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Discours de haine au Cameroun: leçon sur les sables émouvants qui peuplent la toile

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À la tribune du lancement officiel de la campagne nationale contre le fléau, la ministre Minette Libom Li Likeng a livré une leçon inaugurale. Arrêt sur un exposé qui appelle à une mobilisation collective face à un phénomène qui menace la cohésion nationale.

 À Yaoundé, ce 9 septembre 2025, on sait que l’initiative est portée par l’Association pour la Réhabilitation des Réfugiés, des Jeunes et des Femmes (ARREF). Pour le ministère des Postes et Télécommunications (Minpostel) qui en assure le parrainage, il faut bien décrire les choses comme elles se présentent. D’où la leçon inaugurale de Mme Minette Libom Li Likeng. Le propos s’ouvre sur un grave descriptif. « Les discours de haine constituent une menace grave à la cohésion sociale et aux fondations de la Nation.Les discours de haine, parfois explicites, parfois subliminaux, s’imposent désormais comme un fléau mondialisé, accentué par la puissance des plateformes numériques », a martelé la ministre.Loin d’être de simples « dérapages », ils deviennent des armes symboliques, capables de fracturer le tissu social et d’alimenter la radicalisation.« Ces contenus viraux fragilisent le vivre-ensemble, nourrissent les conflits et banalisent la violence », a expliqué la ministre.

 Distinguer, comprendre, agir

Sa leçon inaugurale surfe sur cet ensemble pour poser les bases conceptuelles. Pour la Minpostel, le discours de haine se définit comme toute communication qui propage, incite ou justifie la haine contre un individu ou un groupe, en raison de son identité. Le message subliminal, lui, se veut plus insidieux : caricatures, slogans détournés, vidéos manipulées ou citations tronquées, qui orientent subrepticement les représentations et polluent le débat public. Ces deux formes ont en commun de jouer sur l’ambiguïté et l’émotion, de contourner la censure et d’alimenter des dynamiques d’exclusion. Leur danger tient aussi à leur « plausible négavité » : les auteurs peuvent toujours prétendre qu’« on a mal interprété » ou qu’il ne s’agissait « que d’humour ».

L’analyse s’est ensuite penchée sur les mécanismes de propagation. Les réseaux sociaux, en raison de leur architecture ouverte et de la logique de viralité des « likes » et partages, favorisent les contenus polarisants. Les algorithmes de recommandation, conçus pour capter l’attention, renforcent encore cette tendance, au risque d’enfermer les utilisateurs dans des « bulles » idéologiques. « Le dispositif technique numérique agit comme un amplificateur, rendant les discours de haine plus visibles, plus rapides et plus viraux », a noté la ministre. D’où la difficulté croissante à contenir leur diffusion, en particulier dans les groupes fermés, messageries chiffrées et forums communautaires.

La riposte du Cameroun

Face à cette menace, le gouvernement affirme ne pas rester spectateur. La ministre a rappelé le cadre légal existant, notamment la loi de 2010 sur la cybersécurité et la cybercriminalité, ainsi que le rôle de l’Agence nationale des technologies de l’information et de la communication (ANTIC) dans la surveillance et la lutte contre les dérives numériques.

Mais l’action va au-delà du juridique. Depuis quelques années, le MINPOSTEL pilote une vaste campagne de sensibilisation à l’utilisation responsable des réseaux sociaux. Forums régionaux, ateliers scolaires, émissions radio et télé.

Une « Coalition nationale pour la cybersécurité » a été mise sur pied, avec un accent particulier sur l’éducation numérique des jeunes, la formation des journalistes et la responsabilisation des community managers. L’objectif : développer une véritable culture de vigilance citoyenne face aux discours haineux et aux manipulations en ligne.

 Une inflexion stratégique

Si la lutte contre la cybercriminalité en général demeure une priorité, une « inflexion stratégique » s’est imposée : cibler plus spécifiquement les discours de haine en ligne. Le gouvernement envisage d’intégrer des modules pédagogiques sur ce thème dans les programmes scolaires et la formation des fonctionnaires. Des discussions sont aussi engagées avec les grandes plateformes (Meta, TikTok, X) pour adapter leurs politiques de modération au contexte camerounais.

Un appel à l’unité nationale

En conclusion, Minette Libom Li Likeng a salué l’initiative de l’ARREF, qu’elle a décrite comme « un jalon pour un Cameroun toujours uni et prospère ». Elle a exhorté les citoyens à s’engager activement : « Disons NON aux discours de haine, NON aux messages subliminaux destructeurs, et OUI à une communication citoyenne, respectueuse et constructive. » Le lancement de cette campagne intervient dans un climat où la vigilance est de mise. À l’heure où la parole numérique peut se transformer en instrument de division, la bataille pour la dignité humaine et la paix sociale s’annonce décisive.

 Dans un contexte préélectoral marqué par une recrudescence des propos stigmatisants sur les réseaux sociaux, la mise en garde prend une dimension particulière. Mme Libom Li Likeng a rappelé que le chef de l’État, Paul Biya, avait à plusieurs reprises sonné l’alarme, dénonçant le tribalisme, la manipulation identitaire et la banalisation de la violence en ligne.

Jean René Meva’a Amougou

 

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