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Enquête : Dans le marché noir de la petite monnaie

Pour obtenir les pièces de monnaie dans certains quartiers de nos grandes villes, il faut payer. Le phénomène comme il va dans les sept arrondissements de la cité capitale.

La rareté des pièces et petites coupures comme facteur aggravant de l’inflation

Plus que par le passé dans la capitale camerounaise, il faut acheter la petite monnaie pour faciliter les transactions commerciales. Le phénomène était jusqu’ici circonscrit presqu’exclusivement à la Poste centrale de la capitale camerounaise. Il se repend désormais comme une trainée de poudre dans la ville aux sept collines. Les Camerounais se rendent dans les lieux de commerces pour chercher la monnaie à des conditions contraignantes. Il faut en effet accepter de perde quelques pièces, ou donner un petit billet ou une pièce en plus. «Mon frère, tu ne sais pas qu’on achète déjà la monnaie partout à Yaoundé.

Les pièces sont rares. Donc, si tu veux qu’on change tes 5000 FCFA, on te remet 4800», déclare Bouba, un boutiquier sénégalais à Nkondengui. À Mvog-Atangana Mballa, Mvog- Mbi, Ekounou, Essos, Briqueterie, Acacia, etc. les Yaoundéens assistent, impuissants à la montée en puissance de ce nouveau commerce de pièces et de billets. «Avant d’ouvrir mon kiosque, j’achète les pièces, parce que je peux passer toute la journée sans travailler. J’ai des clients qui veulent faire des transferts ou des retraits sans monnaie. Je suis obligé d’aller dans les circuits à Mvog-Atangana-Mballa pour m’approvisionner en petite monnaie. Si je ne le fais pas, mon business risque d’être bloqué. C’est comme ça tous les deux jours maintenant», explique Faris, un opérateur dans le domaine du transfert et retrait d’argent.

Mode opératoire
Les brouettiers, pousseurs, mototaxis, pompistes et autres vendeurs ambulants passent aux yeux des Camerounais pour être les plus grands détenteurs de pièces et de petites coupures de 500 FCFA. «C’est par eux que vous devez passer si vous voulez acheter de la petite monnaie», selon Faris. «Il ne faut pas jouer avec ces gens, surtout les pousseurs. Actuellement, ils ont le pouvoir avec leurs 50 et 100 FCFA», confie l’opérateur économique.

Ce jeudi 14 juillet 2022, Miris, tenancière d’un bar-restaurant à Coron et Jérémy, vendeur de porcs braisés viennent acheter les pièces. Et les discussions entre les «pousseurs» sont empreintes de tensions. «500 FCFA pour 550 FCFA, je t’ai vendu les pièces avant hier», dégaine Abanda, un des «pousseurs» qui veut tenir ses collègues à carreau. «Moi, je négocie le business depuis et tu viens faire le chantage au client, on ne fait pas ça», réplique Romaric un autre pousseur.

À Essos, un quartier chaud situé dans le 5e arrondissement, Minkoulou s’est aussi lancé dans cette chasse aux pièces d’argent. Barman du coin, il s’appuie principalement sur les mototaxis. «Ils me donnent 50 pièces de 50 FCFA et 100 FCFA. En retour, ils ont 5050 FCFA. Et pour garder mes fournisseurs, j’ajoute une ou deux bières», révèle le gérant de bar. La manœuvre est également observée au Cameroun lieu-dit Mokolo en bas.

Au Marché Acacia à Biyem-Assi (Yaoundé 6), Mama Brigitte, la cinquantaine, est aussi à la recherche de la petite monnaie au rond-point express. Elle est revendeuse des produits vivriers et ses fournisseurs sont les chauffeurs taxis. «J’ai mes enfants taximen qui me fournissent la petite monnaie, je ne compte pas», dit-elle. Et Jean, taximan, de confirmer. «C’est du gagnant-gagnant avec maman Brigitte, elle me donne du manioc, du Macabo, de la patate et d’autres produits à vil prix pour nourrir ma grande famille», confie-t-il. Pour les personnes approchées, il est question de sécuriser les sources d’approvisionnement. Parce que pour eux, l’avenir est sombre.

André Gromyko Balla

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