Le Comité inter-États de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) s’est réuni à Brazzaville les 27 et 28 octobre 2025 pour peaufiner le projet de budget 2026 de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).
Au cœur des discussions, la Taxe communautaire d’intégration (TCI), pierre angulaire du financement communautaire, continue de diviser entre promesses d’efficacité et réalités budgétaires.Selon le rapport préparé à cette occasion, le taux de recouvrement de la TCI s’établit à 50,67 % à fin octobre 2025. Autrement dit, la moitié seulement des sommes attendues ont été reversées à la CEMAC. Une situation d’autant plus préoccupante que les recettes issues de la TCI et du Fonds de développement communautaire (FODEC) affichent une baisse en valeur absolue par rapport à 2025.
Interrogé le 28 octobre sur Télé Congo, le président du Comité inter-États, Éric Mbende, a reconnu la gravité du problème tout en affichant une volonté d’action : « Nous avons recommandé à la Commission de faire le tour des pays d’abord pour procéder aux recouvrements, et aider les États à mettre en œuvre le mécanisme de versement de la TCI. »Ce plan de terrain, inédit à ce niveau, traduit la lassitude d’une institution qui voit s’éroder année après année la discipline financière des États membres. Déjà, en septembre 2025, lors du Conseil des ministres tenu à Bangui, l’UEAC avait adopté de nouvelles « mesures de recouvrement et de gestion » censées corriger les « distorsions introduites dans le mécanisme de liquidation et de recouvrement ».
Mais la TCI traîne un lourd passé. En 2018, son taux de recouvrement ne dépassait pas 15 %. Trois ans plus tard, en mai 2021, il stagnait à 17,55 %. Et en mars 2022, les arriérés atteignaient 28,5 milliards de FCFA. Autant dire que le mal est profond, enraciné dans des pratiques nationales où les urgences budgétaires locales prennent souvent le pas sur la solidarité communautaire.
Pour rappel, la TCI est une taxe d’affectation spéciale instituée par la CEMAC pour financer le processus d’intégration régionale. Elle s’applique aux importations de produits en provenance des pays tiers (hors zone CEMAC ) mises à la consommation dans les États membres, à un taux fixé à 1 % de la valeur CAF (coût, assurance, fret).
En théorie, les montants collectés devraient alimenter directement le budget de la CEMAC.En pratique, les transferts tardent ou s’interrompent. Les administrations douanières, parfois défaillantes, invoquent des lenteurs techniques, tandis que d’autres États évoquent des contraintes de trésorerie. Résultat : les programmes communautaires ( libre circulation, convergence macroéconomique, financement des institutions régionales ) sont souvent sous-financés, voire reportés.Pour les observateurs, cette fragilité budgétaire illustre la difficulté chronique de la CEMAC à passer des intentions aux actes. « Tant que la Communauté dépendra de la bonne volonté des États, elle restera un projet plus qu’une réalité économique », analyse Victor Lokomba.
Selon cet économiste congolais, approché par Télé Congo, l’appel d’Éric Mbende à une tournée régionale sonne donc comme une tentative de relancer la dynamique. Reste à savoir si la volonté politique suivra. Car une intégration financée à moitié ne saurait produire qu’une union à moitié solide.
Jean René Meva’a Amougou
