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Afrique–Europe : l’heure de vérité

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Les 24 et 25 novembre, l’Angola accueillera le prochain sommet Union africaine–Union européenne. Derrière les sourires diplomatiques et les promesses de partenariat « renouvelé », c’est une épreuve de vérité qui s’annonce.

Deux continents liés par l’histoire, mais encore séparés par les déséquilibres économiques, les blessures du passé et une défiance persistante. Bruxelles avait promis en 2022 un nouveau départ : la solidarité, la sécurité, la paix, et le développement durable devaient être les quatre piliers d’une alliance rééquilibrée. Trois ans plus tard, que reste-t-il de cette ambition ?

L’Europe parle encore de coopération, mais trop souvent avec la voix de ses intérêts. Ses programmes d’investissement — à commencer par le fameux Global Gateway — peinent à convaincre. Derrière les milliards annoncés, les capitales africaines cherchent des résultats tangibles : des routes construites, des usines qui tournent, des jeunes qui trouvent un emploi sur leur sol. Ce qu’elles voient, trop souvent, ce sont des conditions, des lenteurs, des financements qui servent autant les entreprises européennes que les besoins du continent. L’Afrique ne demande plus l’aumône : elle réclame un partenariat d’égal à égal, un pacte fondé sur la confiance et la réciprocité.

Car le monde a changé. La Chine, la Turquie, les puissances du Golfe ou encore l’Inde courtisent l’Afrique, sans le poids historique ni la condescendance que beaucoup reprochent encore à l’Europe. L’Union européenne, qui aime se présenter en championne du multilatéralisme, risque d’être reléguée au second plan si elle ne repense pas en profondeur sa relation avec son voisin du Sud. Elle ne peut plus se contenter d’invoquer les valeurs universelles tout en érigeant des murs pour bloquer les migrants, ou en subordonnant son aide à des clauses sécuritaires qui servent avant tout sa propre stabilité.

Le sommet d’Angola doit rompre avec cette logique de dépendance. Il doit reconnaître que la jeunesse africaine — plus de 400 millions de jeunes de moins de 25 ans — n’est pas une menace, mais une chance. Qu’investir dans l’éducation, les énergies propres, la santé ou la transformation locale des matières premières, c’est préparer un avenir partagé, pas acheter la paix sociale. L’Europe doit écouter, pas seulement parler. Elle doit apprendre à être partenaire, pas tuteur.

Ce rendez-vous de novembre n’est pas un sommet de plus. C’est un test. L’Afrique attend des preuves, pas des discours. L’Europe, elle, doit prouver qu’elle a compris que le temps des rapports verticaux est révolu. Dans un monde secoué par les crises, les guerres et les transitions écologiques, aucun continent ne peut réussir sans l’autre. Mais il faut du courage politique pour transformer une promesse en projet commun.

De son côté, l’Afrique a aussi une responsabilité historique. Elle ne peut se contenter de dénoncer les inégalités du système international tout en tolérant la corruption, la fuite des capitaux ou la dépendance à l’aide. Elle doit parler d’une seule voix, assumer son poids démographique et stratégique, et exiger des conditions justes dans les négociations commerciales, technologiques ou climatiques. Le monde multipolaire qui émerge donne à l’Afrique un levier inédit : celui de choisir ses alliances. Encore faut-il qu’elle s’en serve avec audace.

Angola 2025 doit être le sommet du réveil. Si l’Union africaine et l’Union européenne veulent encore prétendre écrire ensemble une page d’histoire, c’est maintenant ou jamais. Le partenariat du futur ne se bâtira ni sur la nostalgie, ni sur la peur, mais sur la reconnaissance mutuelle et la volonté de grandir ensemble. L’Afrique n’attend plus : elle avance. À l’Europe de décider si elle veut marcher à ses côtés ou rester sur le quai.

JRMA

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