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Crise anglophone : La médiation suisse s’enlise-t-elle ?

Après avoir suscité des espoirs, la Suisse est désormais critiquée, y compris par les diplomates européens à Yaoundé. Mais le vent pourrait tourner, et la démarche promue par Berne redevenir incontournable, selon une enquête de Le Temps.

L’ex-ambassadeur de Suisse lors d’une audience à Etoudi.

Citant des sources anonymes, l’enquête renseigne que les diplomates européens critiquent avec les mots les plus durs l’opacité de la politique suisse au Cameroun, l’absence pendant près d’une année d’un ambassadeur et les actions ratées du Centre pour le dialogue humanitaire (HD), basé à Genève. Stéphane Rey, chef des affaires liées à la paix au Secrétariat d’Etat du DFAE, relativise: «Le rôle des ambassades sur place est important au niveau de la communication. Ceci dit, toute médiation est dirigée depuis Berne. Et nous apportons un soin particulier à tenir nos partenaires clés informés de l’avancée des processus que nous menons, ce qui pose de nombreux défis en période de pandémie. Et jamais nous ne dévoilons le contenu des discussions, pour protéger les parties».

En réalité, l’ambassade suisse à Yaoundé a continué à fonctionner grâce au chargé d’affaires Andreas Maager, qui assure l’intérim. En plus, la coopération suisse dans le pays a été renforcée, signe que le Cameroun et l’Afrique centrale font partie des priorités de la Suisse. En outre, un émissaire spécial pour la paix a été nommé: Günther Baechler, diplomate chevronné.

«Berne doit clarifier ses intentions»
Mais, indice d’une détérioration de la relation entre Berne et Yaoundé, Günther Baechler n’a pu se rendre qu’une fois au Cameroun, au mois d’avril, et il n’y a vu que Félix Mbayu, ministre délégué auprès du Ministre des relations extérieures en charge des négociations avec les séparatistes, alors qu’il avait sollicité un entretien avec Ferdinand Ngoh Ngoh. La fin de non-recevoir de ce dernier apparaît comme une rebuffade, même si, selon nos sources, la secrétaire d’Etat Livia Leu s’est, depuis, entretenue avec Ferdinand Ngoh Ngoh. Pire, dans des notes fuitées que la Suisse et le Cameroun ont échangées en prélude à la visite de Günther Baechler, et alors que Berne sollicitait un visa pour un représentant de HD, Yaoundé a clairement fait savoir que la venue de ce dernier n’était pas appropriée. En d’autres termes, HD n’est plus le bienvenu au Cameroun. Lorsque les diplomates présents à Yaoundé ont compris l’importance de la défiance envers la facilitation suisse, ils sont tombés des nues.

Lors d’une réunion en petit comité, en avril, où le chargé d’affaires suisse a informé à demi-mot ses collègues des difficultés rencontrées, un ange est passé avant que ne soit réclamé à la Suisse un point complet sur la situation. Dans leurs échanges informels, les diplomates expriment un vrai ras-le-bol: «Soit leur démarche est morte, soit elle est en mode pause, mais les Suisses ne peuvent indéfiniment et artificiellement la maintenir en vie; il faut que Berne clarifie rapidement ses intentions, faute de quoi nous serons amenés à relayer auprès de nos capitales respectives notre déception», assène un diplomate européen. Sollicitée, l’ambassade de France dément: «La seule position tenue par notre ambassadeur est celle de la France: nous apportons notre plein soutien aux efforts de la médiation suisse. Toute autre allégation est sans fondement et ne vise qu’à porter atteinte à l’image de la France, à la réputation de notre ambassadeur ou à l’efficacité de cette médiation»

Landry Kamdem avec Le Temps

 

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