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Gouvernance : Malades et maladies sous la semelle

Près de 62 milliards FCFA pour améliorer la coordination des services et assurer la bonne mise en œuvre des programmes au ministère de la Santé publique (Minsanté). Selon des analystes, le pactole fait office de gabegie.

«Il n’y a pas de secret pour réussir ; c’est le fruit de l’apprentissage du travail acharné et des leçons tirées de l’échec». En installant Boukar dans ses fonctions d’Inspecteur général des services administratifs du Minsanté, Manouada Malachie a eu recours à cette phrase le 30 novembre 2021 à Yaoundé. Pour quiconque pouvait lire entre les lignes, il était entendu que le Minsanté s’exprimait ainsi quelques jours seulement après son passage devant les parlementaires. Commentant cette séquence, un député dit qu’ «il fallait avoir le cœur bien accroché pour supporter le fait que sur 207 milliards 240 millions FCFA alloués au secteur de la santé publique, 61 milliards 385 millions 705 mille FCFA seront consacrés au programme de gouvernance et pilotage stratégique du système». Troublé, le même parlementaire ajoute: «Un tel gaspillage prêterait à sourire, si ce n’était l’argent des contribuables».

Calcul
En clair, à travers la création d’une ligne intitulée «gouvernance et pilotage», l’on découvre combien la machine administrative est devenue grosse au Minsanté. «Pour 2022, elle seule prendra environ 30% du budget total du ministère, pendant que la promotion de la santé (1,6%) et le renforcement du système de santé (16%) sont complètement négligés comme d’habitude», calcule Dr Albert Ze. L’économiste de la santé parle d’un fiasco ruineux ; surtout que, affirme-t-il, «avant cette nouvelle rubrique, le pays perdait déjà 90% de son budget de la santé dans la mauvaise gestion et seuls 10% étaient réellement affectés aux questions de santé».

Déphasage
Selon cette répartition, la rhétorique de la centralité du malade et de la maladie en vogue au Minsanté se désagrège. «Malgré les espoirs généreux et les nombreuses illusions sur la Couverture santé universelle, voici un autre foisonnement d’absurdités qui décrit mieux qu’un long discours l’inexorable dilapidation des ressources publiques», tempête Jean Marc Bikoko. Du point de vue du syndicaliste, «la justification fournie par les autorités est pauvre et superficielle ; elle met la maladie et les malades sous la semelle ; elle se dégage des grandes narrations qui avaient accompagné et soutenue les slogans comme santé pour tous, car elle abandonne tout projet de transformation de la société ou de construction d’aménagements plus justes en se concentrant sur l’objectif d’éliminer, dans une dimension globale, tout ce qui fait obstacle aux détournements de deniers publics».

Pour la réplique, un cadre de la cellule de communication du Minsanté tempère: «La santé est toujours pensée comme découlant de la seule organisation des soins. On oublie que l’État réfléchit également sur les actions concrètes à mener pour une meilleure connaissance du contenu conceptuel de ce champ et son implantation véritable pour améliorer significativement les indicateurs de santé de ce pays». En rappel, l’enveloppe 2022 du Minsanté est en hausse de 10 milliards 118 millions FCFA (5,17 %) par rapport à celle de 2021 qui était de 197 milliards 122 millions FCFA.

Jean-René Meva’a Amougou

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