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Tripoli 1982 : La CAN sur le terrain de Kadhafi

Les Black Stars du Ghana remportent la 13e édition du tournoi. Le guide libyen rate l’occasion de «gueuler».

Le 5 mars 1982 quand la compétition s’ouvre au Stade du 11 juin nouvellement construit à Tripoli, le colonel Kadhafi fait une démonstration retentissante des discours virulents à l’égard des pays occidentaux et de l’apartheid en Afrique du Sud. Des observateurs n’hésitent pas à parler de «CAN à la Kadhafi». Pour le dirigeant libyen, son pays va triompher. La perspective de remettre personnellement le trophée à sa sélection dans son propre stade, tout comme l’avaient avant lui fait le Duce Benito Mussolini (Italie, Coupe du Monde 1932), le Shah Mohammed-Reza (Iran, Coupe d’Asie 1976) ou Jorge Videla (Argentine, Coupe du Monde 1978), le fait saliver.

Huit équipes: l’Algérie, le Cameroun, l’Éthiopie, le Ghana, la Libye, le Nigeria, la Tunisie, et la Zambie. La sélection libyenne est la seule de ces huit nations à participer à la CAN pour la première fois de son histoire. Entraînée par le Hongrois Bela Gotl, elle ne fait pas figure de favorite, mais a l’avantage d’évoluer à domicile, et peut s’appuyer sur des joueurs tels qu’Ali Al-Beshari ou Fawzi Al-Issawi. La Libye est dans le groupe A, en compagnie du Cameroun, du Ghana, et de la Libye. Le groupe B oppose l’Algérie, l’Éthiopie, le Nigeria, et la Zambie.

En demi-finale
Pour sa première participation à la CAN, la Libye réussit l’exploit de sortir des poules et de se hisser en demi-finale. Mais poussée par tout un peuple et surtout par le Guide de la Révolution, la sélection libyenne ne veut pas, ne peut pas s’arrêter là. Les demi-finales ont lieu le 16 mars 1982. La première voit le Ghana difficilement se défaire de l’Algérie (3-2 a.p.). La deuxième demi-finale oppose la Libye à la Zambie. À la 29e minute de cette rencontre, la Zambie ouvre le score par l’intermédiaire de son attaquant Peter Kaumba, mais la Libye réagit rapidement en égalisant par Ali Al-Beshari (38e minute). La deuxième mi-temps est indécise, la Zambie domine, mais ne parvient pas à tromper la vigilance du portier libyen. Alors que la prolongation semble se profiler, Ali Al-Beshari sort de sa boîte à la 84e minute et inscrit le deuxième but de la Libye. Le score n’évoluera plus, la Libye se hisse en finale et commence doucement à rêver du trophée.

L’exploit est en marche. Le 19 mars, dans un Stade du 11 Juin chauffé à blanc, l’affiche de la finale est exactement la même que celle qui avait ouvert la compétition: Ghana-Libye. Après avoir échoué en phases de poule lors de la précédente édition, le Ghana retrouve la finale de la CAN, qu’il a déjà remporté à trois reprises, face à une Libye dont la présence à ce niveau est totalement inédite; mais les Chevaliers de la Méditerranée sont prêts à dresser leurs boucliers face aux offensives des Black Stars. Après la cérémonie de clôture et le discours de Mouammar Khadafi, lequel prend place dans la tribune présidentielle, attendant le moment où il remettra lui-même le trophée à la sélection libyenne à l’issue de la rencontre, les deux équipes pénètrent sur le terrain, les Libyens tout de verts vêtus, les Ghanéens en blanc.

Match au couteau
Le match débute dans une ambiance électrique, que l’attaquant George Alhassan vient calmer à la 35e minute: profitant d’un tir repoussé par le gardien libyen Ramzy Al-Kouafi, Alhassan surgit au cœur de la surface de réparation pour propulser le ballon au fond des filets, permettant ainsi au Ghana de prendre les devants. Mais depuis le début de la compétition, la Libye a montré qu’elle avait de la ténacité. À la 70e minute, après un long ballon envoyé dans la surface de réparation ghanéenne, le ballon revient sur Ali Al Beshari qui s’y reprend à deux fois pour tromper Michael Owusu, mais ramène bien le score à 1-1, provoquant une véritable explosion de joie dans les tribunes de l’arène tripolitaine. Le score n’évoluera plus. C’est donc la séance de tirs au but qui décidera du vainqueur de la 13e édition de la CAN.

Cette séance est des plus indécises: les cinq premiers tireurs ghanéens (Lamptey, Alhassan, Paha, Asaase, Abbrey) et libyens (Al-Beshari, Sola, Al-Ajeli, Ben-Suleiman, Al-Farjani) convertissent tous leurs tentatives. Sixième tireur ghanéen, Mensah se présente face à Ramzy Al-Kouafi, et rate son tir!

La sélection libyenne se retrouve avec une balle de match, une balle de première CAN, une balle de premier trophée, une balle pour permettre au colonel Kadhafi de mettre en scène sa propre personnalité dans une cérémonie protocolaire qu’il a probablement orchestrée de bout en bout. C’est à Ghonaïm que revient la tâche d’envoyer la Libye sur le toit du continent africain. Le Stade du 11 Juin retient son souffle. Ghonaïm s’élance…et échoue! Le scénario est cruel pour le peuple libyen, les deux équipes sont à égalité parfaite. Quarshie convertit son tir au but pour le Ghana, Jaranah l’imite pour la Libye.

Nouvelle égalité. Afriyie, huitième tireur ghanéen, convertit sa tentative. C’est au tour de Zeiyu de tirer pour la Libye. Zeiyu s’élance…et rate sa tentative! Le match s’achève, le Ghana remporte sa 4e CAN (1-1, 7 t.a.b à 6), dans un Stade du 11 Juin dont la déception est palpable. Du 5 au 19 mars 1982, la 13e édition de la Coupe d’Afrique des nations se tient en Libye, qualifiée d’office pour la compétition en sa qualité de pays organisateur. Il s’agit de la première participation de la Libye à la CAN. Évoluant à domicile, les «Chevaliers de la Méditerranée» espèrent inscrire une première ligne à leur palmarès. Mais l’enjeu, pour, vient au-delà du terrain: il s’agit pour le dirigeant libyen de se servir de cet évènement et de la victoire finale libyenne, dont il ne doute en aucun cas, pour renforcer le culte de sa propre personnalité, et donner du poids géopolitique à une Libye dont il a fait l’un des fers de lance de l’anti-occidentalisme. Mais force est de constater que la compétition s’est avérée être un camouflet pour le colonel Kadhafi.

Jean-René Meva’a Amougou
Source : Afrique Football

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