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Débrouillardise à Yaoundé : les «pousseurs» déchantent

Plombés par la désorganisation de leur secteur d’activité et la vie chère, ces jeunes végètent au quotidien et pensent dans les jours à venir se reconvertir dans l’agropastoral.

 

La débrouillardise à l’épreuve de la rentabilité et de la survie

Il est 13 heures exactement ce 30 mars 2023 au marché du Mfoundi à Yaoundé. Sous un soleil caniculaire, un homme, la quarantaine sonnée, se repose devant une boutique, son engin à deux roues garé. C’est le temps mort. «Le travail ne nourrit pas son homme. Il n’y a pas de travail, la vie est dure, tout le monde se plaint. Et le travail en soi-même est pénible. Pour mieux travailler avec son pousse-pousse, il faut sortir très tôt pour transporter les marchandises des vendeuses ou des «bayam-sellam» qui viennent des villages périphériques de Yaoundé. À une certaine heure, surtout en journée, c’est l’oisiveté», raconte Louis Merlin Kuetché, natif du Moungo à Nkongsamba.

L’on ne peut dire qu’avec le pousse-pousse il vit, il s’agit de «la débrouillardise», assène-t-il. «C’est par manque d’autres moyens de subsistance qu’on épouse cette activité, juste pour la survie. Puisque quels que soit les efforts fournis, l’on ne peut se satisfaire». Et de poursuivre: «bien que je suis propriétaire de mon pousse, puisque je ne le loue pas, je ne m’en sors pas du tout. Notre secteur d’activité n’est pas structuré, et les clauses du transport avec le client se font de gré à gré. Imaginez que les commerçants paient le sac 120 kg d’oignons à 200 FCFA seulement, c’est vrai qu’ils ont baissé le poids à 80 ou 90 Kg, mais le prix reste le même. Pour avoir 1000 FCFA, il faut transporter 10 sacs d’oignons, chose qui n’est pas facile, cela demande suffisamment d’énergie et de force pour effectuer tout le transport», s’indigne-t-il. Pour ce qui est des revenus journaliers, il n’est pas fixe. «Je peux avoir 2000 FCFA ou 5000 FCFA, ça dépend des jours, comme je l’ai dit, le métier demande trop d’efforts. Il faut travailler dur pour gagner plus et il faut également bien se nourrir pour tenir debout le long de la journée. J’ai une femme et un fils. Elle aussi se bat de son côté pour assurer certaines charges de la maison», fait-il savoir.

Concurrence
Selon Sylvain Tankeu, le métier de pousseur ne peut pas permettre de nourrir une famille. «Tu vas travailler combien par jour? L’inflation est générale, l’huile rouge est chère, toutes les denrées de première nécessité riz, arachide, et même la banane plantain est hors de portée des toutes les bourses. On se débrouille pour pallier à certains problèmes existentiels, et ne pas céder le pas aux vices. «J’ai commencé ce travail un peu plus jeune, on s’en sortait, et la concurrence s’est installée avec les jeunes brouettiers qui cherchent également de quoi manger. Ils sont pour la plupart les jeunes de la rue, les jeunes dont les familles sont démunies. On ne peut les empêcher de se battre pour leur survie», précise-t-il. Avant d’ajouter: «l’on ne peut non plus se bomber le torse de faire carrière dans ce métier que beaucoup regardent avec condescendance. Dans les jours à venir, «j’envisage de me reconvertir dans l’élevage et l’agriculture. C’est un secteur plus rentable. Donc, je rassemble les fonds, pour que je puisse bien mener mes activités dans l’agropastoral. Car on ne saurait mieux préparer sa retraite avec le pousse, et pis est, on est exposé aux maladies et intempéries. La vie est de plus en plus dure l’urgence de penser et passer à autre chose se signale», souligne-t-il.

Olivier Mbessité

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