Arbitrage : le recadrage de la BEAC dans l’affaire Dan Pullo/MTN
Un réquisitoire du gouverneur Abbas Mahamat Tolli daté du 8 septembre 2023, alerte le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, sur les risques que certaines violations de la réglementation communautaire sur les services de paiement dans la Cemac font peser sur le système financier. La plainte contre le milliardaire camerounais est diligentée au départ par l’Association professionnelle des Établissements de crédit du Cameroun (Appecam), constituée partie civile.

Un nouveau rebondissement dans l’affaire mettant aux prises le milliardaire camerounais Baba Danpullo et la compagnie de téléphonie mobile MTN. Et cette fois, c’est la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) qui prend ses responsabilités et décide de jouer les procureurs. Le gouverneur de la Banque centrale saisi par l’Association professionnelle des Établissements de crédit du Cameroun (Appecam), dénonce «des décisions de justice à l’encontre des Banques implantées au Cameroun». En lien avec le contentieux opposant «principalement Bestiner Company South Africa Limited et trois autres à MTN Cameroon Ltd, MTN Mobile Money et Chococam», écrit Abbas Mahamat Tolli. Son réquisitoire est consigné dans une correspondance adressée ce 8 septembre 2023 au ministre camerounais des Finances (Minfi), Louis Paul Motaze. Il fait précisément état «de diverses ordonnances judiciaires comminatoires, assorties d’astreintes journalières très élevées à l’encontre de sept établissements de crédit, visant à les contraindre à transférer au greffe du tribunal de Grande instance de Bonanjo, désigné séquestre, des fonds cantonnés dans le cadre des saisies conservatoires pendantes».
Péril en la demeure
L’attention du Minfi est ainsi attirée sur «les risques que font peser de telles décisions de justice sur le système bancaire et financier, au regard des enjeux importants». Car pour le gouverneur de la Beac, il paraît clair que ces décisions «ne reposent pas sur une base légale». Bien au contraire. Compte tenu des dispositions pertinentes du règlement 04/18/Cemac/Umac/Cobac du 21 décembre 2018 relatif aux services de paiement dans la Cemac. L’article 52 disposant en effet que les fonds inscrits sur le compte appartenant aux clients mobile money «sont protégés contre tout recours contre d’autres créanciers de l’établissement de paiement, y compris en cas de procédure d’exécution ou de procédure collective d’apurement de passif ouverte contre l’établissement de paiement», peut-on lire.
Autres charges
D’autres charges contre Baba Danpullo et la justice camerounaise sont également portées à l’attention de Louis Paul Motaze. Celle notamment relative à la violation de la loi 2008/003 du 14 avril 2008 régissant les dépôts et consignations. L’instrument juridique de portée nationale dispose «en ses articles 3, 5 et 6 que les dépôts, consignation et séquestres judiciaires ne peuvent être ordonnés qu’au profit de la Caisse des Dépôts et Consignations qui jouit d’un monopole concernant lesdits fonds», rappelle Abbas Mahamat Tolli. Avant d’exhorter le ministre des Finances «à bien vouloir saisir le ministre d’État, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, pour le sensibiliser aux règles encadrant le système bancaire et financier, dont la mauvaise application pourrait comporter les germes d’un risque systémique», prévient-il encore.
Théodore Ayissi Ayissi