Le Cameroun et la Guinée Equatoriale mettent en place depuis une quinzaine d’années une approche d’exploitation commune des ressources minières sur leur frontière maritime. Si le projet se concrétise, il pourrait renforcer l’intégration énergétique en Afrique centrale, stimuler les industries locales, réduire la dépendance aux importations de gaz, attirer de nouveaux investissements dans le Golfe de Guinée, et redonner une dynamique à la coopération Cameroun–Guinée équatoriale.
1-Objectif et objet d’unitisation de Yoyo – Yolanda
Il s’agit de créer des conditions permettant au Cameroun et à la Guinée Equatoriale d’exploiter conjointement le champ gazier transfrontalier Yoyo -Yolanda, situé de part et d’autre des deux Etats sur une superficie de 679 km2. La configuration contractuelle de cette unitisation s’appuie sur le cadrage global de l’Accord bilatéral d’avril 2023 entre les deux Etats, pour la coopération dans l’exploitation des champs pétroliers et gaziers transfrontaliers. « Cet Accord constitue la base de l’un des projets énergétiques les plus structurants de notre sous – région, à savoir le développement et l’exploitation des ressources gazières du champ transfrontalier Yoyo – Yolanda », a déclaré la Représentante de l’Administrateur – Directeur de la Société générale des hydrocarbures, Nathalie Moudiki, le 19 novembre dernier à Yaoundé, au cours de la visite de travail de S.E Teodoro Nguema Obiang Mangue, vice- président de la République de Guinée Equatoriale. L’Accord qualifié d’historique prévoit la reconnaissance d’un réservoir unique, la mise en commun des données techniques, la répartition des bénéfices, et un développement coordonné du gisement. Cet accord devrait permettre de négocier et d’implanter tout projet d’unitisation entre les deux Etats, en ce qui concerne les ressources énergétiques.
2- L’état d’avancement des négociations bilatérales et tripartites
L’étape actuellement en chantier est la préparation de l’Accord d’Unitisation. Instrument juridique particulier, il vise à définir les conditions dans lesquelles les parties entendent exploiter ces ressources. L’Accord d’Unitisation a pour objet de définir les termes qui régiront l’exploitation conjointe du champ unitisé. Il définit précisément comment la ressource est partagée et exploitée. Selon des informations disponibles pour le moment, l’évaluation et l’allocation des ressources d’unitisation de Yoyo – Yolanda s’établissent comme suit : un potentiel de 2500 milliards pieds cubes à exploiter, dont 84% sont alloués au Cameroun et 16% à la Guinée Equatoriale. « Cet accord d’unitisation ne peut être interprété comme créant un droit ou des obligations en ce qui concerne la détermination de la frontière maritime entre les deux pays. La répartition des ressources, au terme de cette délimitation, fera l’objet d’une nouvelle détermination du partage », indique l’équipe de travail.
A quand la signature de l’Accord d’Unitisation ? S’il est difficile d’en dire un mot précis, il est à retenir que les travaux pour le bouclage de cet accord avancent. Le point des avancées au 19 novembre 2025, avec la Représentante de l’Administrateur – Directeur Général de la SNH, lors de la visite de travail du vice – président de la Guinée Equatoriale au siège de la Société nationale des hydrocarbures. Depuis la signature de l’Accord bilatéral, explique Nathalie Moudiki, « nos administrations et nos équipes techniques se sont mobilisées sans relâche et ont tenu plusieurs sessions conjointes entre le Cameroun, la Guinée Equatoriale et les opérateurs Noble Energy Cameroon et Guinée Equatoriale (filiales du groupe Chevron), portant essentiellement sur le choix de l’option de développement et examen du projet d’Accord d’Unitisation Yoyo – Yolanda. La dernière session conjointe s’est tenue ici à Yaoundé en mai 2025, et a enregistré des avancées notables ».
En rappel, le 17 mars 2023 marque la signature de l’Accord bilatéral Cameroun / Guinée Equatoriale par les deux chefs d’Etat. La signature par le président de la République du Cameroun du décret portant ratification de l’Accord bilatéral intervient le1er août 2023. En Guinée Equatoriale, l’instrument de la ratification de l’Accord bilatéral est signé le 4 avril 2024. Les instruments de ratification scellent cet accord entre les deux Etats, de manière irrévocable. Dans la foulée, une délégation camerounaise se rend à New York aux Nations unies pour déposer l’Accord bilatéral et ses instruments de ratification. Les champs d’application de l’accord : gestion fiscale des ressources unitisées ; gestion douanière desdites ressources ; plans de développement + contenu local de ces ressources ; la sécurité sur les ressources et l’impact environnemental.
3- les défis à relever
« Cette visite de Son Excellence monsieur le Vice – président, revêt une symbolique forte. Elle porte la marque d’une volonté partagée du Cameroun et de la Guinée Equatoriale, deux pays frères unis par la géographie et l’histoire, de renforcer leur coopération dans le secteur ô combien stratégique des hydrocarbures ». Cette sortie de Nathalie Moudiki indique à souhait combien la traduction dans les faits de la volonté politique affirmée est plus que jamais importante. Elle semble trouver un écho favorable du côté de la Guinée Equatoriale. Le 19 novembre dernier à Yaoundé, au cours de sa visite de travail à la SNH, S.E Teodoro Nguema Obiang Mangue a indiqué que le « Cameroun est un pays très important pour la Guinée Equatoriale, notamment sur le plan économique ». Le vice- président de la République de Guinée Equatoriale a invité les Camerounais à investir dans son pays. A croire que la visite du 9 novembre dernier va donner « un coup d’accélérateur à la matérialisation de ce projet », comme souhaité par Nathalie Moudiki.
Dans le cadre de Yoyo – Yolanda, il faut parvenir dans les meilleurs délais à la finalisation des discussions entre les Etats pour la démarcation de la frontière maritime entre les deux pays « pour laquelle un projet d’Accord avait été paraphé en 2012 ». Il faut également parvenir à la finalisation de l’entente entre les deux Etats et Chevron dans les domaines suivants : la loi applicable à l’unitisation et la règlementation de change. Dans le premier cas, « la loi devrait être celle des deux Etats », plaident les représentants étatiques aux négociations. Dans le deuxième cas, les Etats convoquent celle en vigueur dans la zone Cémac, qui prend en compte la sécurisation des fonds et la remise en l’état des sites pétroliers et gaziers. L’adoption d’un accord d’opération n’est pas le moindre des défis dans la mise en exécution du projet Yoyo- Yolanda.
Thierry Ndong Owona
Bon à savoir
- Le champ Yoyo Yolanda s’étend sur plus de 679 km2 dans le bassin de Douala / Kribi – Campo, au Sud du Cameroun, contiguë au champ Yolanda qui appartient au bloc 1 en Guinée Equatoriale.
- Les deux zones abritent des réserves de gaz naturel et de condensats de gaz, et partagent une même structure géologique.
- La zone couverte par ce bloc a auparavant fait l’objet d’une concession instituée par décret numéro 2008/447 du 23 décembre 2008.
- Ce champ gazier a été découvert par l’entreprise américaine Noble Energy en 2007, laquelle était chargée de son exploitation avant son rachat en octobre 2020 par une autre société américaine, Chevron.
- Le plan de développement vise à valoriser les ressources communes dans les deux Etats. Une partie du gaz de ce projet sera exportée et exploitée au Cameroun, et l’autre partie vers la Guinée Equatoriale.
- Deux pipelines offshores de 70 à 90 km : un vers le Cameroun pour approvisionner le Centre de dépôt et de traitement (CPF) de Bipaga ; un autre vers la Guinée Equatoriale via Punta Europa et les champs Alen.
- La mise en place d’installations sous-marines.
- Des infrastructures d’exportation.
- 2 500 milliards de pieds cubes de gaz (estimation globale)
- 47 milliards de m³ pour la partie camerounaise du bloc Yoyo (estimation minimale)
- 18 millions de barils de condensats
- 4 milliards de dollars d’investissements prévus
- A travers Yoyo- Yolanga, le Cameroun y voit une occasion unique de renforcer son autonomie énergétique, à l’heure où la demande interne explose et où les importations de GPL pèsent de plus en plus lourd sur les finances publiques. La Guinée équatoriale, quant à elle, veut sécuriser l’avenir de ses infrastructures gazières, alors que certains champs existants sont en déclin.
