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Daniel Moundzongo : «Les années blanches se multiplient»

Le président de l’Association Réfugiés sans frontières fait part des difficultés rencontrées par cette catégorie de personnes dans leur scolarisation au Cameroun.

 

Rendu à la troisième semaine de la rentrée scolaire, qu’en est-il des enfants réfugiés?
Il n’est même plus question d’aller à l’école. C’est une question de survie. La situation empire de plus en plus. Tous les réfugiés souffrent. Même lorsque vous rencontrez un réfugié bien habillé dans la rue, c’est une apparence. Il suffit d’aller chez lui pour voir où il vit ou voir leurs enfants. L’école des enfants pour la plupart des familles n’est plus une question de priorité. Puisque la priorité c’est la survie. C’est-à-dire manger, avoir de la place pour dormir et de l’eau.
Lorsqu’on est devant la situation des réfugiés au Cameroun, sans emploi, ni revenu, les gens vivent pour survivre. Les femmes qui vendent des arachides n’ont que 5000 FCFA de revenu à la fin du mois. Les gens vivent pour survivre. Parce qu’ils doivent manger tous les jours avec les enfants et donc, ils n’ont pas d’argent pour s’occuper de leur éducation. Au contraire, les enfants quand ils ne partent à l’école, vendent avec leurs parents.

Il y a deux ans, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) avait un effectif d’élèves bien défini à scolariser. Est-ce que la tendance a changé cette année?
Le HCR déclare que les budgets sont réduits et qu’il ne peut pas prendre en charge tous les enfants. Au moment où les familles des enfants réfugiés et demandeurs d’asile au Cameroun pleurent. C’est le deuil dans les familles. Le partenaire Plan Cameroun qui s’occupe des questions d’éducation des enfants et Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) avaient convoqué les enfants pour des enregistrements. Les parents sont venus les faire avec les bulletins et jusqu’aujourd’hui aucun des enfants n’a été appelé pour quoi que ce soit en ce qui concerne la scolarité. Les enfants sont à la maison. Il y a près 469.281 réfugiés enregistrés au HCR. Et 55% de ces gens sont des enfants. L’éducation des enfants est un problème. La situation est catastrophique et donc préoccupante. Parce qu’il s’agit des droits à l’éducation des enfants vulnérables qui sont violés. Ainsi, il y a risque de grand banditisme lorsque les enfants ne sont pas scolarisés, encadrés et éduqués.

Le HCR et son partenaire Plan Cameroun sélectionnent les enfants en fonction des âges. Quels sont les critères de sélection?
Sur la prise en charge de la santé, on prend uniquement de 0 à 5 ans. Sur la scolarisation, ils ne prennent que 1 ou 2 enfants par famille de 5 personnes. Le critère c’est l’admission. Si l’enfant est passé en classe supérieure, on peut continuer à le prendre, mais dans le cas contraire, on le laisse tomber. Les âges sont les âges normaux de l’éducation au Cameroun. Au niveau du secondaire, c’est la catastrophe, car dès que le montant de prise en charge est élevé, le HCR n’intervient pas. Puisque pour les enfants au primaire, c’est 30 000 FCFA par année d’éducation scolaire. Et même ces 30 000 FCFA, le HCR ne versent pas la totalité. Il donne une avance de 15 000 FCFA et à la fin d’année quand les parents viennent, on exige les bulletins. Si les enfants n’ont pas fréquenté, il n’y a pas d’argent. Finalement, ils ne se contentent que de la première tranche. Les années blanches se multiplient. Il n’y a pas de solution. Ce sont des générations entières qui sont sacrifiées. Puisque dès que les enfants atteignent l’adolescence, il n’y a plus moyen de les mettre au pas. Il faut envisager les centres de formation, mais ces centres demandent également de l’argent.

Face à ces problèmes, que fait l’Association Réfugiés sans frontières pour venir en aide à ces parents qui sont en difficulté?
Nous ne sommes pas une association humanitaire, mais une association de défense des droits de l’Homme, particulièrement des femmes et des enfants. Et donc, nous ne pouvons pas prévoir d’acheter les fournitures scolaires encore moins payer la scolarité. Nous faisons un plaidoyer pour que ceux qui sont chargés de gérer cette situation puissent le faire. Au Cameroun, les associations ne sont pas subventionnées. On a donc déjà des problèmes pour fonctionner. Tout ce que nous pouvons faire c’est aller sur le terrain et constater. Les enfants et parents viennent aussi nous dire ce qui se passe.

Quel appel lancez-vous à la communauté nationale et internationale?
L’éducation est un droit de l’Homme. Ne pas s’occuper de l’éducation des enfants réfugiés, c’est sacrifier toute une génération et créer un risque d’insécurité pour le pays. Si les enfants grandissent sans aller à l’école, ils peuvent être facilement récupérés par la mauvaise compagnie. Il faut absolument que l’opinion nationale et internationale s’intéresse à la question de l’éducation des enfants réfugiés. Il faut que ces derniers se mobilisent pour que les enfants soient scolarisés parce que c’est un droit et ils le méritent aussi.

Quelles solutions proposez-vous pour régler ce problème?
Sur le plan de l’éducation, il faut que le gouvernement décrète la gratuité de l’éducation du primaire jusqu’au secondaire pour les enfants réfugiés, puisque leurs parents ne sont pas pris en charge. Pour ceux des enfants qui ont dépassé l’âge de la scolarisation, il faut les mettre dans les centres de formation. Et à ce moment, il faut que le gouvernement subventionne ces centres afin que les enfants soient formés gratuitement.

Interview menée par Diane Kenfack

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