Dr Henry Mapoko «Seulement 5 à 6% de Camerounais ont le permis de bâtir»
L’architecte, urbaniste, jette un regard critique sur l’occupation anarchique des espaces dits non constructibles, notamment des flancs de collines, à la suite de l’éboulement de terrain de Mbankolo ayant coûté la vie à une trentaine de personnes le 8 octobre dernier.
Pourriez-vous nous décrire le site du drame de Mbankolo de manière technique ?
Yaoundé est une très belle ville. Une ville qui a plusieurs collines. Le fait de cette morphologie riche rend cette ville merveilleuse. Mais alors, autant ces collines rendent la ville belle, autant elles sont « dangereuses ». L’utilisation de ces collines fait problème. Construire sur les collines ou sur les bas-fonds est très dangereux. Il faut avoir des techniques appropriées car si elles n’existent pas, nous nous exposons à des phénomènes tels que ce qui s’est passé à Mbankolo. Ce qui mène à des drames. Les populations doivent avoir en mémoire le code d’urbanisme. Et en son article 2 de la loi de 2004/003 du 21 avril 2004, il est dit : « le territoire camerounais est le patrimoine commun de la nation. L’Etat et les collectivités territoriales décentralisées en sont les gestionnaires et les garants». Et l’article 3 qui prévoit les règles pour utiliser le sol et construire, est appuyé par le décret 2008/0739/PM du 23 avril 2008 fixant les règles d’utilisation du sol et de la construction et du décret 2008/0740 du 23 avril 2008 fixant le régime des sanctions applicables aux infractions aux règles d’urbanisme.
Nous pouvons dire que le Cameroun est doté de très bons textes au niveau de la sous-région Afrique centrale, mais c’est l’utilisation qui pose problème. Ici, on peut donc pouvoir dire que pour pouvoir jouir pleinement de sa parcelle de terrain, avant toute opération d’aménagement, il faut se procurer des documents garantissant ces droits et précisant ces devoirs. Aujourd’hui si vous me demandez combien de Camerounais ont un permis de construire, je vais rigoler. Si nous avons 5 ou 6%, c’est que c’est beaucoup. Les gens s’en moquent. Pourtant le franchissement de cet acte garantit ou freine déjà un certain nombre d’accidents qui peuvent survenir.
Qu’en est-il de ceux qui étaient installés sur le site de Mbankolo ?
Je peux vous dire que personne ne possède un permis de construire. Ce qui veut dire que ce sont des populations qui sont allées se construire de manière anarchique sur cette zone à risque. Aujourd’hui l’Etat est dans son rôle régalien de prévenir de telles situations. Un accident est déjà arrivé, il faut déguerpir ceux qui restent.
Peut-on conclure que cette catastrophe était évitable ?
D’abord pour moi, ce n’est pas une catastrophe mais plutôt un accident. Car en général, la catastrophe surprend. Mais j’insiste qu’il faut prendre des dispositions pour ne pas se faire surprendre. L’incivisme des Camerounais n’est plus à démontrer.
Votre regard sur le système de prévention des catastrophes naturelles au Cameroun ?
Il faut simplement qu’on applique les textes. Les autorités doivent se mettre au travail. Je cite ici en premier les mairies et les communautés urbaines qui ont la police municipale et qui doivent prendre le relais et faire exécuter les lois d’urbanisme.
Quels sont les différents documents préalables avant toute construction ?
Les actes administratifs relatifs à l’utilisation du sol et de la construction, nous avons entre autres le certificat d’urbanisme qui n’est qu’un document d’information mais qui vous dit si le site où voulez-vous vous risquer de construire c’est ou pas. Bref, il vous renseigne sur les caractéristiques de la construction que vous devez réaliser par exemple sur la hauteur. Nous avons l’autorisation de lotir. Ensuite vous avez le permis d’implanter ou de construire, il y a aussi le certificat de conformité. Voilà la panoplie de documents administratifs qui parlent de l’utilisation de sol. Tous ces documents sont délivrés au niveau des mairies et des communautés urbaines. Il faut qu’on applique les lois et que chaque citoyen se les approprie.
Entretien réalisé par Joseph Ndzie Effa