Home ENTREPRISE Faible divulgation des données ITIE : une entrave majeure à l’épanouissement économique...

Faible divulgation des données ITIE : une entrave majeure à l’épanouissement économique des femmes

0

L’opacité qui continue de caractériser la gouvernance du secteur extractif au Cameroun constitue un frein majeur à la participation citoyenne, à l’équité socioéconomique et, plus spécifiquement, à l’épanouissement économique des femmes. Bien que l’exploitation minière et pétrolière soit présentée comme l’un des piliers de la transformation structurelle de l’économie camerounaise à l’horizon 2035, la transparence exigée par les normes internationales, notamment l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) demeure largement insuffisante.

L’exigence 7.2 de la Norme ITIE impose pourtant aux États de publier, dans des formats accessibles et ouverts, toutes les données essentielles à la compréhension du secteur : contrats, paiements des entreprises, revenus de l’État, allocations budgétaires, obligations fiscales et parafiscales, ainsi que les mécanismes de redistribution. En pratique, le Cameroun peine à traduire ces engagements dans les faits. Derrière cette opacité, ce sont des trajectoires humaines souvent celles des femmes qui se trouvent compromises.

I. Les marques persistantes de l’opacité
Pour Micheline Sylvie NDJETOH, vice-présidente de l’Association des Femmes du Secteur Minier du Cameroun (AFEMIC), l’inaccessibilité des données constitue l’un des plus grands obstacles à l’inclusion :
« Le Secrétariat permanent de l’ITIE publie des rapports annuels, mais leur format reste totalement inadapté au citoyen lambda, et encore plus aux femmes riveraines dont le niveau d’instruction est souvent limité. Les documents sont volumineux, très techniques, et uniquement disponibles en ligne, alors même que les zones minières manquent d’électricité et d’Internet. »
Elle souligne que la divulgation adaptée, notamment via des extraits simplifiés, des traductions en langues locales et l’utilisation de relais communautaires, permettrait d’améliorer la compréhension des recettes minières et de promouvoir une répartition équitable des ressources.


II. Les promesses de la Norme ITIE face aux réalités du terrain
La Norme ITIE 2019 est explicite : les informations publiées doivent être compréhensibles, accessibles, activement diffusées, et permettre d’alimenter un débat public éclairé, tout en tenant compte des besoins spécifiques des groupes vulnérables, y compris selon le genre.
Le groupe multipartite d’un pays membre doit notamment :
• Rédiger des informations dans un langage clair ;
• Les mettre à disposition dans les langues pertinentes ;
• Identifier et corriger les obstacles liés à l’accès à l’information pour certains groupes, notamment les femmes.
Or, la situation au Cameroun s’écarte de ces prescriptions. La prise en compte du genre dans les rapports ITIE demeure minimale.
Le Rapport ITIE 2022 fournit quelques données limitées :
• 2 910 employés dans le secteur extractif : 2 188 hommes et 722 femmes (soit seulement 0,58 % de l’emploi total du pays) ;
• Seulement deux sociétés minières et cinq sociétés pétrolières mentionnent disposer de politiques genre ;
• Les consultations dans les Études d’Impact Environnemental et Social (EIES) ne précisent presque jamais le nombre de participants, encore moins leur répartition hommes/femmes.
Cette absence de données sensibles au genre empêche toute planification efficace, toute évaluation de l’impact réel des activités extractives sur les femmes et toute amélioration des mécanismes de redistribution.


III. Les femmes laissées pour compte : la redistribution en question
Selon Dupleix KUENZOB, cofondateur de la Dynamique Mondiale des Jeunes (DMJ), la gouvernance budgétaire reproduit les inégalités :
« Si l’on compare les budgets alloués aux différentes institutions, la part dévolue au ministère de la Femme et de la Famille ne permet aucunement de répondre aux défis des femmes dans le secteur extractif. Aucun programme ne cible l’accompagnement des femmes riveraines, pourtant directement affectées par les activités minières. »
En l’absence de politiques publiques claires visant l’autonomisation économique des femmes autour des sites extractifs tels la formation, la restructuration des activités agricoles, l’appui à la fourniture de services aux entreprises minières ; les injustices fiscales et sociales persistent.

Louise NSANA

NO COMMENTS

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Quitter la version mobile