Home LIBRE-PROPOS Le vent du changement souffle-t-il sur le Cameroun ?

Le vent du changement souffle-t-il sur le Cameroun ?

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Jean-Claude-Djereke

Pour la première fois depuis plus de quarante ans, Paul Biya, arrivé au pouvoir en 1982, aurait été battu dans les urnes, selon des sources crédibles.

Jean-Claude-Djereke

À 92 ans, alors qu’il briguait un huitième mandat, il aurait été devancé par un opposant, Issa Tchiroma Bakary, dont la candidature semblait au départ symbolique. Ce résultat bouleverse les idées reçues. Il montre que, même dans un régime verrouillé, l’élection peut être un véritable levier de changement, à condition que le peuple s’en empare avec détermination.

Cette victoire, si elle est confirmée, représente bien plus qu’une simple alternance politique. Elle vient briser un mythe, celui selon lequel participer à une élection organisée par un régime autoritaire revient à jouer un rôle de figurant. Désormais, les Camerounais et les autres peuples africains peuvent retenir ceci: un dictateur peut être défait dans les urnes si le peuple le veut réellement et si l’opposition choisit de se battre au lieu de se retirer.

Le peuple camerounais dit non, sans violence

Le soulèvement électoral du peuple camerounais n’est pas tombé du ciel. Il est le fruit d’une colère contenue, d’une fatigue collective et surtout d’un engagement populaire inédit. Des millions d’électeurs ont bravé les intimidations, les manipulations et les promesses creuses pour aller voter. Ils ont voté contre un régime qui, en 40 ans, n’a pas été capable de doter le pays d’infrastructures dignes de ce nom. Même une simple autoroute entre Douala et Yaoundé – un projet évoqué depuis des décennies – reste inachevée ou dangereusement obsolète.

Ce vote est un message clair: le peuple n’est pas condamné à subir indéfiniment. Il peut choisir de tourner la page pacifiquement. Le Cameroun rejoint ainsi la liste des pays où les urnes ont permis de sanctionner les abus, le népotisme, l’immobilisme et l’arrogance du pouvoir.

Cela devrait faire réfléchir les autres peuples africains. Le fatalisme n’a jamais été une stratégie. Ceux qui attendent que le changement vienne de l’extérieur ou par miracle ignorent la force du bulletin de vote.

La Côte d’Ivoire, prochain test de maturité démocratique

Dans quelques jours, le 25 octobre 2025, les Ivoiriens seront appelés aux urnes. Là aussi, les signes d’un basculement sont visibles. Ahoua Don Mello, candidat de l’opposition, est peut-être sous-estimé par certains, moqué par d’autres, mais il incarne une alternative sérieuse pour une grande partie de la population. Le contexte est porteur: près de 4,5 millions d’électeurs qui avaient boycotté les scrutins de 2015 et 2020 semblent aujourd’hui déterminés à faire entendre leur voix.

Il ne faut pas les sous-estimer. Car qui peut croire que ces électeurs choisiront de redonner un mandat à Alassane Ouattara, après 15 ans de gouvernance perçue par beaucoup comme autoritaire et exclusive ? Ce peuple, frustré par les inégalités, la répression et la confiscation du débat démocratique, ne demande qu’une seule chose: pouvoir voter librement et voir son choix respecté.

Cependant, certains opposants ont choisi de boycotter cette élection sous prétexte que leur candidature a été rejetée ou que le processus est imparfait. C’est là que l’illusion de la « politique de la chaise vide » doit être démontée. Ce choix ne profite jamais au peuple. Pire encore, il affaiblit l’opposition en laissant le terrain libre au pouvoir en place.

Refuser la chaise vide

L’histoire politique récente nous enseigne que la politique de la chaise vide n’a jamais été payante. S’abstenir de participer à une élection, aussi imparfaite soit-elle, ne fait que renforcer le régime en place. Abandonner le terrain électoral, c’est céder sans combattre. C’est aussi insulter le courage de millions de citoyens qui, eux, choisissent la voie du vote pour résister pacifiquement.

De plus, il est regrettable d’entendre certains leaders politiques affirmer que ceux qui participent à ces élections sont des traîtres, des figurants ou des accompagnateurs du régime. Ce genre de discours est dangereux. Un vrai démocrate ne verse pas dans l’insulte ni dans le mépris envers d’autres opposants. On peut avoir des stratégies différentes sans pour autant s’accuser mutuellement de complicité.

Quand on aime vraiment son pays, on se bat avec les moyens disponibles. On ne quitte pas la table dès que les règles ne nous arrangent pas. On s’engage, on mobilise, on encadre les électeurs, on surveille les urnes. C’est ainsi qu’on construit une culture démocratique solide, capable de survivre aux hommes forts et aux manipulations d’appareil.

Un nouvel horizon pour l’Afrique francophone

Le Cameroun nous l’a montré: le vote n’est pas inutile. Quand le peuple décide, même un régime installé depuis quatre décennies peut tomber. La Côte d’Ivoire a aujourd’hui une occasion historique de démontrer, elle aussi, que le changement par les urnes est possible.

Les dictateurs ne sont pas invincibles. Les élections ne sont pas toujours truquées. Et, surtout, les opposants qui participent à ces scrutins ne sont pas des traîtres. Ce sont souvent eux qui font le travail difficile, ingrat mais indispensable pour porter l’espoir du peuple jusqu’au dernier bureau de vote.

C’est dans les urnes, pas dans la rue, que le changement durable s’ancre. Les solutions d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui. À l’ère de la maturité démocratique, seule la responsabilité politique peut ouvrir la voie vers des lendemains meilleurs.

Jean-Claude DJEREKE

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