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Étiquette : Jean-René Meva’a Amougou
Diplomation à l’Université panafricaine:Cérémonie académique à gros enjeu diplomatique à Yaoundé
Pr. Joseph Vincent Ntunda Ebode face à la presse: l’université panafricaine, objet d’orgueil pour le Cameroun. La tonalité des discours prononcés le 31 mars 2018 à cette occasion a trahi la volonté des autorités camerounaises de célébrer leurs victoires sur certains pays africains.
C’est un secret de polichinelle. La 3ème promotion de l’Institut Gouvernance, Humanités et Sciences sociales de l’Université panafricaine a été adoubée le 31 mars 2018 au palais des Congrès de Yaoundé. A l’honneur cette année, quarante-neuf lauréats. Ils sont majoritairement issus du master en Gouvernance et intégration régionale (soit 38 étudiants, 14 femmes et 24 hommes). Dans l’effectif restant (04 femmes et 07 hommes), chacun a obtenu chacun un master en Traduction et interprétation de conférence.
Les heureux impétrants sont originaires de 22 pays membres de l’UA (Union Africaine) (Nigéria, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo, Ethiopie, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi, Libéria, Mali, Mozambique, Ouganda, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Tanzanie, Tchad).
Tantoh Neh Sheila) est le major de la promotion baptisée « Emergence de l’Afrique ». Cette Camerounaise, apprend-on, a obtenu une moyenne de 17,54/20 (moyenne supérieure à celles des majors des deux premières cuvées, 17,14 et 17, 22 respectivement).
Le travail par genre révèle que cette 3ème promotion a été « dominée » par les dames.
Volonté de prouver
Présentée ainsi, la cérémonie de diplomation de samedi dernier au palais des Congrès de Yaoundé était parée des atours académiques. Sauf que les officiels, dans leurs différentes prises de parole, ont tramé celles-ci dans un phrasé à forte teneur diplomatique. Pour le Pr Jacques Fame Ndongo, « la cérémonie du jour prouve tout l’intérêt que le Cameroun accorde au projet de l’Université panafricaine ». Le ministre de l’Enseignement supérieur est d’ailleurs plus direct. Il pointe que « remporter le siège de l’université panafricaine face à la Tunisie, après avoir gagné celui de l’Institut de Gouvernance, Humanités et Sciences sociales face au Gabon, a été une double victoire sur le plan de la diplomatie universitaire ».
Sur la même veine, le Pr Joseph Vincent Ntuda Ebodé, le directeur par intérim du pôle, affirme que « il est question pour le gouvernement camerounais d’offrir à cette 3ème promotion une cérémonie inoubliable et de prouver aux autorités diplomatiques et académiques des pays membres de l’UA qu’ils mérite toute la confiance placée en lui pour abriter cet institut ».
A croire que la question n’est pas d’abord académique mais politico-diplomatique et cela ne date pas d’aujourd’hui.
Jean-René Meva’a Amougou
Lom Pangar: Fleur exquise de la coopération franco-camerounaise
Avec le concours de l’Agence française de développement (AFD), le barrage affiche aujourd’hui fière allure.
Au moment où nous mettions sous presse, la visite de S.E. Gilles Thibault sur le chantier de construction du barrage de Lom Pangar, dans la région de l’Est, ne relevait plus des improbabilités. Il était certain qu’au courant de cette semaine, l’ambassadeur de France au Cameroun descendrait sur le site. Le plénipotentiaire français y va surtout parce que son pays, à travers l’Agence française de développement (AFD), est l’un des bailleurs de fonds de Lom Pangar. En effet, l’AFD a financé les travaux de construction du barrage de retenue d’eau à hauteur de 39, 3 milliards de francs CFA.
Indice de confiance
S.E. Gilles Thibault est le troisième ambassadeur français à s’y rendre. Sa visite est un bien meilleur tremplin pour remettre d’autres séjours de ses prédécesseurs au goût du jour. Il est en effet sur les traces de Bruno Gain et de Christine Robichon. Ces ex-ambassadeurs de France au Cameroun avaient officiellement foulé le sol de Lom Pangar en août 2012 et décembre 2015 respectivement. Lors des étapes de négociations relatives au financement du projet, le premier avait qualifié celles-ci de «moments de grande satisfaction et d’émotions», «l’aboutissement d’un vaste travail d’équipe». «Cela représente 10 années de discussion, parfois émaillées de moment de doutes». Cela laisse deviner le format de l’implication de la France dans la réalisation du barrage de Lom Pangar. Présent aux côtés d’autres bailleurs de fonds à l’étape des négociations des accords de prêt, l’Hexagone via son agence de développement, a aussi contribué à assurer un pilotage efficace des travaux en respectant le plan de gestion environnemental et social destiné à compenser les impacts négatifs du barrage. Elle s’est attachée à la gestion durable des chantiers, de la retenue et des impacts avals, ainsi qu’à l’atténuation des impacts sociaux et la gestion du massif forestier de Deng Deng. Cela a été concrétisé par le besoin de la création d’un milieu protégé des incursions humaines, afin d’assurer la conservation permettant aux espèces animales et en particulier aux populations de grands primates de se maintenir dans la région, en contrepartie de la dégradation inévitable de la biodiversité liée à la construction, la mise en eau du barrage ainsi qu’aux infrastructures et différents travaux associées (exploitation de sauvegarde, création de la ligne de transmission électrique Bertoua – Lom Pangar, routes d’accès, cités ouvriers et cadres des divers intervenants). L’AFD a préparé in fine l’exploitation pérenne de l’ouvrage y compris la gestion des ressources en eau. «Cela a appelé à la mise en place de mécanismes de coopération effectifs à différentes échelles, allant du régional à l’international, afin d’aller au-delà de la vision idéalisée du renforcement des liens entre la France et le Cameroun», déclarait en janvier 2017, Louis-Paul Motaze alors ministre de l’Economie, du Plan et de l’Aménagement du territoire (Minepat).
Transfert de technologie
Une manifestation parmi les plus en vue de ces liens réside dans la faculté des deux pays à développer une capacité de négociation collective et à peser davantage sur les processus de décision au sein des enceintes internationales. En effet, pour obtenir des financements pour le démarrage du projet, le Cameroun et la France ont tablé sur un objectif à long terme, c’est-à-dire prise en considération à la fois le besoin actuel et le besoin du futur. A ce jour, le standing du barrage illustre l’étendue cette plate-forme franco-camerounaise. Sur le terrain, en cette mi-mars 2018, le barrage provisoirement réceptionné le 30 juin 2017, est tenu par des nationaux. Le transfert de technologie au personnel du maître d’ouvrage, Electricity Development Corporation (Edc) a inauguré l’entrée en scène des personnels ingénieurs et techniciens formés par le constructeur China Water and Electricity (CWE). A ce jour, ils assurent assurer la gestion optimale de ce projet. Depuis le lancement du chantier, le transfert technologique de cette entreprise chinoise vers son partenaire EDC a connu différentes modalités de mise en œuvre : joint-ventures, voyage de personnel et échanges d’informations.
Journées de l’entrepreneuriat éthique au Cameroun
Le financement des projets est effectif
L’un des lauréats du business plan compétition de la 9ème édition des JEC bénéficie de l’accompagnement promis à la faveur de la descente sur le terrain de la commission de financement des projets.
«Les travaux avancent sur le terrain et si possible d’ici une semaine tout sera achevé. Je suis content de l’accompagnement que m’offre les JEC tout en étant cependant conscient que j’ai des obligations notamment le remboursement de ce financement qui m’est octroyé sans taux d’intérêt. Ce qui n’est pas négligeable». Ces propos sont de Hubert Wakap, le bénéficiaire du financement des Journées de l’entrepreneuriat ethique au cameroun (JEC) à l’issu du concours de business plan de l’édition 2017 qui s’est tenue du 09 au 11 Novembre dernier à Yaoundé. Conduite par Annie Toko, la commission des financements sociaux des JEC est descendue sur le terrain le 09 mars 2018 avec la deuxième volet du financement en vue de poursuivre l’agrandissement de l’unité de production d’un restaurant situé à la cité universitaire de l’université de Yaoundé I. Cet appui dont le bénéficiaire remboursera à échéance à 0% de taux d’intérêt consiste à la construction d’une cuisine, d’une salle d’eau et à l’agrandissement de la capacité d’accueil du restaurant. A travers ce financement qui provient des mécènes, partenaires et contribution des membres du comité d’organisation des JEC, «les JEC veulent lutter contre le chômage et la pauvreté par la stimulation/promotion de l’esprit entrepreneurial» déclare Erika Lindou, promoteur des JEC. En effet l’un des volets principaux des JEC qu’est le Business Plan Competition, instauré il y a 6 ans déjà, suscite beaucoup d’intérêt de la part des porteurs de projets pour qui le financement reste un des blocages. Alors que la 10ème édition se profile à l’horizon après la 9ème qui a eu pour thème «Entreprenariat pour tous», le comité d’organisation des JEC poursuit l’aventure en consolidant les acquis de cette plate-forme dont les récentes innovations au rang desquelles le changement de dénomination (désormais Journées de l’Entreprenariat Ethique au Cameroun) et le changement de site (de l’hôtel de ville au palais des sports) visent à faire comprendre aux uns et aux autres que cet évènement s’adresse à tous les citoyens quelles que soient leurs obédiences et qu’il vise une envergure nationale, voire internationale. Au fil des éditions, les Journées de l’Entreprenariat Ethique au Cameroun (JEC) se sont imposées comme un rendez-vous incontournable où durant trois jours les valeurs entrepreneuriales sont transmises aux participants par des experts de tous bords. L’objectif est de contribuer à l’effort du gouvernement dans la lutte contre le chômage et la pauvreté qui gangrènent les populations camerounaises et hypothèquent l’émergence du pays. En choisissant de financer directement l’outil et l’unité de production de ceux qu’ils soutiennent au lieu de leur remettre l’argent à mains propre, les organisateurs des JEC entendent participer plus concrètement à la matérialisation des projets issus des business plans retenus pour plus d’efficacité, de traçabilité et d’efficience.
Bobo Ousmanou
Livre
Des chroniques de Valentin Zinga, version compilée
L’ancien journaliste a dédicacé son ouvrage «Cameroun : chronique d’une démocratie assistée» le 13 mars dernier à Yaoundé.
L’histoire du Cameroun vous assomme ? Biya, Fru Ndi, Samuel Eto’o, la démocratie…: toute cela vous fait bâiller ? Valentin Siméon Zinga vous réveille. Ce journaliste de formation a conçu pour vous un petit bijou d’intelligence et de drôlerie, une promenade buissonnière à travers le sérail. Il est intitulé, «Cameroun: chronique d’une démocratie assistée», paru cette année aux éditions Ifrikya. Le livre a été officiellement présenté et dédicacé le 13 mars 2018 à l’Institut français du Cameroun, antenne de Yaoundé. Ses 292 pages ne dégagent pas une odeur d’encre fraîche. «Le livre est une compil des chroniques de l’auteur dans son époque journalistique», indique le chercheur Stéphane Akoa en posture de critique littéraire. «Le livre n’a pas été écrit ce jour, mais hier et avant-hier», ironise-t-il. Voilà pour le paratexte. Texte et prétexte Le texte, lui, ressemble à un jardin d’allées bien taillées et de phrases bien rectilignes… Une «grande» chronique rafraîchissante menée tambour battant par un conteur hors pair. Hors pair parce que Zinga aime inventer des mondes, ranger les mots dont il apprécie la sonorité dans son «tiroir à mots», et surtout écrire. Ecrire avec une touche comico-kafkaïenne, avec ses formules qui font mouche et ses grands moments de n’importe quoi. Au finish, «Cameroun: chronique d’une démocratie assistée» est un tableau de la high class de la société et des absurdités du quotidien. «C’est aussi une farce sur un monde qui se construit en même temps qu’il se démolit», selon Stéphane Akoa. Cela tient pour un prétexte. De là, le public de l’IFC s’indigne, il s’amuse. Et il en redemande. Parce que l’ancien journaliste de La Nouvelle Expression n’a rien perdu de sa verve pour tomber à plume raccourcie sur un système politique camerounais pourri jusqu’à la moelle à certaines de ses parties. Avec une langue riche, l’auteur s’emploie à dévoiler les coulisses de la scène du pouvoir, mêlant finesse psychologique et fond historique. En fait, Zinga propose de l’accompagner dans ses vagabondages journalistiques dont il a le secret. Se défendant de faire oeuvre d’historien, notre guide nous ramène néanmoins, avec force détails érudits et anecdotes savoureuses, dans un passé passionnant où l’on croise le président de la République, le ministre, le Lion indomptable et… «le gourou de Mballa II».
Jean-René Meva’a Amougou
Conseil ministériel: Le même discours sur la méthode et les priorités
Le 15 mars au palais de l’Unité, Paul Biya, le président de la République n’a pas décliné dans son discours une nouvelle approche du travail au sein de l’équipe gouvernementale.
Sur la forme, ce sera collégialité. Sur le fond, priorité est donnée à la performance. Paul Biya, le président de la République, a délivré jeudi dernier son discours de la méthode et fixé le cap de l’exécutif, lors d’un Conseil ministériel au palais de l’Unité. Se montrant soucieux d’éviter ou de limiter les couacs qui plombent son magistère, le chef de l’Etat a mis les points sur les i devant une équipe de ministres et secrétaires d’Etat majoritairement issus de son parti, le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais). Parmi les règles de bon fonctionnement de l’exécutif, réaménagé le 02 mars 2018, figurent l’efficacité, la solidarité, l’esprit d’équipe, le respect de la hiérarchie… «Elles devront en tout temps et en toute circonstance, être les boussoles qui guident votre action. C’est également à cette aune que vous serez jugés», prescrit Paul Biya. On ne saurait mieux définir la méthode à laquelle le gouvernement, dans sa configuration actuelle, est astreint et condamné à se dévouer afin d’être le liftier de la croissance.
Du réchauffé
Dans cette optique, il est attendu de l’équipe Yang IV la poursuite de la mise en œuvre du programme conclu avec le Fonds monétaire international. Il est également urgent de finaliser la mise en œuvre des grands projets structurants, du Plan d’urgence pour l’accélération de la croissance et du Plan spécial jeunes. Dans le détail, le président de la République demande plus d’attention dans la mise à disposition des populations des services de proximité (eau, électricité, santé, infrastructures routières). Ce qui peut apparaître comme une subtilité est en fait une pointe avancée d’un projet politique encore balbutiant : la décentralisation. Le chef de l’Etat dit que «la création du ministère de la Décentralisation et du Développement local s’inscrit dans l’optique d’apporter une réponse rapide» aux demandes récurrentes des populations «d’être associées plus étroitement à la gestion des problèmes qui influencent directement leur quotidien». Il en attend, à brève échéance, des propositions détaillées et un chronogramme relatifs à l’accélération du processus de décentralisation en cours. Sur le plan du contenu, rien de neuf apporté aux mesures et directives déjà connues. «Le cadre est tracé, les objectifs fixés et connus. L’action doit se poursuivre résolument. Je le dis clairement. Nous devons faire plus. Nous devons faire mieux», avait-il déclaré lors du Conseil ministériel du 15 octobre 2015. Quatre ans auparavant (le 15 décembre 2011), le locataire d’Etoudi se montrait préoccupé par l’addiction camerounaise à la dépense publique. Il suggérait alors au gouvernement de se «désintoxiquer» au plus vite. Cette fois, il revient sur le même thème: «Je voudrais vous réitérer, très fermement, mes instructions sur la nécessité d’une utilisation rationnelle des ressources publiques, la réduction du train de vie de l’Etat et la lutte contre la corruption».
Jean-René Meva’a Amougou
Crise anglophone: Les séparatistes versent dans la contrebande
Batibo, érigé en Far West. Pour financer leurs opérations, les groupes armés d’inspiration sécessionnistes se tournent vers la vente des produits contrefaits dans leurs zones d’influence.
Trafic de cigarettes, de médicaments, de parfums, de vêtements et même de pièces détachées automobiles. Pour les groupes armés opposés aux forces de défense et de sécurité dans les régions du Sud-ouest et du Nord-ouest du pays, tout est bon quand il s’agit de financer leur déploiement sur le terrain. Selon des sources sécuritaires, les scènes des récents assassinats des gendarmes le démontrent. «Des échantillons et des emballages de produits contrefaits ont été prélevés sur place», affirme un cadre en service à la légion de gendarmerie du Sud-ouest. A en croire ce haut-gradé, il s’agit notamment de quelques boîtes d’une version falsifiée de «Augmentin comprimé» des laboratoires britanniques GlaxoSmithKline plc (GSK). Ailleurs, dans le Nord-ouest, d’autres sources indiquent que les cigarettes de marque «Aspen» sont devenues le marqueur des attaques dans cette région. Une récente enquête en flagrance a permis de faire tomber, dans le département de la Momo, un réseau de vente d’«Aspen menthol». «Les résultats de cette prise ont permis d’établir que la cheville ouvrière du trafic est basée au Nigéria», apprend-on. «Là-bas, un homme en lien avec les «Ambazonia defense forces» (un groupe armé dirigé par un certain Lucas Cho, NDLR), revendait ces cigarettes en quantités industrielles, générant un profit d’au moins 05 millions par jour. La notoriété de son commerce lui avait valu le surnom édifiant de «Mister Aspen»», informe une autre source.
Indices
Plus récemment, à Idenau (Sud-ouest), des cartons de parfums ont été saisis. «L’un des suspects, placé en détention par les services compétents dans cette localité, a reconnu appartenir à une chaîne logistique tapie dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et dont la vocation est de diversifier ou muter les sources de financement d’un groupe armé», indique une source à Interpol Cameroun. Une tentative de chiffrage opérée par cette institution internationale souligne qu’«environ 20% des sources de financement des organisations criminelles telles que celles qui se déploie dans les régions anglophones du pays proviennent de l’écoulement de fausses marques de cigarettes et de médicaments notamment». Le 09 mars dernier, le ministre de la Santé publique (Misanté) a publié des communiqués de presse. Dans ces documents, André Mama Fouda informe le public de la circulation de faux «Augmentin» et de faux «Cipzole forte» à travers le pays. Si l’alerte du Minsanté n’établit pas systématiquement le lien entre la contrebande des faux médicaments et la crise anglophone, elle ouvre au moins une grille d’analyse sur les faits et leur timing. «Remarquons ensemble la coïncidence des noms des marques de médicaments et la fréquence des assassinats de gendarmes qui veulent détruire les réseaux», indique Françoise Mouyenga, expert en questions de sécurité au Centre de recherche et d’études politiques et stratégiques de l’Université de Yaoundé II (Creps). Sous un prisme plus élaboré, cette universitaire parle de «terrorisme local», «celui de petits groupes armés sur la partie anglophone du pays, vivant de petits trafics, de commercialisation de contrefaçons, et plus actifs quand leur business fonctionne de façon optimale».
Jean-René Meva’a Amougou
‘’La Convention de Kinshasa n’est pas suffisante’’
Dr. Isidore Zambou Zoleko Divers ateliers relatifs à l’identification des armes et des explosifs ont conclu au besoin d’établir une base de données couvrant les armes trouvées en Afrique centrale
Le géopolitologue camerounais, très imprégné des négociations sur les trafics d’armes en Afrique centrale, a pris part aux travaux de Yaoundé. Il décrypte les forces et les faiblesses des instruments juridiques de lutte contre la circulation et l’usage des ALPC dans la sous-région.
On parle globalement du flux des armes dans la zone CEEAC. De quel type d’armes s’agit-il et pourquoi ?
On parle de toutes les armes de guerre ou de chasse. Mais, deux armes de calibre différent sont généralement préférées par les criminels au sein de la CEEAC : ce sont les 9×19 mm et 38. Leurs cartouches sont utilisées dans diverses armes de poing et mitraillettes. Ces deux genres d’armes sont également faciles à dissimuler et peuvent être utilisées discrètement, ce qui en fait le choix des criminels. Plusieurs pays de la sous-région ont signalé ces armes comme étant problématiques. Des chefs de police d’Afrique centrale ont remarqué qu’elles sont les plus notoires mais ne sont pas les seules armes problématiques que l’on trouve dans leurs pays. Chaque pays a remarqué qu’il existait des problèmes pour certaines, sinon toutes ces armes.
Celles que vous citez là sont-elles les seules que les services spécialisés ont identifiées ?
On reconnaît que l’identification des armes est un des grands défis auxquels les services de police font face en Afrique centrale. Les armes récupérées peuvent être d’origine inconnue, et donc, difficiles à identifier. Les numéros de série des armes utilisées à des fins criminelles sont effacés et toutes les marques d’identification sont oblitérées pour empêcher de déterminer l’origine des armes. Certaines armes peuvent être classées d’après leurs calibres afin de les identifier.
Y a-t-il une base de données qui rendrait moins fastidieux le travail d’identification ?
Il existe plusieurs bases de données dans le monde mais elles ne répondent pas aux besoins spécifiques de notre sous-région. À côté, divers ateliers relatifs à l’identification des armes et des explosifs ont conclu au besoin d’établir une base de données couvrant les armes trouvées en Afrique centrale. Une telle base de données disposerait de photos et d’illustrations de marques afin de faciliter l’identification d’armes diverses. La valeur d’une telle base de données aurait les avantages tels que les services de sécurité pourraient identifier les armes trouvées dans leur pays avec plus de précision, partager les connaissances entre elles. Cela aiderait les personnes travaillant au tribunal à mieux préparer les cas qui demandent une expertise de spécialiste; les régions où certains genres d’armes se trouvent seraient identifiées; l’origine des armes récupérées serait déterminée avec plus de précision; les fichiers plus complets pourraient être établis sur les armes trouvées en Afrique centrale; les problèmes de langue et d’interprétation pourraient être résolus en adoptant des définitions légales. La base de données aiderait également les membres de la société civile qui travaillent dans le domaine de la prolifération des armes portatives et de petit calibre, en leur donnant des connaissances de spécialiste sur les armes à feu et autres questions d’ordre pratique.
Tout au long de cet atelier qui s’achève, vous avez longuement parlé de la Convention de Kinshasa. Vous vous êtes appesanti notamment sur le caractère historique de cet instrument juridique. En quoi justement est-il historique ?
Pour la première fois dans l’histoire, nous disposons d’un traité sous régional sur un sujet aussi sensible que les ventes et la circulation d’armes, un domaine relevant souvent d’alliances politiques confidentielles. Par un processus complexe et lent, l’espace CEEAC est parvenu à une réelle avancée et cette convention fait d’ores et déjà partie de ces textes qui traduisent une volonté de maîtriser la face noire de la mondialisation. Il rejoint ceux sur les génocides et les crimes de guerre, instaurant la Cour pénale internationale, ou sur le crime transnational organisé (la Convention de Palerme). Cette fois, enfin, l’Afrique centrale est parvenue à se responsabiliser sur les ventes d’armes, via la régulation du commerce licite et la prévention des trafics illicites.
En 1997, une convention sur les mines antipersonnel a été signée à Ottawa. Puis, en 2008, une convention sur les armes à sous-munitions a été adoptée à Oslo. La Convention de Kinshasa s’inscrit-elle dans ce même mouvement ?
Ce qui inscrit la Convention de Kinshasa dans ce mouvement, c’est notamment l’origine de la mobilisation. Les négociations des traités que vous citez, auxquels on peut ajouter le Protocole relatif aux restes explosifs de guerre, ont été lancées grâce à l’action de la société civile et des ONG. Ces conventions concernent des armes provoquant des dégâts humanitaires importants, terribles pour les civils bien après les conflits.
Dans le cas de la Convention de Kinshasa, les ONG ont voulu alerter sur les effets catastrophiques de l’utilisation de certaines armes au regard des droits de l’homme et du droit humanitaire international ainsi que sur les effets très néfastes des trafics illicites.
Que répondez-vous à ceux qui estiment que les pays exportateurs d’armes ont voulu, à travers cette Convention, faire valoir leurs propres règles au sein de la CEEAC?
Cette crainte est apparue au début de la négociation, elle est liée au rôle moteur et prépondérant des Occidentaux dans les négociations de désarmement et de contrôle des armements. S’agissant de la Convention dont nous parlons, qui est un traité de régulation, et non de désarmement, certains pays de la CEEAC ont craint qu’on leur impose des normes que les pays riches ou exportateurs seraient incapables de respecter, quand eux-mêmes auraient les plus grandes difficultés à le faire. Je pense que cette appréhension va s’estomper, car cette Convention est respectueuse de chacun et peut être mise en œuvre de façon égale par tous. Je note que les réticences viennent plutôt, à l’issue de la négociation, de certains grands pays exportateurs.
A ce jour, regrettez-vous que ladite Convention n’interdise pas de faire transiter des armes sur son territoire vers un pays qui se livrerait à des atteintes inacceptables aux droits de l’homme?
L’issue de la négociation avait été formidablement positive et encourageante. Et la Convention apportait des avancées considérables. Cependant, comme tout texte négocié au niveau international, il était le fruit de compromis. Il faut donc en admettre et en analyser les faiblesses. Il y en a deux principales. La première, c’est que la Convention de Kinshasa ne prévoit pas de sanctions juridiques à l’égard des États parties qui ne respecteraient pas leurs obligations. La seconde est celle que vous évoquez. Au moment de faire transiter des armes, l’État par lequel ces armes passent doit examiner si celles-ci seraient susceptibles d’être utilisées pour commettre des actes inacceptables, notamment vis-à-vis des civils. Auquel cas, le transit ne doit pas avoir lieu. Mais la Convention ne dit rien concernant des régimes violents qui ne serviraient pas directement à commettre ces crimes, alors même qu’il s’en produit dans le pays.
Qu’en est-il de sa mise en œuvre ?
Elle reste à la discrétion des pays signataires. Il n’y a pas de communication publique prévue. Chacun rend un rapport au secrétariat des Nations unies, lequel reste confidentiel. De plus, si la vente relève du «secret défense», les membres ne sont pas obligés de publier le détail des exportations ou des importations de leurs matériels. Enfin, il n’existe aucun mécanisme de sanction pour ceux qui n’auraient pas respecté la Convention. Ni les États exportateurs, ni mêmes les acheteurs n’ont voulu en entendre parler.
À dire vrai, la Convention de Kinshasa n’est pas suffisante pour avoir un impact sur le nombre d’armes en circulation dans la CEEAC. À elle seule, elle n’empêche pas des insurgés ou des terroristes de s’accaparer des armes pillées ou détournées des arsenaux gouvernementaux. Ce n’est qu’a posteriori qu’un pays exportateur pourra être mis en cause sur le devenir de sa production. À défaut de prévenir, la Convention participe à la prise de conscience des pays sur les risques du trafic d’armes. Elle reste un outil dans les campagnes de sensibilisation menées par les organisations non gouvernementales.
Entre la Convention de Kinshasa et le Traité sur le commerce des armes, y a-t-il complémentarité ?
En effet, ces deux instruments, qui en principe ont tous un caractère obligatoire, ont suivi un cycle de négociation quasi simultané ayant particulièrement intéressé les Etats d’Afrique centrale. Dans cette perspective, notre sous-région, souffrant depuis de longues années de conséquences de la prolifération des armes légères et de petit calibre a été l’un de leaders pour demander leur intégration comme la huitième catégorie d’armes dans le registre des armes classiques des Nations unies et sa prise en compte dans le TCA. Cette position commune a été prise et soutenue à travers la Déclaration de Sao-Tomé adoptée en 2009 par tous les 11 Etats membres de la CEEAC.
Alors que la négociation du TCA était en cours, l’Afrique centrale a commencé et avancé avec la négociation de son instrument pour le contrôle des armes légères et de petit calibre dans son espace. Cette convention a été adoptée bien avant le TCA, le 30 avril 2010, mais attendra sept longues années, soit le 08 mars 2017, pour son entrée en vigueur, bien après le TCA, adoptée le 02 avril 2013 et entrée en vigueur le 24 décembre 2014.
Bien que le TCA ait été signé par neuf États sur onze de l’Afrique Centrale, seuls deux États de la sous-région l’ont ratifié à ce jour : le Tchad et la République centrafricaine. Nous sommes encore loin de l’universalisation de ce traité en Afrique centrale.
«Cette Convention est respectueuse de chacun et peut être mise en œuvre de façon égale par tous. Je note que les réticences viennent plutôt, à l’issue de la négociation, de certains grands pays exportateurs»
Interview réalisée par
Jean-René Meva’a Amougou