclus à l’international pour des raisons techniques. «Il va sans dire que cette situation déplorable (déficit en matière d’identification des victimes, Ndlr) compromettait en outre et plus fortement encore toute possibilité d’assistance ou de coopération avec les pays étrangers dans ce domaine, les référentiels d’analyse n’étant pas les mêmes», constate notamment le Cameroun.

Une nouvelle ère s’ouvre, et avec elle de belles perspectives de carrière. Car grâce à leurs attestations et l’impact qu’ils auront certainement dans la sous-région et leurs pays respectifs, les 25 stagiaires du CCPAC pourront dorénavant représenter la Cemac au-delà de nos frontières. En participant entre autres «à une Commission internationale d’identification», leur est-il indiqué. Leurs aptitudes et capacités opérationnelles devraient donc aussi se nourrir de ces nouvelles expériences. L’essentiel à ce stade étant que leur expertise en matière d’examen minutieux des empreintes digitales, de la dentition et des prélèvements d’échantillon d’ADN, notamment, ait d’ores et déjà un caractère universel. De quoi en tout cas immédiatement les qualifier pour des missions en Grèce ou en Italie, où des incendies géants se sont déclarés.

Théodore Ayissi Ayissi

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