Catastrophes, accidents…Octobre noir au Cameroun

Le pays subit la «loi des séries» depuis une semaine. Une trentaine de personnes ensevelies dans un éboulement de terrain à Yaoundé. Une dizaine de vies perdues à Efok (45 kilomètres de la capitale) dans un accident routier meurtrier. À Douala dans le Littoral et Mogode dans l’Extrême-Nord, des accidents de route spectaculaires font également des morts et d’importants dégâts matériels.

Les plaies béantes du drame à Mbankolo

1-Une trentaine de personnes ensevelies par un éboulement de terrain à Mbankolo
La désolation et, avec elle, la tristesse, la colère, la résignation aussi, la peur du lendemain, voire la trahison. Le 11 octobre dernier, le lieu du drame dégageait encore l’odeur des corps en putréfaction. Selon un sinistré, quatre corps ont été découverts ce matin du 11 octobre, en contrebas du lieu du drame, emportés par les eaux. «Mon petit frère a perdu neuf personnes, parents et enfants; depuis, l’on ne retrouve pas la dépouille de sa femme qui était enceinte», confie Philémon Sanga. Les familles font le deuil sans corps. «Il y a plusieurs macchabées qu’on ne retrouve pas, parmi lesquels les femmes et les enfants», entérine Jean Yves Chimboikom, sinistré. Et de plaider pour que les pouvoirs publics leur accordent encore du temps «pour retrouver les corps ensevelis et organiser les obsèques dignes aux défunts».
D’après les témoignages de Jean Yves Chimboikom, donner un chiffre exact des victimes est osé et risqué. Puisque le lundi matin, «les sapeurs-pompiers et nous dénombrions plus de vingt-huit corps extraits de la boue.

Officiellement, 57 familles sont impactées par le sinistre de Mbankolo. Elles sont déguerpies par les autorités. «Pour le moment, nous dormons à la belle étoile, chaque soir autour du feu. Pour partir d’ici, il faut savoir où aller, il faut les moyens conséquents. Quand on est prévenu d’une situation, on se prépare mieux. À l’heure actuelle, je dors avec mes locataires à la maison, ils ont tout perdu. Ils vont partir où? Toutes les économies sont emportées», se lamente Carole, une rescapée. «Nous demandons au gouvernement de nous laisser un peu de temps pour quitter les lieux. Pour le moment, nous n’avons pas de quoi manger, on dort à même le sol, nous supportons, nous venons de très loin, nous remercions tout de même l’acte des autorités qui ont offert les matelas, savons et de quoi manger», indique Jean Yves Chimboikom.

2-Une douzaine de vies éteintes sur la route à Efok (Centre), à PK18 (Littoral) et à Mogodé (Extrême-Nord)

Efok
Alors que les larmes du pays tout entier sont encore bien chaudes, voici que, ce 13 octobre 2023, la rivière de sang ouvre une embouchure sur la nationale N°4, précisément à Efok (à une quarantaine de kilomètres de Yaoundé). Selon des sources officielles, 9 personnes sont mortes à la suite d’une collision entre un car de transport interurbain et un camion de sable sur le tronçon Obala-Monatele.

Douala
Toujours dans cette soirée du vendredi 13 octobre, une enseignante du lycée de Pk 21 dans la ville de Douala a trouvé la mort des suites d’un accident de la circulation. Selon des sources fiables, l’enseignante a été victime d’un accident impliquant un conteneur mal arrimé, qui s’est renversé en retournant le camion semi-remorque de 12 roues qui le transportait.
Malheureusement, la victime qui était sur la moto de son collègue surveillant général, a rendu l’âme. Également blessé, le surveillant général se trouve actuellement en soins intensifs à l’Hôpital Général de Douala avec les deux jambes broyées.

Extrême-Nord
L’axe Mogode-Mokolo dans la région de l’extrême nord du Cameroun a également fait parler de lui. Selon des sources, un véhicule transportant des sacs de pommes de terre s’est renversé et tué deux femmes. Le drame s’est produit mardi 10 septembre 2023.
Loin d’être des cas isolés, ces différents drames sonnent comme un rappel poignant de la nécessité de prendre des mesures urgentes pour améliorer la sécurité routière dans tout le pays.

Olivier Mbessité et Joseph Ndzie Effa (stagiaire)

 

Minproff, Mindcaf, Minddevel, Minepat, Minas

En rangs dispersés sur le divan de la scène

Même s’il y a eu des acquis au lendemain du drame, une dynamique collective s’impose.

«Éboulement hier soir dans la commune de l’arrondissement de Yaoundé 2e, au lieu-dit Mbankolo. Un barrage de retenue d’eau aurait lâché du fait de pluies diluviennes de ces derniers jours. Les dégâts sont en cours d’évaluation. Nous souhaitons beaucoup de courage aux populations de cette #CTD». Pour qui prend un peu d’altitude sur les mots postés par le ministère de la Décentralisation et du Développement Local (Minddevel) sur sa page Facebook le 9 octobre dernier, il est possible de féliciter cette institution d’avoir exécuté les premiers pas dans l’appropriation de l’actualité. On serait presque enclin à penser que le langage du Middevel est déjà, dans une large part, fondé et en conformité avec les attendus de l’opinion publique. «Sauf que la vision que les mots dévoilent des responsabilités ont de quoi interpeller», nuance Hans Ntamak. «Le Minddevel parle comme si ce qui est arrivé à Mbankolo ne le concerne pas au premier chef; et on peut comprendre pourquoi il est absent sur le terrain depuis la survenue du drame», constate l’activiste de la société civile.

«Crise de gestion»
Pour ne pas rester sur le bord du chemin, Karim Ngangue Bell dénonce «la toxicité d’une approche fragmentaire et cloisonnée des multiples facettes du drame de Mbankolo». Selon cet ancien fonctionnaire onusien, «la gestion de crise, c’est un métier, on ne la laisse pas aux directeurs administratifs et financiers. Elle doit impliquer toutes les administrations sectorielles, avec l’entrée en scène des experts en politique publique, coopération internationale, épidémiologie, économie, développement durable et santé mentale et même des religieux». Or depuis que cela est arrivé, que voit-on? «Un échec de coordination opérationnelle révélateur d’un cumul de dysfonctionnements, de tâtonnements fastidieux et d’errements pénalisants», répond Hans Ntamak. Pour ce dernier, «les débuts de réponse apportée par la formalisation du premier niveau de coordination sont satisfaisants». Mais, face à la complexité du problème que seules quelques administrations publiques et humanitaires tentent de résoudre, «les rangs dispersés sur le terrain des opérations où l’on voit le Minproff, le Mindcaf, le Minddevel, le Minepat ou encore le Minas, chacun évoluant dans son coin. Cela handicape sérieusement l’élaboration d’un référentiel commun, brouille la clarification des rôles et le consensus sur les critères d’évaluation de la situation».

Jean-René Meva’a Amougou

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