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Cri de vérité de Mgr Kleda: “on n’organise pas une élection pour tuer ses concitoyens” »

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Mgr Kleda face à Paul Biya

Dans une déclaration sans précédent depuis l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, Mgr Samuel Kleda signe une homélie politique cinglante contre la mal-gouvernance et la violence d’État.

Mgr Kleda face à Paul Biya

Un “Kairos” confisqué

Dès les premières lignes de sa déclaration, Mgr Samuel Kleda place le ton : l’élection du 12 octobre 2025 représentait pour le peuple camerounais « le Kairos, le moment favorable pour écrire une nouvelle page de notre histoire : le changement ». Mais cette espérance, dit-il, a été trahie par le pouvoir en place, accusé d’avoir méprisé la volonté populaire :« De nombreux citoyens qui s’attendaient à un avenir meilleur ont eu la ferme conviction que leur choix n’a pas été respecté. Il a été méprisé et pire encore ignoré ». L’archevêque de Douala, connu pour son franc-parler, ne s’en tient pas à la liturgie morale. Il s’inscrit dans le registre de la dénonciation politique : la proclamation des résultats a suscité « déception et indignation » et provoqué des manifestations pacifiques violemment réprimées dans plusieurs villes, de Douala à Maroua, de Garoua à Dschang.

“On ne gouverne pas un peuple avec les armes”

Avec une gravité rare pour un prélat, Mgr Kleda pointe la responsabilité directe du pouvoir dans les violences post-électorales. « La démocratie ne s’accommode pas des coups de canons, des menaces, des arrestations arbitraires et des intimidations des citoyens qui ont une pensée contraire. On n’organise pas une élection pour tuer les concitoyens. On ne gouverne pas un peuple avec les armes ». Dans une atmosphère politique saturée de peur et de répression, cette phrase résonne comme un uppercut spirituel au visage d’un régime en fin de souffle. L’archevêque appelle à un cessez-le-feu social, exhortant les autorités à mettre un terme aux « violences, arrestations et assassinats » qui endeuillent la jeunesse. Il rappelle, dans un ton quasi pastoral mais profondément politique, que « aucun gouvernement au monde ne peut gouverner sans le peuple », citant l’Apôtre Pierre :« Veillez sur le troupeau, non pas en commandant en maîtres, mais en devenant les modèles du troupeau».

“Le Cameroun profond crie sa misère”

Le cœur du texte frappe par sa précision chiffrée et sa dureté sociale. Pour l’archevêque, le Cameroun est un pays au bord du gouffre :« le Cameroun profond crie sa souffrance et sa misère. Les populations ont faim parce qu’elles n’ont pas de travail. Le taux de chômage général est estimé à 74%. Dix millions de Camerounais vivent avec moins de 1000 francs CFA par jour ». Ces chiffres, livrés comme des coups de semonce, traduisent une faillite structurelle de l’État : chômage massif, pauvreté galopante, émigration des jeunes, déficit énergétique, corruption endémique, inégalités sociales. « Le Cameroun compte plus de six millions de citoyens sur les routes de l’exil ou de l’immigration clandestine… Un peuple qui descend dans la rue pour crier son désespoir exprime une rupture et interpelle la conscience des dirigeants ».

Un système inégalitaire

Dans un passage d’une rare virulence, Mgr Kleda dénonce la captation des richesses nationales par une élite déconnectée du réel :« L’exploitation des richesses du pays par une minorité de Camerounais, un luxe insolent de certains pendant qu’une majorité croupit dans la misère… ». La charge vise directement les élites politiques et économiques qui, selon lui, ont transformé l’État en machine de prédation. Il évoque un climat social “tendu et délétère”, nourri par le tribalisme, la corruption et le manque de perspectives.

Un texte historique qui secoue la République

En rompant le silence à un moment où la contestation populaire se heurte à une répression implacable, Mgr Kleda s’impose en conscience morale du pays. Sa déclaration, véritable bombe spirituelle et politique, ouvre un nouveau chapitre de la résistance éthique face à l’autoritarisme. Le prélat ne se contente pas de prêcher la paix : il dénonce la peur, le mépris du peuple et l’impunité des puissants. Dans un Cameroun post-électoral au bord de l’implosion, sa parole résonne comme un verdict :« On n’organise pas une élection pour tuer ses concitoyens ».

Tom

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